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La longue marche vers l’obligation
La formation continue obligatoire est sur les rails, du moins officieusement. Car le préconseil qui vient de dévoiler ses propositions ne possède aucun caractère officiel…
La loi du 4 mars 2002 fixe l’obligation de formation continue pour tous les professionnels de santé. Si côté médecins, le gouvernement, dès juillet 2002, a mis en place un groupe de travail sous la houlette du Conseil d’Etat, la formation continue obligatoire pour les pharmaciens ne semble pas constituer une urgence.
Certes, la difficulté pour le ministère de la Santé de trouver une cohésion autour de ce thème et donc un interlocuteur unique de la profession a sans doute nui à cette dernière. Ce qui a poussé les syndicats à prendre les devants et à créer un « préconseil » en attendant la nomination par décret du Conseil national de la formation pharmaceutique continue, comme le prévoit la loi. Une décision loin de faire l’unanimité, car, selon ses détracteurs, le préconseil est d’abord la voix de l’officine.
« Le préconseil, inventé par les syndicats, reste virtuel, il ne représente que l’officine alors que la loi s’applique à l’ensemble des catégories de pharmaciens. De plus, parmi les représentants syndicaux des salariés sont présents des préparateurs, c’est contraire à l’esprit de la loi », regrette le Pr Claude Vigneron, vice-président du Haut Comité à la formation continue et représentant l’ordre national des pharmaciens au préconseil national de la formation pharmaceutique continue.
Un problème de représentativité.
En effet la loi précise que l’obligation de formation continue concerne tous les pharmaciens. Si la réflexion menée s’est surtout attachée à la formation continue pour l’officine, le préconseil assure avoir agi dans un souci de « reproductibilité » pour l’ensemble des catégories de pharmaciens… Les parties concernées apprécieront.
Mais au-delà de la polémique, l’ambiguïté même du préconseil met au jour celle de la loi et plus généralement des instances représentatives de l’ensemble de la profession. « Nous assistons à une « balkanisation » de notre profession. Nos structures, nos institutions n’ont pas été modifiées alors que la profession s’est totalement transformée. Il est plus que temps de mener une réflexion de fond sur ce problème pour agir avant qu’il ne soit trop tard », commente le Pr Pierre Sado, conseiller de la section D de l’Ordre et cofondateur du Haut Comité de la formation continue.
Malgré les controverses liées à la représentativité du préconseil, la profession, sans attendre le décret, planche donc sur le sujet depuis le printemps 2002 et doit rendre en mars prochain son rapport au ministère. Un laps de temps qui peut paraître court au vu de l’ampleur de la tâche. Ce serait cependant méconnaître l’historique de la formation continue pharmaceutique qui n’en est pas à ses prémices, en particulier à l’officine.
Outre le FIF-PL et l’OPCA-PL qui gèrent le financement et l’agrément des formations respectivement pour les titulaires et les salariés (lire ci-dessous), « le Haut Comité à la formation continue mène depuis 1994 une réflexion sur l’organisation de la formation continue et propose sur le site de l’Ordre une liste de formations agréées et un livret grâce auquel chacun, dans une démarche purement volontaire, peut enregistrer l’ensemble des formations suivies », précise Pierre Sado.
Ainsi, comparée à bien d’autres professions de santé, l’organisation de la formation continue à l’officine fonctionne donc plutôt bien depuis de nombreuses années, même si le nombre de personnes formées reste faible. Environ 20 % des officinaux (10 % selon Jean Parrot) suivraient actuellement une formation.
C’est à partir de cette solide expérience que le préconseil a pu tracer les grandes lignes du rapport qu’il compte proposer au gouvernement. « Nous avons travaillé sur trois axes majeurs que sont la définition du champ de l’obligation de formation, l’élaboration du cahier des charges adapté à tous les supports de formation, aussi divers qu’ils soient, et la validation de l’obligation de formation », confiait Blanche Gonzalez, représentante de l’UNPF, à l’issue de la réunion du préconseil de fin décembre.
Une liberté de choix.
