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J’en veux davantage !

Publié le 20 janvier 2020
Par Marianne Maugez
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Négocier plus de responsabilités. Obtenir un champ de missions plus vaste et une formation pour y arriver nécessitent une préparation minutieuse avant d’en discuter avec son titulaire.

Envie d’évoluer

La pharmacie, vous l’aimez, mais vous sentez qu’il vous manque quelque chose et que vous avez de l’énergie à revendre. Il est temps de faire le point.

Se poser les bonnes questions

Vous ressentez une envie de changement, mais vous avez des doutes. Passer en revue ses compétences, ses attentes et ses envies s’impose. Notamment si vous pensez que vos compétences sont sousemployées au quotidien.

→ L’écrire noir sur blanc. Sur une feuille de papier, faire deux colonnes avec, dans l’une, les aspects et conséquences positifs, et dans l’autre, les points négatifs. « Quelle mission me plaît le plus à l’officine ? Et le moins ? », « Y a-t-il une tâche qui me va parfaitement et une qui ne me convient plus ? Puis-je passer la main pour m’investir dans un autre domaine ? Si oui, avec quelles conséquences sur mon travail et sur ma vie privée ? », « Suis-je prêt à suivre une formation pour évoluer ? Pour quels bénéfices et retentissements sur ma vie personnelle ? »

→ Être honnête avec soi. Si vous recherchez une augmentation de salaire, il faut vous l’avouer parce que le sujet devra être mis sur la table le moment venu.

Se sentir prêt

Il n’y a pas de règle. Que vous soyez dans l’officine depuis un ou dix ans, il n’est jamais trop tôt ou trop tard. Si vous vous sentez prêt, il est temps de monter votre dossier et d’en discuter avec le titulaire.

Préparer le terrain

En contact avec la réalité

Avant de demander une responsabilité supplémentaire, assurez-vous que la réalité correspond bien à vos rêves.

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→ Du concret. Votre collègue s’occupe du rayon vétérinaire ? Demandez-lui de vous expliquer précisément en quoi consistent ses missions : inventaire, commandes avec le représentant, marge de manœuvre… Le rayon de l’incontinence urinaire n’est pas mis en valeur ? Demandez l’autorisation de vous en occuper pendant une durée donnée. Vous prendrez conscience du temps que cela demande et si c’est compatible avec vos missions actuelles. Si cet essai s’avère concluant, il vous servira lors des futures négociations avec votre titulaire.

→ Il faut bien un début. Commencez par assister aux formations labo. Lisez des documents scientifiques dans des revues professionnelles, sur des sites spécialisés… pour affiner votre conseil. L’objectif est d’acquérir un œil critique par rapport aux gammes existantes, et de savoir ce que vous désirez pour vos patients.

Se spécialiser dans son être

Montrer votre intérêt avant d’aller voir votre titulaire appuiera vos arguments.

→ Soyez force de proposition en affichant une mentalité positive. Si vous pensez être capable de gérer un rayon, montrez que vous savez calculer un prix, évaluer la rentabilité d’un rayon… Intéressez-vous aux commandes, aux prochaines vitrines, aux nouveaux référencements, bref, soyez proactif sans être trop envahissant bien sûr !

→ Rapprochez-vous si besoin des personnes influentes de l’officine pour créer un climat, voire un consensus autour de votre future demande. À ce stade, il semble inutile d’en parler avec vos collègues, sauf si vous voulez tâter le terrain. Par exemple, en demandant : « Ne penses-tu pas que ce serait bien d’être mieux formé sur ce rayon bébé/dermo/hygiène buccale, etc. car il me semble que les produits sortent peu ? » Cela permet aussi de voir si vous êtes plusieurs à espérer plus de responsabilités.

Un, deux, trois, go !

Choisir le moment idéal

L’entretien annuel d’évaluation est le moment propice pour la discussion. Le titulaire vous consacre toute son attention et s’exprime sur la qualité de votre travail. Un point sur lequel vous appuyer pour faire votre demande. S’il n’y a pas d’entretien ou que le prochain est lointain, demandez un rendez-vous : « J’aimerais vous voir en privé pour discuter d’un projet personnel et pour l’officine. » Éviter d’en parler entre deux clients au comptoir.

Préparer ses arguments

→ Venir avec ses notes. Cela permet de n’oublier aucun point et de montrer votre préparation et votre organisation.

→ « Vendez-vous ! » Expliquer à votre titulaire ce que votre projet peut apporter à la pharmacie. Rien de mieux que les chiffres : « Nous avions fixé ensemble des objectifs pour la gamme X. Au vu du dernier bilan, mes objectifs ont été atteints. Par la suite, j’aimerais plus de responsabilités dans ce domaine… », « Depuis que j’ai repris le rayonY, le chiffre d’affaires a progressé de 15 %. Je pense que je peux faire mieux si… », etc.

→ Vous envisagez une formation complémentaire. Démontrez en quoi elle peut être bénéfique pour l’officine : « Les clients se tournent vers une médecine plus naturelle. Notre rayon d’aromathérapie n’est pas développé, c’est un manque à gagner. En suivant cette formation, je pourrai acquérir de nouvelles compétences et proposer des conseils associés intéressants. » Ajoutez : « J’en ferai aussi profiter le reste de l’équipe. » Montrez que vous êtes allé au bout de vos recherches en précisant le type d’école, d’enseignement, l’organisme, les compétences attendues, le lieu, la durée. Et une ébauche d’organisation pour pallier votre absence.

