Carrière Réservé aux abonnés

Le chevalier de Villejuif

Publié le 1 novembre 2007
Mettre en favori

Diplômé depuis juin, Samir n’a guère d’expérience à l’officine, mais beaucoup sur les terrains de foot et le bitume de Villejuif.

Élégance du geste et phrasé rocailleux, Samir Moudjellal a le tempo de l’hyperactif. Dans une bataille de breakdance ou dans un maillot de foot numéro 10. BP en poche depuis cet été, ce jeune homme de 22 ans, regard velouté et sourire timide, prend le temps d’une pause. Pour se confier.

Des clichés non chiqués. Ses potes l’appellent Gad . Mais ceux de Samir sont verts. La couleur de l’espérance. La vie a un pouls et le sien est rapide. Il est pressé de réussir, de gagner de l’argent. Une revanche, Ils sont six à vivre dans un modeste F3 à Villejuif (Val-de-Marne) sur le salaire de sa mère, agent de service hospitalier. De son enfance, Samir a gardé le souvenir d’une éducation rigide, . Ses deux frères et sa soeur attirent moins les foudres du paternel. Samir ressent comme une injustice à son égard. Peut-être parce que son père attend davantage de lui… , dit-il. Pourtant, Samir fait à l’adolescence. À 14 ans il rackette des élèves d’une école d’ingénieur, vole des téléphones portables pour les revendre sur le marché de Montreuil (Seine-St-Denis). Des excuses, il n’en veut pas, évoque . Et quand son compagnon de délit , il est . Les bêtises, c’est fini. Lui qui a grandi bercé par, des cassettes d’histoires religieuses chantées pour les enfants, redécouvre les préceptes de sa religion. Il fera la prière, mangera hallal. Ni intégriste, ni pudibond – il a une petite amie depuis cinq ans -, il ne boit, ni ne fume. Mais il sort beaucoup. Paris et ses dance floors sont une sacrée tentation.

Génétiqu’Hip-Hop. Samir habite Villejuif, . Et qui après les tournois de foot annuels, organise des réceptions où s’exhibent des danseurs de hip-hop. C’est l’époque du renouveau de cette culture venue de New York dans le milieu des années 70. Samir regarde, apprécie les acrobaties de la breakdance, cette danse au sol acrobatique sur un break ou breakbeat, un même passage de musique joué en boucles. Il a 12 ans et commence à s’entraîner au salto arrière sur son lit. La journée, au bas de son immeuble, il regarde ses potes du quartier danser. Pour apprendre. Regarder et refaire sans cesse les mouvements. . Instinctivement, il décortique la coupole ou le freeze, De 12 à 16 ans, Samir traîne tous les mercredis et les week-ends à La Défense, sur la place du Trocadéro ou à la gare de Lyon à Paris pour regarder les breakers s’affronter dans des ou . Au son de deejays, DJ Flex ou DJ Science, les breakers s’affrontent par équipe de deux à cinq danseurs. Un premier danseur exécute une figure durant 20 à 30 secondes. Ensuite le breaker de l’équipe adverse entre à son tour dans la où la surenchère et la provocation sont de rigueur, . Malgré le fun, finalement, Samir en a marre de . Il entreprend des démarches à la mairie de Villejuif pour disposer d’une salle en 2003 et donner des cours de manière informelle. Puis en 2005, il ouvre des cours officiellement pour les 8-13 ans le mercredi après-midi. Sans diplôme, ni appui. Il faut dire que Samir est une célébrité locale. En tant que numéro 10 au football.

Un danseur aux pieds d’athlète. Depuis l’âge de 7 ans, Samir dribble. En finesse et en rythme. Il intègre le club de Villejuif, quand à l’âge de 13 ans, lors de la finale de la coupe du monde de football en 1998, son équipe affronte une équipe internationale brésilienne. L’entraîneur brésilien veut le ramener au Brésil pour le former. Son père dit non, mais Samir est fier, Il continue le foot, à Villejuif, puis au CFPP (Centre de Formation de Football de Paris), et à Montrouge où rebelote, des sélectionneurs du centre de pré-formation de Strasbourg le réclament. Et là encore le refus paternel. « Samir pleure sur son rêve. Mais il refuse les propositions d’un club algérien professionnel l’été suivant. Une petite vengeance envers son père et le refus de vivre à Oran, aussi moderne soit la ville. Il continue le foot, mais les filles occupent ses pensées. Entre temps, il passe son bac et part de chez lui. S’inscrit en BP de pharmacie en 2005 par envie et Il ne lâche ni le break ni le foot. Dort trois ou quatre heures par nuit, suit tant bien que mal ses cours au CFA de Planchat. La vie est courte, il en profite…

Publicité

Au coeur de la cité. Il découvre alors le football en salle ou futsal qui se joue à cinq sur un terrain de hand-ball. Samir décide avec quelques amis, de créer une association » . Il rédige les statuts, rencontre des animateurs car lui n’a pas de formation. Il laisse la place de Président de l’association à un jeune et qui doit se réinsérer. Samir joue depuis dans l’équipe malgré une blessure au genou et à la main. Il affiche aussi, modestement, sa réussite au BP . Et cherche une pharmacie pour exercer ses talents de préparateur cette fois. . Son ambition est palpable. Samir a plus d’un projet dans sa poche et dans ses yeux clairs, la vague de la réussite continue de smurfer. •

Samir Moudjellal

Âge : 22 ans.

Formation : préparateur en pharmacie.

Lieu d’exercice : Paris.

Ce qui le motive : découvrir des gens, des lieux, des façons d’être.

Portrait chinois

• Si vous étiez un végétal, lequel seriez-vous ? Un palmier. Il représente l’utopie et le rêve… et les vacances que j’aimerais prendre!

• Si vous étiez une forme galénique ? Un granule homéopathique sucré, inoffensif, léger, qui saute dans tous les sens et que l’on prend par volonté de se soigner.

• Si vous étiez un matériel ou dispositif médical ? Des bas de contention qui ne paient pas de mine, mais qui peuvent prévenir des maladies mortelles comme une embolie. J’ai envie d’être utile à la société.

• Si vous étiez un médicament ? Un antipaludéen parce que j’aimerais voyager et de nombreuses bestioles peuvent causer la mort.

• Si vous étiez un vaccin ? Un vaccin contre la mort ! Du moins, pour vivre plus longtemps car il y a tant de choses à découvrir.

• Si vous étiez une partie du corps ? Les yeux. D’abord parce que la vue est un de mes atouts (mémoire visuelle). Ensuite, j’ai pris conscience de leur importance depuis que j’aide un monsieur aveugle à faire ses course.