Jeunes pharmaciens, la relève est là !

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Jeunes pharmaciens, la relève est là !

Publié le 16 octobre 2024
Par Pascale Caussat
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Qui sont les jeunes qui choisissent la voie de la pharmacie d’officine ? N’écoutant pas les préjugés sur la profession, les nouveaux titulaires entendent jouer leur rôle d’acteurs de santé de proximité, encouragés par les nombreuses aides à l’installation.

Florian Rebeillard ne se destinait pas à être pharmacien d’officine. Attiré par la recherche, il effectuait des remplacements dans des pharmacies tout en préparant sa thèse. Mais la réalité du statut de chercheur, rémunéré moins de 2 000 euros par mois après neuf ans d’études, a eu raison de sa motivation… À 33 ans, il est aujourd’hui titulaire d’une pharmacie rue du Château d’eau dans le 10e arrondissement de Paris après avoir été adjoint pendant deux ans. « Dans ma famille, on navait pas une bonne image des pharmaciens, on disait que cétait des vendeurs de boîtes, relate-t-il. Mais en tant quadjoint, je travaillais une semaine sur deux en labsence du titulaire, et jai pu voir que cétait un métier exigeant, multitâche, où lon passe beaucoup de temps auprès des patients tout en devant aussi gérer les commandes, manager une équipe, prendre en charge les nouvelles missions… Lorsque le titulaire ma proposé de prendre sa suite, la décision est venue naturellement. » Après s’être mis d’accord sur le prix, Florian Rebeillard a suivi le parcours classique d’une transaction : signature de la promesse de vente sous condition suspensive de l’obtention du prêt, deuxième signature sous condition, cette fois, de l’inscription au Conseil de l’Ordre des pharmaciens, avant la signature de l’acte authentique le 1er mai 2023, environ cinq mois plus tard. Pour le financement, il disposait d’un apport personnel qu’il a complété grâce au booster d’apport (aide financière proposée aux pharmaciens titulaires primo-installants) de la Caisse de retraite des pharmaciens (CAPV) et à un prêt d’Interfimo, l’organisme de financement des professions libérales adossé à la banque LCL. S’il bénéficie d’un appartement situé au-dessus de l’officine, il effectue des semaines de 60 heures avec le stress inhérent à tout chef d’entreprise. Mais il sait pourquoi il se lève le matin, assure-t-il : « Les nouvelles missions rendent le métier plus attractif pour les jeunes : on a le droit de vacciner, de pratiquer des tests et de prescrire des antibiotiques pour les angines et les cystites. Je ne conçois pas mon métier autour du discount et des promotions. Je peux passer un quart dheure avec un patient sans rien lui vendre, cest aussi comme cela que lon fidélise. »

De la place sur les bancs de l’université

Le témoignage de Florian Rebeillard reflète l’expérience de nombreux nouveaux titulaires motivés malgré les difficultés de la profession. Ces dernières années, les études de pharmacie n’ont pas fait le plein : en 2022, on comptait plus de 1 100 places vacantes en deuxième année sur les bancs des facultés, et encore 500 en 2023. Les recrutements sont eux aussi à la peine : selon la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), la pénurie de professionnels d’officine s’élève à 15 000 personnes. « Partout en France, on observe une difficulté à recruter des adjoints, confirme Philippe Bellaïche, président du groupement Ipharm. La raison principale est la réforme des études de santé qui a créé une première année commune avec les études de médecine. Les meilleures places sont trustées par les jeunes motivés pour faire médecine, qui sy préparent depuis des années. Ceux qui ratent le concours ne veulent pas se reporter sur la pharmacie, quils voient comme du commerce, ou se tournent vers lindustrie. Pourtant, la situation de pharmacien adjoint nest pas si mauvaise, on trouve facilement du travail avec un salaire moyen de 3 000 euros pour 35 heures. »

