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© Getty Images/iStockphoto
Le Québec, un modèle inspirant pour les pharmaciens
Lors du débat sur l’attractivité du métier de pharmacien et l’interprofessionnalité qui s’est déroulé au salon PharmagoraPlus (mars 2024), Jean-François Desgagné, président de l’Ordre des pharmaciens du Québec, a témoigné de l’évolution de la profession dans la Belle Province. Une leçon pour la France.
Le Québec et la France partagent de nombreux points communs : un amour immodéré de la langue française, le goût de la nature – à des échelles différentes ! – et une volonté féroce de faire évoluer le métier de pharmacien. Sur ce sujet, le Québec a pris une longueur d’avance. Au point, sans doute, de devenir un modèle inspirant pour les blouses blanches des officines françaises.
Dans la Belle Province, les deux universités « pharma » de Laval et Québec font carton plein. « Chaque année, nous admettons plus de 400 étudiants en 1re année de pharmacie alors que nous avons des milliers de demandes. Pour chaque étudiant pris en 1re année, 99 restent à la porte. La pharmacie n’a jamais été aussi populaire », explique Jean-François Desgagné, président de l’Ordre des pharmaciens du Québec, invité du débat « L’interprofessionnalité ou comment être privé de désert ? », organisé par Le Moniteur des pharmacies au dernier salon PharmagoraPlus.
Trop de place vacantes dans les universités françaises
Un succès enviable. En France, s’il est difficile de parler de « désaffection », environ 1 500 places sont tout de même restées vacantes en 2e année de pharmacie, au cours des deux dernières années. « Les lycéens ne connaissent pas la profession. Nous devons davantage développer la communication autour des études et des métiers de la pharmacie auprès des lycéens et même des collégiens », souligne Vincent Lisowski, président de la Conférence nationale des doyens de faculté de pharmacie. Un constat partagé par Cyprien Haffner, vice-président en charge de l’enseignement supérieur pour l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), et Bruno Maleine, président de la section A de l’Ordre national des pharmaciens. Mais l’alarmisme n’est pas de mise. « Aujourd’hui, une quantité non négligeable d’étudiants font leurs études de pharmacie en Europe, en Belgique, en Espagne, en Italie, en Roumanie, sans même tenter Parcoursup, et une fois diplômés reviennent en France pour exercer. De plus en plus de pharmaciens s’inscrivent au tableau de l’Ordre avec un diplôme européen », précise le président de la section A de l’Ordre national des pharmaciens. La France reste donc bien dotée en professionnels des officines. Au Québec, en revanche, la profession a beau être attractive, elle fait face à un creux : 3 500 pharmaciens manquent à l’appel dans la province. « Si quelqu’un les trouve, je vais financer avec mes fonds propres un bateau de croisière pour qu’ils viennent chez nous », plaisante le pharmacien québécois.
Des expérimentations pionnières
Pour pallier le problème, les universités de médecine de la Belle Province ont fait preuve d’un esprit pionnier. « Nos collègues en médecine ont eu une idée géniale et j’espère que nous allons être capables de la reproduire. Dans les villes éloignées, la filière ouvre une faculté de médecine satellite, plus petite, avec une trentaine d’étudiants, une communauté d’apprentissage. L’enseignement peut se dérouler en partie à distance. Donc, c’est relativement simple », poursuit Jean-François Desgagné. A l’instar du Québec, les Français planchent, eux aussi, sur une satellisation des universités. « Les facultés de médecine y travaillent et nous commençons à y réfléchir de notre côté. C’est un petit peu difficile à mettre en place, mais c’est un vrai sujet. Aller former directement dans les territoires les futurs professionnels de santé, c’est la garantie d’initier plus de jeunes qui vont probablement rester dans ces territoires », reconnaît Vincent Lisowski.