Le champ de l’obligation concerne l’entretien et le perfectionnement des compétences acquises lors de la formation initiale universitaire avec toutefois exclusion de domaines tels que les langues étrangères, les techniques commerciales, la comptabilité, le merchandising, le marketing, les ressources humaines, le management, l’informatique, la bureautique ou la cosmétologie et l’esthétique. « Nous avons repris les compétences constituant le coeur du métier mais nous avons aussi souhaité que l’obligation de formation continue laisse un choix le plus large possible aux pharmaciens », ajoute Blanche Gonzalez.
Ainsi le préconseil n’envisage pas une obligation pour tous de suivre une formation sur un thème précis mais plutôt que chacun choisisse dans un large panel. Parallèlement à cette liberté de choix et pour permettre à chacun, quelle que soit sa situation professionnelle et géographique, de suivre une formation, le préconseil a volontairement opté pour un cahier des charges très ouvert pour l’agrément de façon à permettre une diversification des supports proposés (lire encadré page 23). Claude Vigneron précise d’ailleurs que « la loi impose une mise à jour des connaissances et non le suivi de formations. Il faut donc trouver un moyen pour que les pharmaciens puissent prouver leurs connaissances. Par exemple des QCM avec un système par Internet de reconnaissance de la carte de professionnel de santé. »
En fait, l’orientation retenue par le préconseil est celle de la mise en place d’unités de formation qui regrouperaient un ensemble d’outils coordonnés et mis en oeuvre en vue de proposer au pharmacien un contenu de formation cohérent sur un thème déterminé. Chacun devrait suivre cinq unités de formation de son choix sur cinq ans. Quant aux éventuelles sanctions face à un pharmacien qui n’aurait pas rempli ses obligations de formation continue, il semble clair que ce rôle revienne d’abord au Conseil de l’Ordre. « Le Code de la santé publique précise que l’Ordre est le garant de l’éthique professionnelle et doit veiller à ce que les compétences soient acquises, rappelle Jérôme Paresys-Barbier, président de la section D. Nous devrons donc mettre en place au sein de l’Ordre une structure chargée de veiller à la mise à jour des connaissances. »
Si la question n’a pas été réellement débattue au sein du préconseil, ce dernier ne réfute guère les prérogatives de l’Ordre sur ce point, s’attachant plus à contrôler l’organisation de la formation continue obligatoire.
Prendre modèle sur les médecins.
Telles devraient donc être les propositions du préconseil au gouvernement lors de la remise de son rapport en mars prochain. Et s’il se voit bien transformé par voie de décret en Conseil national de la formation pharmaceutique continue, force est de constater que les échanges restent pour le moment quasi unilatéraux. « Pour pouvoir avancer dans la réflexion, il faudrait déjà que soit créé le conseil de la formation par décret du ministère de la Santé. Comme souvent dans des cas similaires, je pense que le gouvernement attend de voir ce que deviendra la formation médicale continue pour proposer aux pharmaciens un « copier-coller », conclut Claude Vigneron. Chez les médecins, un conseil a été mis en place avec le législateur auquel appartient un conseiller d’Etat. Ses conclusions auront un impact important sur la formation des pharmaciens. »
Texte légal
Pour les pharmaciens, dans la loi du 4 mars 2002, les articles L. 4236-1 à L. 4236-4 précisent d’une part que « la formation continue, qui a pour objectif l’entretien et le perfectionnement des connaissances, constitue une obligation pour tout pharmacien tenu pour exercer son art de s’inscrire au tableau de l’Ordre », et prévoient, d’autre part, la création du Conseil national de la formation pharmaceutique continue « composé de représentants de l’ordre national des pharmaciens, des organisations syndicales représentatives d’employeurs et de salariés, des unités de formation et de recherche en pharmacie et des organismes de formation, ainsi que d’un représentant du ministre chargé de la santé et d’un représentant du ministre chargé de l’enseignement supérieur ».