Des vocations solidement ancrées

La crise Covid a démontré la place centrale du pharmacien d’officine comme professionnel de santé de proximité. Et le métier suscite toujours des vocations. Paul Lemarquis, titulaire à Aire-sur-l’Adour dans les Landes et membre de la commission nouveaux inscrits au Conseil de l’Ordre, fait partie de cette nouvelle génération : « J’ai fait le choix de la pharmacie dofficine car c’est un métier qui a du sens, dont on voit l’impact sur le patient. En zone rurale, quand on lance une campagne de vaccination, on voit tout de suite les effets sur la population. Je travaille au sein d’une maison de santé, j’ai accès à des informations médicales partagées avec les médecins. Cette coordination me permet de mettre en avant ma valeur ajoutée en tant que pharmacien et de développer la pharmacie clinique, c’est motivant. » Joëlle Goudable, coordinatrice de la commission des nouveaux inscrits, explique sa raison d’être : « Elle a été créée en janvier 2023 pour accompagner les membres enregistrés depuis moins de trois ans, recueillir leur expérience et leurs attentes, expliquer les actions de l’Ordre. Les diplômés nous voient souvent comme un conseil disciplinaire mais nous sommes beaucoup plus que cela. On apporte des informations et des conseils sur l’installation, les autorités de tutelle nous consultent sur les projets de loi et de décrets. » Avis aux amateurs, la commission renouvelle ses inscrits en 2025. Afin d’enrayer la baisse des vocations, l’Ordre a lancé en fin d’année dernière la campagne « Le moins connu des métiers connus ». Le but est d’améliorer l’attractivité de la profession auprès des jeunes, dès le collège.

2 497

C’est le nombre de nouveaux inscrits au Conseil de l’Ordre des pharmaciens au 1er janvier 2024, en légère hausse par rapport à 2023 (2 337). Il n’y a pas de donnée spécifique sur l’officine.

D’adjoint à entrepreneur, en duo

Pour Valentin Verdier, cotitulaire de la pharmacie des 7 Cantons à Lons dans les Pyrénées-Atlantiques, la pharmacie d’officine est un « rêve d’enfant ». « Je men suis donné les moyens, je nai pas passé dautres concours, assure-t-il. Jai travaillé dans des pharmacies de différentes tailles, à la campagne et en ville, mais je savais que je voulais diriger une grande structure avec des responsabilités. Cest après avoir travaillé dans la pharmacie des 7 Cantons dans le centre-ville de Pau que lidée est venue de monter une affaire en périphérie. » L’installation a eu lieu sans booster d’apport, avec l’aide de plusieurs associés. Son cotitulaire, Thomas Denis, est un camarade de promotion. À 28 et 29 ans, à la tête d’une équipe de 20 personnes, ils découvrent la vie d’entrepreneurs. « Je ne mattendais pas à avoir autant de travail. Mais je suis ravi, jai toujours été attiré par le management et le leadership », confie Valentin Verdier. « Nous avons une double casquette, professionnels de santé mais aussi chefs d’entreprise avec des tâches à assurer comme la comptabilité, les ressources humaines, etc., complète Thomas Denis. Cest passionnant mais exigeant en termes de temps. Ce serait compliqué à gérer seul à la sortie de la faculté. Être titulaire est différent dêtre adjoint. Il vaut mieux être deux pour partager les responsabilités et les visions. »

Marie Dailly et Mélanie Talansier, 39 ans toutes les deux, ont, elles aussi, repris leur première officine ensemble après avoir travaillé 12 ans comme adjointes. Camarades de promotion de la faculté de Nancy, elles dirigent depuis quelques mois la pharmacie du Tivoli à Metz, qui compte neuf employés. Passionnées par le métier (Marie « depuis toute petite », Mélanie « depuis mon stage de 3e »), elles savaient exactement quel type de structure elles cherchaient : « Une pharmacie de quartier avec des patients fidèles, que lon connaît par leur nom. On pensait avoir beaucoup de personnes âgées mais on a tous les âges, des jeunes, des familles. Une pédiatre va bientôt sinstaller donc on va accueillir beaucoup de nourrissons. On conçoit notre métier autour du patient, on veut tout faire pour lui proposer des solutions. » Les deux jeunes femmes ont fait appel à la société Pharmathèque, spécialisée dans les transactions immobilières en pharmacie, pour trouver le bon projet. Disposant toutes les deux d’un apport personnel, elles n’ont pas eu besoin de booster. Elles ont contracté un prêt bancaire sur 12 ans. « Avec notre expérience dadjointes, on na pas été surprises par la charge de travail mais il faut gérer tous les imprévus du quotidien, comme lordinateur qui tombe en panne. Heureusement, nous sommes aidées par le groupement Objectif Pharma qui nous fournit un accompagnement avec des visites dune animatrice réseau tous les mois et une grande disponibilité par téléphone. »

