- Accueil ›
- Business ›
- RH et management ›
- Carrière ›
- Le blues du pharmacien inspecteur
Même si l’image de gendarme de la profession leur colle à la peau, personne ne conteste le rôle des pharmaciens inspecteurs. Et pourtant, ils sont inquiets pour leur avenir. Des effectifs insuffisants rendent difficile le maintien de la qualité de leurs missions. Inspection du problème.
Paradoxe. Les missions dévolues aux pharmaciens inspecteurs par le Code de la santé publique ne cessent d’augmenter dans un monde de plus en plus exigeant et sans arrêt mis à rude épreuve par les crises sanitaires (affaire du sang contaminé, vache folle, amiante…) ou par des événements plus ponctuels (la tempête Xynthia pour ne citer que la dernière catastrophe en date). Le déficit d’effectifs récurrent oblige chaque jour à donner des priorités aux missions assurées. Curieusement, alors que la France dispose d’un système de soins très développé, la dimension collective de la santé et de sa sécurité, elle, n’a pas été dotée concomitamment de moyens de contrôle adéquats par l’Etat. Et, selon le syndicat des pharmaciens inspecteurs de santé publique (SPHISP), ce ne sont pas les nouvelles tâches engendrées par la naissance des agences régionales de santé (ARS) qui vont permettre de lutter contre les carences que cette profession dénonce. Bien au contraire (voir l’interview du président du syndicat, pages 28 et 29).
Dans ce contexte, la situation du contrôle et de l’inspection sanitaire semble devenue préoccupante en France depuis quatre ans. En témoigne la suppression de huit postes de pharmaciens inspecteurs de santé publique (PHISP) au sein des directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) des cinq plus grandes régions : Rhône-Alpes, PACA, Aquitaine, Bretagne et Ile-de-France. La paupérisation se poursuit dans les toutes jeunes ARS : un poste a été supprimé en région Centre à la suite du départ en retraite d’un PHISP, ce qui a des conséquences sur la charge de travail déjà très importante de chaque inspecteur. La révision générale des politiques publiques (RGPP) devrait aboutir au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux lors d’un départ à la retraite. Or, la moyenne d’âge du corps des inspecteurs en pharmacie est supérieure à cinquante ans. En 2010-2011, huit départs à la retraite sont comptabilisés… et ne seront donc probablement pas compensés. Ces dernières années, les pharmaciens inspecteurs recrutés se comptent sur les doigts d’une main. Sur le terrain, leur absence se fait nettement sentir. Aujourd’hui, douze équivalents temps plein de pharmaciens inspecteurs gèrent l’ensemble de l’Ile-de-France, un seul contrôle tout le département des Yvelines. Au niveau de la direction générale de l’organisation des soins aussi, il ne subsiste plus qu’un seul pharmacien ! Par ailleurs, eu égard à l’absence de postes, aucun concours de recrutement n’a pu être organisé en 2010.
Pire encore, la direction des ressources humaines du ministère de la Santé refuse de former cette année la totalité des candidats en attente, reçus au concours de 2009 ! Seuls 5 sur 6 sont acceptés à l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP). Cette situation menace la qualité des actions en matière de défense civile dont les pharmaciens inspecteurs sont des acteurs centraux.
Des missions attendues et étendues…
Les missions du pharmacien inspecteur s’exercent au sein de l’administration. Ce fonctionnaire de l’Etat peut, au cours de sa carrière, assurer les fonctions de conseiller technique dans les régions (ARS), en administration centrale (DGS, DSS, DGOS), dans les agences de sécurité sanitaire comme l’Afssaps ou dans des ministères (des Affaires étrangères, du Développement durable, de la Justice…). Les pharmaciens inspecteurs en poste dans les services d’inspection des agences de sécurité sanitaire contrôlent les conditions de fabrication des produits de santé en France et à l’étranger. Dans les ARS et à l’Afssaps, ils ont un domaine de compétences large sur la continuité de la chaîne pharmaceutique, la biologie médicale, les produits cosmétiques, les médicaments à usage vétérinaire, les dispositifs médicaux, les réactifs de laboratoire… Dans le champ officinal, les PHIST ont incontestablement fait progresser les conditions de réalisation des préparations magistrales. Ils peuvent aussi intervenir au niveau des délégations interministérielles (par exemple la mission de lutte contre les drogues et la toxicomanie), du Conseil de l’Europe, de la Commission européenne ou encore de l’OMS, de l’EMA.
Les PHISP, au nombre de 200, ont un statut unique et des métiers variés en raison de la diversité des lieux d’exercice et des missions qui leur sont confiées. Les pharmaciens inspecteurs sont en prise directe avec les enjeux de santé publique de par la multiplicité de leurs domaines d’intervention.