Au Québec, la pharmacie clinique est plébiscitée
Comparés aux titulaires français, les pharmaciens québécois possèdent toutefois un atout de taille pour séduire les aspirants à l’officine : une diversité de missions dont le déploiement massif a débuté il y a fort longtemps. « L’exercice du métier tel que nous le vivons au Québec a été imaginée il y a 20 à 25 ans. Lorsque j’étais étudiant en 1989, nous apprenions déjà la pratique clinique », rappelle Jean-François Desgagné. Une vision à 360 degrés du métier encore davantage plébiscitée par les nouvelles générations : « Lorsque ma fille, jeune pharmacienne, a négocié son premier contrat de travail, la première question qu’elle a posée à son employeur ne concernait pas son salaire, mais : “Est-ce que je vais avoir des heures réservées à la pharmacie clinique ? À présent, elle pratique 12 heures de “clinique” où elle ne s’occupe ni de distribution ni de comptoir. Pour du suivi de patients, des plans de soins, elle reçoit dans un bureau », poursuit le président de l’Ordre québécois.
Professionnel de santé avant commerçant
Soignant pivot, le pharmacien québécois a développé un éventail de compétences lui permettant de répondre à des attentes sociétales majeures. « Il y a eu un changement de paradigme. Nous sommes passés d’une profession très axée sur le médicament à une profession beaucoup plus orientée sur la prise en charge, le service, le soin pharmaceutique. C’est une posture de professionnel de santé affirmée, contrairement à une posture de commerçant », insiste le président de l’Ordre. Une myriade de services et de soins de première ligne font ainsi partie intégrante du métier. « Il s’agit de l’instauration de thérapies, lorsque le diagnostic est déjà connu et que le patient présente une récidive (eczéma, herpès labial, etc.), ou lorsque nous n’avons pas besoin de diagnostic. Par exemple, dans le cas de la médecine du voyageur nous pouvons prescrire des traitements antidiarrhéiques, pour la prévention de la malaria, le mal aigu des montagnes, mais aussi des vaccinations spécifiques », détaille Jean-François Desgagné. Les pharmaciens québécois peuvent aussi prendre en charge les traitements médicamenteux de certaines maladies chroniques et les ajuster (diabète, migraine, bronchopneumopathie chronique obstructive, etc.) en élaborant parallèlement un plan de soins : suivi des effets indésirables, prescription d’analyses, etc. Ils peuvent, en outre, substituer les médicaments qui font l’objet de ruptures de stock ou lorsque le médecin prescripteur n’est pas joignable. « En 2023, les pharmaciens ont rédigé 5,5 millions d’ordonnances, soit pratiquement 20 % de toutes les ordonnances délivrées par tous les professionnels de la santé québécois, médecins, infirmières, dentistes », explique Jean-François Desgagné. Examiné à l’automne prochain, un nouveau projet de loi pourrait donner à la profession encore davantage d’autonomie.
Une révolution dans la pratique
L’ensemble de ces évolutions sont qualifiées par le président de l’Ordre québécois de « troisième révolution dans la pratique de la pharmacie clinique ». En France, l’évolution du métier de pharmacien n’est pas aussi fluide. Elle est d’ailleurs parfois l’objet de quelques « frictions » avec les praticiens. « Nous sommes à peu près aux années 1990 du Québec : ça vibre au niveau de la pharmacie clinique, il y a des nouvelles missions, des freins, des corporatismes. L’avenir, ce sont les jeunes et leur formation. Ce sont ces jeunes qui vont pousser à cette acculturation de l’interprofessionnalité », observe Vincent Lisowski. Du chemin reste à parcourir…. avant d’envisager l’interprofessionnalité à la mode québecoise. « Tous les citoyens ne doivent pas forcément avoir un médecin de famille, selon le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec, équivalent de l’Ordre des médecins de France. En revanche, tous les citoyens doivent avoir un professionnel de santé les accompagnant dans leur parcours de soins. Il peut s’agir d’un médecin, d’un pharmacien ou d’une infirmière. Le patient doit être au cœur de nos préoccupations. Nous avons souvent tendance à opposer les professionnels, comme un attaquant, un défenseur. Or, lorsqu’en tant que pharmacien je fais une recommandation à un médecin, je ne suis pas un attaquant devant un défenseur. Je fais une passe pour qu’il marque. Nous devons travailler en équipe, développer nos connaissances mutuelles, et dans le même temps nous affirmer comme pharmacien. L’interprofessionnalité repose sur l’autonomie et la confiance », relève Jean-François Desgagné. Une vision collective franchement inspirante.
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