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Accompagnement et confraternité

Il faut le dire, les nouveaux titulaires ne sont pas livrés à eux-mêmes. De nombreuses solutions existent, pour le financement comme pour le conseil en gestion d’entreprise. « La caisse de retraite CAVP propose des apports à des conditions très favorables, les grossistes répartiteurs, les groupements, les anciens pharmaciens peuvent aussi investir, souligne Philippe Bellaïche. Chez Ipharm, nous avons un booster dapport, Initio, associé à un grossiste répartiteur. Pour la formation, nous proposons un contrat de compagnonnage dun an dans quatre pharmacies différentes auprès de titulaires prêts à transmettre. Létudiant est rémunéré comme un adjoint, participe aux négociations commerciales, aux recrutements, à la comptabilité tout en préparant sa thèse. Son seul engagement est de sinscrire à Ipharm par la suite. Cela nous permet de recruter des jeunes, de trouver des adjoints pour nos adhérents, tout en finançant la formation des futurs pharmaciens. » Comme ses consœurs de Metz, Florian Rebeillard à Paris a choisi de rejoindre Objectif Pharma, un groupement qui « correspond à sa philosophie ». Thomas Denis et Valentin Verdier sont adhérents Pharmabest, « un groupement qui mise sur des pharmacies à haut potentiel de croissance. Nous sommes passés de 3,6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021 à 7,2 millions en 2024, preuve que nous correspondons bien aux ambitions du groupe ». Les syndicats peuvent proposer des aides, l’Anepf, l’association des étudiants en pharmacie, joue aussi son rôle de défenseur des droits et d’information sur les débouchés. Le lien intergénérationnel est un atout par rapport à d’autres métiers. « Le fait dêtre une profession réglementée facilite la gestion dune pharmacie : on est accompagnés, il y a une confraternité de la part de pharmaciens plus expérimentés », conclut Paul Lemarquis.

Ce qu’il faut savoir avant de se lancer

Ancien pharmacien d’officine, Fabrice Foltz a fondé, en 2021, Pharm’Access, société de transaction qui a rejoint la coopérative Welcoop en début d’année. Ses conseils pour une reprise réussie :

  • Avant tout, il faut sélectionner rigoureusement la pharmacie à reprendre. Le chiffre d’affaires ne suffit pas, vous devez prendre en compte la localisation, la rentabilité, l’environnement médical. Il faut des prescripteurs pérennes à proximité pour vous amener de la patientèle.
  • Ayez suffisamment d’espace pour effectuer les nouvelles missions en toute confidentialité : entretiens, vaccinations, téléconsultations…
  • Au niveau de l’apport, 10 % du prix de vente peut suffire mais il en faut un pour montrer que le candidat est proactif dans son projet.
  • Il est intéressant d’être accompagné par un groupement à la logique régionale, au plus près de ses pharmaciens.
  • Choisissez un comptable et un notaire spécialisés dans la pharmacie. Il ne s’agit pas d’un achat immobilier classique, il faut prendre en compte les spécificités de la profession, comme le délai pour l’inscription à l’Ordre.
  • Pour le recrutement, proposez des horaires aménagés car les salariés demandent un équilibre de vie.
  • Pensez à prendre des vacances. Une installation est intense, il faut préserver sa qualité de vie pour tenir sur la durée.