Des nouveaux outils pédagogiques
Nous aimerions que les concepteurs de formation continue soient très imaginatifs, notamment quant aux types de supports utilisables », souhaite Blanche Gonzalez, représentante de l’UNPF au sein du préconseil. Si quatre grands groupes de supports ont été répertoriés (supports papier tels que livres ou magazines, stages et colloques, multimédia tels que CD-ROM ou supports audiovisuels, et enfin formation ouverte à distance comme Internet), un cahier des charges initial commun a été défini et décliné en fonction des particularités des différents supports.
Le cahier des charges retenu comprend trois critères. Le concepteur de la formation doit d’abord proposer un programme de formation constitué des éléments suivants : contenu pédagogique, objectifs de la formation, outils pédagogiques, public visé, prérequis, durée de la formation, horaires, qualité des intervenants, des concepteurs ou des rédacteurs, méthodes et moyens pédagogiques, matériels utilisés, moyens d’évaluation.
La formation doit permettre également l’identification précise de la personne formée. Ce peut être par exemple sur Internet un numéro de code comme l’explique Philippe Gaertner, représentant de la FSPF au sein du préconseil, ou par reconnaissance de la carte de professionnel de santé comme le suggère le Pr Claude Vigneron. Pour les supports papier, l’achat d’un livre ou l’abonnement à une revue ont été écartés au profit de la mise en place d’une « mini-évaluation » (QCM par exemple).
Enfin, la formation « postulante pour un agrément » devra faire la preuve de la mise en place d’un processus d’évaluation de la formation – « a-t-elle convenu à la personne formée ? », « lui a-t-elle permise d’atteindre les objectifs fixés ? » – et d’autoévaluation pour la personne formée de l’acquis des connaissances. « Il faudra alors confronter les différents résultats pour une même formation, et si les résultats des tests ne sont pas satisfaisants, le support de formation ne sera plus validé », conclut Philippe Gaertner.
L’obligation de formation continue enfin inscrite dans la loi… et l’on se prend à rêver d’une débauche de moyens techniques. Internet, CD-ROM, DVD, téléconférences, magazines, les supports modernes offrent la possibilité à chacun quelle que soit sa situation géographique d’accéder à un enseignement de qualité. Reste à savoir quel en sera le coût.
A.A.
A noter
Le préconseil regroupe des représentants
– des sections A et D de l’ordre,
– de l’UNPF,
– de la FSPF,
– de l’APR,
– des syndicats de salariés (CFE-CGC, CGT, CFDT et FO),
– des organismes de formation (UTIP, Union nationale des organismes de formation),
– des facultés.
Qui paiera la note ?
Comment sera financée la formation de l’ensemble des pharmaciens et plus particulièrement des assistants et des titulaires ? Le préconseil a jusque-là écarté cette question, arguant que ce financement ne pouvait entrer dans ses compétences et concernait les commissions paritaires.
Pourtant ce point pourrait bien poser problème. Le FIF-PL est déjà déficitaire et ne pourra en l’état permettre, en moyenne, la prise en charge d’une formation par an et par titulaire. L’OPCA-PL, quant à elle, finance chaque année la formation de quelque 5 500 salariés dont 3 000 assistants. « Il est hors de question de déshabiller l’OPCA-PL, prévient Patrick Le Métayer, secrétaire fédéral de la branche officine FO : Les titulaires devront mettre la main à la poche. »
Une obligation personnelle. Le même blocage intervient sur le temps dégagé pour la formation. « La formation continue doit être organisée sur le temps de travail, cela fait partie du code du travail », ajoute le syndicaliste. « C’est un point qui doit être débattu au sein des commissions paritaires, mais l’obligation de formation continue est une obligation personnelle pour pouvoir exercer son métier », rétorque Blanche Gonzalez…
Côté titulaires, UNPF et FSPF préviennent déjà qu’il leur faudra participer financièrement. « Le président Capdeville s’est exprimé très clairement sur ce point, précisant que les titulaires prendraient aussi leur responsabilité lorsque les besoins en financement seront clairement définis », ajoute Philippe Gaertner. Un débat sans doute loin d’être terminé…
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