→ Du « bénéf » pour la pharmacie. Optez pour un discours positif, gage de votre enthousiasme : « J’ai atteint mes objectifs cette année, et j’ai envie de nouveaux défis », « Je souhaiterais m’impliquer davantage. J’ai pensé que la gestion d’une gamme serait… », etc.

→ Être transparent. Si votre motivation passe aussi par la case salaire, le dire dès le début : « Je ne vous cache pas que j’espère une augmentation lorsque ma spécialisation aura porté ses fruits. »

Attention aux faux pas

→ Pas de jalousie. Évitez : « J’ai appris que Valérie allait prendre en charge le rayon orthopédie. Moi aussi je veux gérer une gamme. »

→ L’émotionnel n’a pas sa place. Évitez : « Je suis dans la pharmacie depuis plus longtemps et je n’ai suivi aucune formation, contrairement aux autres ! » Selon la situation, le titulaire peut pointer l’absence d’investissement ou de demande antérieure.

→ Bannissez les arguments négatifs : « Je m’ennuie/Je tourne en rond »… Accentuez plutôt votre enthousiasme et votre motivation. « Je maîtrise mon poste et j’ai envie d’apporter davantage à l’officine… », « M’occuper du matériel pour le maintien à domicile serait un super défi… », etc.

→ Évitez de tendre les mauvaises perches : « Je sais, vous préférez… mais », « Vous allez me dire que… », « Vous utilisez mal mes compétences. » Pas de flagornerie non plus : « Je tiens d’abord à vous remercier vivement… », ni de survalorisation – « Je suis la meilleure, il est normal de me confier les rênes… »

Anticiper les objections

Précisions, questions et objections, préparez-vous à répondre au titulaire.

→ « Qui va payer pour cette formation ? » : « Elle est totalement prise en charge par notre Opco, ex-Actalians »

→ « Nous allons être en sous-effectif pendant votre absence ». Répondez : « J’en ai déjà discuté avec l’équipe, qui me soutient et accepte de modifier le planning… »

→ « Arriverez-vous à suivre le rythme entre les journées à la pharmacie et les devoirs le soir ? » Dites : « J’ai réussi à le faire lors de mon apprentissage. J’y arriverai de la même façon. »

→ « Vous parlez d’une augmentation, mais si le chiffre ne progresse pas ? » Rétorquez : « Nous pouvons fixer des objectifs et prévoir une rémunération en fonction des résultats. »

Votre titulaire hésite

Proposer un autre rendez-vous

« Nous pouvons nous revoir dans un mois pour en reparler. » Fixer un délai à moyen terme lui permet de peser le pour et le contre et de ne pas vous oublier ! Cela montre votre détermination.

Solidifier son projet

En attendant, prenez de nouvelles notes. Trouvez dans votre pratique et à l’extérieur de quoi peaufiner votre argumentaire et revenir avec des idées constructives.

Faire face à un refus

Réagir avec modération

→ Évoquer sa déception mais avec modération : « Je ne vous cache pas que je ne m’attendais pas à cette réponse… »

→ Ne pas se laisser submerger par la colère, au risque de se mettre dans une mauvaise position : « Puisque c’est ça, maintenant ce sera bonjour, au revoir, rien de plus ! Mon idée est bonne, alors je vais aller voir si elle intéresse d’autres pharmacies ! » Difficile de faire machine arrière et de travailler dans de bonnes conditions après ça.

→ Solliciter une explication. Si votre titulaire ne l’a pas clairement dit, demandez « Pour quelle raison n’acceptez-vous pas que… » Il est possible qu’il rétorque : « Je ne remets pas en cause votre travail, votre projet est intéressant mais, au vu de la conjoncture actuelle, je ne peux pas me permettre de développer ce rayon…, avec le congé maternité prévu cette année je ne peux pas me passer de vous à la pharmacie et cette formation va vous éloigner… » Une explication rationnelle permet de ne pas sombrer dans la paranoïa : « De toute façon, il ne m’a jamais apprécié alors il refuse mes idées… »

Anticiper

La formation que vous avez proposée ne semble pas intéresser votre titulaire mais peut-être a-t-il d’autres projets en tête auxquels il pourrait vous associer ? Posez-lui la question, il aura sûrement des arguments pour vous convaincre.

Rester dans l’officine

Sans perdre de vue votre objectif, adaptez votre attitude en conséquence. Formez-vous, continuez à prendre des initiatives et à soumettre des idées. Outre des connaissances en plus, cela donne une image dynamique. Restez à l’écoute des besoins et des challenges. Même si elle n’a pas abouti cette fois, votre requête est une preuve de motivation. Le moment opportun, votre titulaire saura s’en souvenir.

Et si vous partez…

Si vous changez d’employeur, jouez cartes sur table, sans critique, lors de l’entretien : « J’ai demandé davantage de responsabilités, mais dans l’état de l’organisation de l’officine, cela était impossible. » Cela montrera que vous avez quitté votre officine pour des raisons positives et c’est toujours préférable…