Ils contribuent aussi à la définition et à la mise en œuvre des politiques de santé publique, et, dans les régions, à l’organisation d’actions de prévention ou qui s’inscrivent autour du bon usage des médicaments (par exemple la dispensation de la pilule du lendemain), de la lutte contre l’iatrogénie (comme le suivi de la délivrance des médicaments anticoagulants) ou encore de la gestion des DASRI, dans le cadre des programmes régionaux. A cet égard, ils constituent une force d’observation et de proposition. Ils participent au dispositif d’anticipation des crises sanitaires et à leur gestion.
… D’autres moins connues
Certaines de leurs missions sont moins connues : la lutte contre la pandémie grippale, les plans « variole » ou la destruction des comprimés d’iode… Lors de la tempête Xynthia, ils ont été sur le terrain pour faire face au défaut d’approvisionnement en médicaments et aux inondations des officines. La mise en place d’une offre pharmaceutique ambulatoire dans les zones sinistrées, le contrôle et la destruction des médicaments des officines inondées, la logistique et le réapprovisionnement des médecins de ville et des hôpitaux, le contrôle d’une réhabilitation correcte des locaux touchés pour lutter contre les risques de moisissures et d’humidité sont autant d’exemples concrets des actions menées par les PHISP sur le terrain.
Outre leurs missions de sécurité sanitaire, dans leurs relations avec la Justice, ils peuvent être à l’origine de dossiers par la mise en œuvre de leurs pouvoirs de constatation liés à leur assermentation. Leur connaissance du domaine des produits de santé et de la réglementation est souvent mise à profit pour éclairer les magistrats dans le domaine spécifique du médicament. Un PHISP est ainsi en fonction au pôle de santé publique du tribunal de grande instance de Paris et l’autorité judiciaire saisit régulièrement les pharmaciens inspecteurs en tant qu’experts pour qualifier les produits ou les pratiques professionnelles déviantes (comme l’affaire de recyclage de MNU, l’hospitalisation et le décès de plusieurs personnes à la suite d’un grave défaut de préparation de médicaments à visée amaigrissante).
Les PHISP sont des fonctionnaires d’Etat assermentés, chargés de contrôler l’application des lois et règlements.
Les inspections en officine, la partie visible de l’iceberg
Par le biais de leur fonction d’inspection, les PHISP disposent d’une connaissance fine des pratiques professionnelles, des écarts de conduite de certains officinaux, des dysfonctionnements les plus fréquents et des risques qui en découlent, ainsi que des limites et difficultés d’application des législations en vigueur. Ils constituent ainsi une force de proposition tant en termes de décision individuelle (par exemple, une suspension d’activité en cas de risque avéré), qu’en termes d’adaptation des politiques régionales ou nationales, y compris en vue d’une modification de la réglementation.
Pour un pharmacien d’officine, cette fonction d’inspection/contrôle est la plus connue et visible, et la moins populaire ! Si des suites immédiates peuvent être données (administratives, pénales, disciplinaires) au cours d’un contrôle en pharmacie, les inspections en officine ne constituent pas une fin en elles-mêmes.
Comment devient-on pharmacien inspecteur ?
Pour entrer dans l’administration, les PHISP reçoivent une formation scientifique de haut niveau dans le domaine de la pharmacie et du médicament. Leur concours de recrutement est ouvert aux titulaires du diplôme d’Etat de docteur en pharmacie justifiant de trois années au moins de pratique professionnelle ou aux anciens internes ou titulaires d’un diplôme figurant sur une liste du Code de la santé publique. Durant leur formation initiale à l’Ecole nationale des hautes études en santé publique à Rennes, ils acquièrent les connaissances complémentaires, notamment administratives et juridiques, ainsi que les savoir-faire indispensables à leur activité. Une formation continue assure la mise à jour permanente des connaissances dans ces domaines en constante évolution.
- L’IA au service des pharmaciens : un levier contre la fraude aux ordonnances ?
- « Non, monsieur Leclerc, les pharmaciens ne sont pas des nuls ! »
- [VIDÉO] Médicaments : on vous livre cette idée…
- Sante.fr : l’outil de référence pour faire connaître ses services aux patients
- Campagnes publicitaires de médicaments OTC et des produits de parapharmacie
- [VIDÉO] Arielle Bonnefoy : « Le DPC est encore trop méconnu chez les préparateurs »
- [VIDÉO] Le service de livraison en ligne : « Ma pharmacie en France » disponible dès juin
- [VIDÉO] Négociations, augmentations, ancienneté… Tout savoir sur les salaires à l’officine
- [VIDÉO] 3 questions à Patrice Marteil, responsable des partenariats Interfimo
- [VIDÉO] Quand vas-tu mettre des paillettes dans ma trésorerie, toi le comptable ?
