Le congé sabbatique, c’est pas automatique

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Le congé sabbatique, c’est pas automatique

Publié le 15 février 2025
Par Anne-Charlotte Navarro
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Un salarié peut bénéficier d’un congé sabbatique non rémunéré, puis retrouver son poste à son retour. Si le Code du travail accorde ce droit au salarié, la Cour de cassation a récemment émis un avis qui pose de nouvelles limites.

Les faits

Le 18 février 2013, Mme P. est engagée comme strategic account manager par la société A. Courant 2023, elle fait parvenir à son employeur une demande de congé sabbatique pour une durée de onze mois à compter du 1er septembre 2023. Celui-ci refuse. Le 29 mars 2023, elle saisit alors les prud’hommes selon la procédure accélérée.

Le débat

D’après l’article L. 3142-28 du Code du travail, un salarié a droit à un congé sabbatique s’il remplit certaines conditions d’ancienneté et d’activité. Durant celui-ci son contrat de travail est suspendu. L’article L. 3142-29 du même Code ajoute que l’employeur peut différer le départ en congé, dans la limite de neuf mois dans les entreprises de moins de 300 salariés, en fonction de la proportion de salariés absents dans l’entreprise. Il peut également le refuser s’il estime que ce congé aura des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise. Le motif de refus doit être porté à la connaissance du collaborateur par lettre remise en main propre ou recommandé avec accusé de réception. Le salarié a ensuite 15 jours pour contester, s’il le souhaite, la décision en suivant une procédure accélérée auprès des prud’hommes. Tel est le cas de Mme P. Son entreprise défend son refus arguant que son absence aurait des conséquences préjudiciables sur ses obligations auprès de ses clients pour différents projets en cours et à venir. Sans compter l’impact sur l’organisation de l’équipe à laquelle Mme P. appartient. Un argumentaire que le conseil de prud’hommes de Marseille (Bouches-du-Rhône) rejette le 15 mai 2023, au motif que « la justification du refus ne permet pas de mettre en lumière les conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise ». La société A forme alors un pourvoi en cassation.

La décision

Le 20 novembre 2024, la Cour de cassation casse et annule la décision du conseil de prud’hommes. Les hauts magistrats considèrent que la première juridiction aurait dû apprécier la réalité des conséquences alléguées par l’employeur au regard des éléments des faits suivants : Mme P. était la seule strategic account manger de l’entreprise sur la zone sud des États d’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique. Au regard de la grande expérience de la salariée et du contexte de tension du marché de l’emploi, les hauts magistrats ont estimé qu’il aurait été difficile pour la société A de procéder à son remplacement à expérience équivalente. De plus, répartir les clients de Mme P. auprès des autres équipes apparaissait impossible en raison de leur charge de travail déjà élevée. En d’autres termes, le poste de Mme P est trop stratégique pour qu’une entreprise de moins de 300 salariés l’autorise à partir pour onze mois. Par conséquent, les tensions sur le marché de l’emploi à l’officine jouent en faveur d’un possible refus ou report de la part d’un employeur. Mais, seul, cet argument reste a priori insuffisant pour justifier un refus de congé sabbatique.

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À retenir

  • Un salarié a droit à un congé sabbatique pendant lequel son contrat de travail est suspendu.
  • Dans les entreprises de moins de 300 salariés, l’employeur peut refuser ou reporter ce départ.
  • Un employeur doit justifier son refus par des éléments de faits précis et prouver que cette absence aurait des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise.