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Inquiets mais toujo urs motivés
Désacralisée. Voilà la perception lapidaire que les pharmaciens français ont de leur activité. Une enquête inédite Ipsos/Wolters Kluwer sur les évolutions de la profession, dévoilée la semaine prochaine lors de Pharmagora, met en avant vos espoirs, vos craintes et vos colères. Dans cette période charnière et brumeuse, découvrez en exclusivité les morceaux choisis d’une radioscopie en bonne et due forme.
L’étude Ipsos, menée spécialement pour le salon Pharmagora qui se déroulera les 27, 28 et 29 mars prochains, pourrait laisser penser que les 700 officinaux interrogés pour l’occasion en perdent leur latin. Tant ils ont l’impression d’être de moins en moins au coeur du système de santé. Avec le sentiment désagréable de subir. Aussi bien la banalisation des médicaments que les demandes de la Sécurité sociale, des médecins, des mutuelles, de l’État et bien sûr de leurs patients. Ce passage au stade de prestataire de services est vécu comme « un recul statutaire » pour reprendre les propres mots de l’enquête. Le si cher service au patient évoque pour certains une perte de temps, donc d’argent : la délivrance des génériques pour lesquels il faut convaincre les patients, les papiers à remplir, les actes et divers gestes commerciaux gratuits sont certes réconfortants mais terriblement budgétivores. Pourra-t-on revenir en arrière ? Finalement, la revalorisation pourrait passer par un changement de statut au sein du système et par l’acte rémunéré qui va avec.
Des intérêts communs en concurrence
Gênante également cette impression insidieuse de s’être endormi sur une situation financière et une valeur patrimoniale confortables, sans se rendre compte des évolutions structurelles et économiques du système de santé. Des parts de marché ont déjà été préemptées par d’autres acteurs : l’hospitalisation à domicile par les sociétés de matériel médical ou les associations d’aides et de services à la personne. Et il est nécessaire de s’astreindre à une gestion rigoureuse qui ne fait pas bon ménage avec l’essence du métier : temps passé par client, CA, masse salariale et marge. Selon les analystes de l’étude, la profession souffre encore et toujours de son individualisme qui fait qu’il est difficile « d’opposer aux problèmes, interrogations et évolutions une réponse collective ». Avec les groupements, c’est un peu « je t’aime, moi non plus ». Les officines de taille moyenne ou importante ont plutôt un réflexe spontané de rejet. A y regarder de plus près, il est en partie dû à leur plus forte capacité à négocier les prix et à une crainte plus forte d’être intégrées dans un réseau vécu comme un lieu de normalisation de la profession : l’obligation de rentrer dans un système d’uniformisation des codes couleurs, des agencements, des marques, de l’informatique. Certains ont une image encore caricaturale des groupements, perçus comme des structures pyramidales qui semblent de plus en plus destinées à distribuer des bénéfices : « Je n’ai pas envie de financer la marge du patron de groupement », lancera l’un des titulaires interviewés. Pour les plus petites officines, l’approche est différente : elles adhèrent relativement bien au principe de mutualisation qui décharge le pharmacien. Elles voient dans le groupement un lieu de partage d’informations et de formations qui libère des contraintes commerciales, un gain de temps sur la négociation (« cela me permet de ne pas perdre du temps à la négociation de marchands de tapis et de me recentrer sur mon vrai travail »), mais aussi un moyen d’avoir une visibilité commerciale.
Médicaments mi-figue, mi-raisin
Les sorties de la réserve hospitalière sont bien vécues comme une revalorisation du rôle de l’officine, mais elles s’accompagnent « d’effets pernicieux sur les stocks, la marge, le poste médicament qui risque d’entraîner des mesures coercitives de la Sécurité sociale ». Idem pour les génériques appréhendés positivement dans le sens où ils revalorisent le rôle de conseil et où l’appui des laboratoires n’a pas été négligeable (rémunération du temps passé en conseil et persuasion). En revanche, la politique trop rapidement mise en place est jugée mal expliquée aux patients et médecins, encore très rétifs à l’application. Les objectifs mis en place par la Sécurité sociale sont trop contraignants. A cela s’ajoute l’obligation de double stockage avec le princeps. Finalement, cet ensemble de contraintes favorise les comportements de contournement : « Si je suis trop progénérique face à un patient auquel le médecin a cédé sur le princeps, alors je le perds, donc je suis bien obligé de faire de la délinquance en croisant les doigts pour que la Sécu n’y regarde pas de trop près », avouera un pharmacien lors des entretiens menés par Ipsos.
