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La santé top chrono

Publié le 18 septembre 2010
Par Anny Letestu
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Depuis le début de la décennie, les coursiers se lancent dans le secteur très réglementé de la santé. Ils sillonnent déjà les rues des grandes villes comme Paris, Marseille, Grenoble et Nantes. A Brest, Laurent Michel, ancien préparateur en pharmacie, offre ses services depuis le 1er juin.

Si le coursier a délaissé son cheval au fil des siècles, il n’a pas perdu de vue son principal objectif : transmettre vite et de façon sûre un message oral ou écrit, des documents ou des objets qui ne doivent en aucun cas être perdus. Aujourd’hui, la profession opère souvent dans les grands centres urbains ou industriels. La camionnette, le scooter et, plus récemment, le vélo – respect de l’environnement oblige – sont ses moyens de locomotion. On attend toujours du coursier qu’il soit rapide, efficace et homme ou femme de confiance. Et Laurent Michel l’est.

Des livraisons respectueuses de la réglementation

« Lorsque j’ai commencé à me pencher, en 2000, sur cet avenir professionnel, raconte Laurent Michel, il n’existait pas de société de livraison de médicaments en France. Ce n’est qu’en 2002 que les entreprises de ce type sont apparues. » Préparateur en pharmacie, Laurent Michel reconnaît que ce sont les hasards d’une scolarité « incertaine » qui l’ont amené à travailler en officine. « J’aimais ce métier pour les contacts avec les patients et l’aspect social, l’écoute, mais je voulais être indépendant, à mon compte. » Un père artisan et l’appel de la Bretagne (il exerce alors son métier à Nantes) le font retourner sur les bancs de l’école. Un BTS (brevet de technicien supérieur) de gestion et de protection des écosystèmes plus tard, il fait sa demande de licence auprès de l’université de Bretagne occidentale avec une idée en tête : créer une entreprise d’expertise naturaliste. « J’ai été refusé. Mon projet est donc tombé à l’eau, car je voulais obtenir cette licence pour mieux me situer par rapport à la concurrence ! » Laurent Michel est un perfectionniste. Parallèlement, il remarque que les grossistes répartiteurs sont passés de trois livraisons quotidiennes à deux, et l’idée de coursier médical commence à faire son chemin. « J’ai exercé le métier de préparateur pendant quinze ans et ce qui me pesait le plus, c’était le fait de ne pas bouger de l’officine, précise le trentenaire. Ce qui m’a aidé, c’est une formation de créateur d’entreprise qui a duré deux semaines, mais j’ai mis des mois à monter mon projet, à rencontrer des pharmaciens… J’ai la chance d’être resté en contact avec ma titulaire d’apprentissage, pour qui j’ai travaillé à maintes reprises. Pour un tel projet il faut bien s’entourer. » Si Laurent Michel sait que tout se livre aujourd’hui, il sait aussi que la livraison de médicaments doit être sécurisée au maximum et respectueuse de la réglementation. « J’ai appelé le Conseil de l’Ordre au niveau régional pour présenter mon projet, et Patrick Fabry, conseiller ordinal, a été très avenant avec moi, en me prévenant que je devais me préserver de tout risque de compérage ! », comme le stipule le Code de la santé publique. Le compérage étant défini par « l’intelligence entre deux ou plusieurs personnes en vue d’avantages obtenus au détriment du malade ou des tiers ». Chez Santé Express, sa société qui fonctionne depuis le 1er juin, nul compérage : « J’offre mes services à tous les pharmaciens et professionnels de santé, ainsi qu’aux particuliers, aux mêmes conditions. Ensuite, chacun est libre de choisir ou non mes services ! »

La connaissance de l’officine instaure un climat de confiance

Santé Express propose ses services sur Brest et jusqu’à 30 km à la ronde. Pour les médicaments, « toute commande livrée en dehors de l’officine ne peut être remise qu’en paquets scellés portant le nom et l’adresse du client, c’est-à-dire dans un paquet opaque, au nom d’un seul patient, et dont la fermeture est telle que le destinataire puisse s’assurer qu’il n’a pas été ouvert par un tiers, suivant le Code de la santé publique », insiste Laurent Michel. S’il est trop tôt pour dresser un bilan de son activité, le jeune chef d’entreprise peut livrer ses premières impressions : « Je remarque que les pharmaciens qui ont plusieurs années d’expérience et une certaine assise financière sont ouverts à ce service, alors que ceux qui débutent ont d’autres priorités, d’autres charges. » L’expérience de préparateur est un avantage dans son approche : « Cela me donne une certaine légitimité, puisque je connais l’officine de l’intérieur et la rigueur que le métier de pharmacien exige. Cela instaure entre nous un climat de confiance, une transparence. » Parfois, ses clients pharmaciens font appel à lui pour qu’il se rende chez le grossiste-répartiteur et rapporte les médicaments lorsqu’un patient se présente avec une ordonnance et ne peut attendre le lendemain. Le coursier médical précise aussi que ses interlocuteurs du Conseil régional de l’Ordre ont mis l’accent sur le fait que, « dans le cadre d’une affection de longue durée, à raison d’une livraison par mois, il est important que le malade puisse être livré au moins une fois par an par le praticien, pour assurer le suivi médical ou thérapeutique ». Enfin, le principe de confidentialité est toujours en vigueur dans ses nouvelles fonctions.

Après trois mois seulement d’activité, Laurent Michel est confiant. « Je peux livrer sept jours sur sept des médicaments, mais aussi du matériel médical, des résultats d’analyse… J’offre aussi aux pharmaciens le moyen de tester mes services avec une remise de 25 % sur les 5 premières courses. » Sur son site Internet www.santeexpress.fr qui détaille la complexité des forfaits, il constate que les visites sont régulières et que les internautes consultent la totalité des pages (au nombre de 6), soit un temps de consultation de 2 min 30. L’avenir, il le voit en vert. Soucieux de son environnement, Laurent Michel aimerait sillonner Brest et ses environs en véhicule électrique. Sa demande, déposée à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) depuis plus de six mois, est toujours sans réponse. Pour un professionnel à qui l’on demande rapidité et sécurité, la patience a parfois des limites.

ERRATUM

Le nom indiqué sous la photo du pharmacien dans notre reportage du 11 septembre n’est pas correct. Il s’agissait de Lionel Rousseau, à qui nous présentons nos excuses.

Envie d’essayer ?

LES AVANTAGES

• Devenir un interlocuteur de confiance auprès des acteurs de la santé.

• Changer de statut professionnel.

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LES DIFFICULTÉS

• Trouver le temps de rencontrer les professionnels. Les pharmaciens restent les plus faciles à trouver, puisqu’il suffit de franchir le pas de l’officine. Les médecins sont moins accessibles.

• Se protéger de tout risque de compérage.

• La lourdeur administrative et la complexité des procédures.

• Bien gérer son temps.

LES CONSEILS

• Contacter le Conseil régional de l’Ordre : ses conseils sont précieux pour tout ce qui touche à la réglementation.

• Se renseigner auprès des pharmaciens pour connaître les plages horaires les plus calmes de leur officine, afin de pouvoir discuter tranquillement et ainsi mieux comprendre leurs besoins.

• Au début, accepter de travailler pour d’autres secteurs professionnels que celui de la santé, car il faut du temps pour se faire une clientèle.

• Laisser des prospectus aux pharmaciens, laboratoires, cabinets médicaux, etc.

• Réaliser un site Internet sobre, clair, précis et surtout rassurant.

• Se lancer en relativisant l’échec possible…