L’Ordre s’en sort plutôt pas mal. Décrit comme une institution de représentation et de réflexion sur la profession, c’est un acteur reconnu sur son expertise de régulation des pratiques, de l’éthique professionnelle, des clauses juridiques, « une institution qui sait réfléchir et mettre en place, notamment le gros chantier du dossier pharmaceutique ». C’est aussi une institution qui agit au niveau national et européen. A contrario, aux yeux des titulaires sondés, c’est un acteur qui semble dédié et limité à une action « par le haut » et n’est pas vraiment présent ou dynamique sur le plan local. Le même sentiment se manifeste à l’égard des syndicats qui ont l’image, auprès des 700 titulaires interrogés, « d’acteurs minés par des guerres de chapelles, de personnes difficiles à décoder et trop faibles pour assumer réellement un rôle de défense de la profession ». Et pourtant, vu « d’en bas », les raisons ne manquent pas d’épauler celles et ceux qui sont tous les jours sur le terrain : surinformation qui déstabilise la relation client-pharmacien, politique agressive des chaînes de « para » et de la grande distribution, « surbureaucratisation » de la Sécurité sociale et mise en place annoncée d’une concentration des moyens (HPST et ARS), fusions des laboratoires, croissance des groupements.
Face à ces éléments annonceurs d’un système et d’un marché « massifiés », les pharmaciens changent de dimension. De patrons de commerce de proximité, ils doivent désormais se penser en acteurs du système et en chefs d’entreprise. Et la profession se sent encore bien peu armée pour cela. Se repositionner par rapport aux différents acteurs est nécessaire : face aux laboratoires, récupérer le terrain perdu pour négocier en position de force ; face aux médecins, atténuer le contentieux, repenser la combinaison cabinet-officine, saisir l’opportunité de la réorganisation pour constituer un duo d’expertise alliant prescripteur et conseil (« on peut imaginer dans le nouveau système un médecin prescripteur de molécules et un pharmacien qui conseille des médicaments ») ; face à un « client-zappeur », redonner du sens et du poids au conseil ; face à la Sécurité sociale, le pharmacien doit devenir plus qu’un gestionnaire de stock et de distribution, et mieux négocier sa place dans la politique de santé.
Le jeu des cinq familles
L’enquête Ipsos/Wolters Kluwer pour Pharmagora s’est aussi attachée à définir avec une précision quasi chirurgicale cinq familles. Consacrez un peu de temps à découvrir quel est le portrait qui vous correspond le plus.
Les battants
-Signes particuliers : optimistes quant à l’avenir, leur situation face à la concurrence (80 %), le maintien de l’emploi dans leur officine (71 %), leur capacité de croissance (55 %), les battants (11 % de la population des pharmaciens) sont jeunes et hypermotivés. Ils ont le sentiment assez net de pouvoir tirer parti des réformes. Bien qu’ils aient intégré l’ouverture à la concurrence des grandes surfaces, ils se pensent capables d’augmenter encore leur niveau d’activité, considèrent qu’il est probable qu’ils soient obligés de se spécialiser, qu’ils développent de nouveaux services et recourent à des outils d’analyse de la clientèle. Ils sont 69 % à estimer qu’il y a également une probabilité importante pour qu’ils prennent des parts dans d’autres officines. Ils sont beaucoup plus groupés que les autres. Ils attendent surtout des groupements une variété de services et de formations et sont soucieux de la politique d’enseigne. Ils sont moins pessimistes que la moyenne sur la situation de leur trésorerie, sur l’évolution de la valeur patrimoniale de leur pharmacie ou sur leur marge bénéficiaire.
-Sexe : masculin (55 %), féminin (45 %).
-Type d’officines : rarement de petite taille, elles comportent plus souvent trois pharmaciens, voire plus. Elles sont généralement situées en province, dans des villes de taille moyenne (20 000 à 100 000 habitants) et de grande taille (plus de 100 000 habitants).
Les confiants
-Signes particuliers : moins branchés « Enseigne » que les battants, les confiants (27 %) sont jeunes (51 % ont moins de 50 ans), sereins, motivés et optimistes. Sur à peu près tous les sujets : le maintien de l’emploi, la concurrence, leur croissance, la situation de la trésorerie, la valeur patrimoniale de leur pharmacie, et même sur l’évolution de leur marge bénéficiaire (23 % contre 12 % pour l’ensemble). Ce vers quoi va le métier, ils le perçoivent un peu moins que les battants. Ils sont donc plus dubitatifs sur de nouvelles opportunités de croissance et ne pensent pas que l’ouverture du marché soit proche. Ils ne sont que 48 % à souhaiter prendre des parts dans d’autres officines.
-Sexe : masculin (50 %), féminin (50 %).
-Type d’officines : plutôt grandes (3 à 4 pharmaciens ou plus), et dans des communes de moins de 20 000 habitants.
Les fatalistes
-Signes particuliers : dans un cas sur deux, les fatalistes ont moins de 50 ans. Représentant la proportion la plus importante parmi toutes les familles (35 %), ils avouent l’un des plus hauts niveaux de satisfaction et d’appartenance aux groupements formels (83 %) ou informels (41 %). A tel point qu’un fataliste sur trois appartient aux deux types. Avec une attente plus marquée à l’égard de la politique de communication vers les clients. En revanche, ils ont une analyse plus noire que les deux précédents sur le maintien de l’emploi (54 % de pessimistes), la concurrence (53 %), la croissance (chiffre écrasant de 92 %), la situation de leur trésorerie (87 %), la valeur patrimoniale de leur pharmacie (91 %) ou encore leur marge bénéficiaire (97 %). Moral bas, colère élevée, « ils sont aujourd’hui dépassés par les conséquences de la situation, mais ont conscience qu’elle est inéluctable et qu’ils vont devoir l’affronter », notent les auteurs de l’étude Ipsos. Cela passe par le développement de nouveaux services (72 %), la spécialisation dans un domaine (58 %). Leur confiance dans l’avenir semble aussi pâtir de leur crainte que les grandes surfaces vendent à terme des médicaments non remboursés (52 %).
-Sexe : masculin (41 %), féminin (59 %)
-Type d’officines : plus souvent implantées dans des communes rurales, ces pharmacies comptent généralement deux pharmaciens (45 %).
Les réfractaires
-Signes particuliers : sombres, en colère, résignés, beaucoup moins motivés que les autres (28 %), on trouve plus fréquemment au sein des tranches les plus âgées (50 % ont plus de 56 ans) ces réfractaires qui représentent 16 % de la population pharmaceutique. Ils avouent le plus bas niveau d’appartenance aux groupements. Les réfractaires se montrent légèrement plus optimistes que les fatalistes en ce qui concerne leur situation : ils sont un peu plus confiants sur le maintien de l’emploi au sein de leur officine (55 %) et leur situation face à la concurrence (54 %). Ils se montrent inquiets en ce qui concerne leur croissance (82 %), la situation de leur trésorerie (74 %), l’évolution de la valeur patrimoniale de leur fonds (73 %) ou encore leur marge bénéficiaire (83 %). Ils sont aussi ceux qui comprennent le moins bien ce vers quoi évolue leur métier (55 %). Seule une minorité considère que les évolutions en cours sont indispensables pour la pérennité de la profession (46 %) et surtout que de nouvelles opportunités de croissance vont s’offrir aux pharmaciens (19 %). Ils rejettent en bloc les situations qui leur permettraient de réagir. Rares sont ceux qui considèrent qu’il y ait des chances importantes qu’ils développent de nouveaux services (29 %) ou qu’ils se spécialisent dans un domaine d’activité (16 %). Ils sont partagés sur l’autorisation de vente des médicaments non remboursés accordée aux grandes surfaces, 48 % estiment qu’elle interviendra dans les cinq prochaines années et 40 % pensent le contraire.
-Type d’officines : de petite (15 % emploient un seul pharmacien) ou de grande taille (24 % comprennent quatre pharmaciens ou plus), elles sont le plus souvent dans des agglomérations de 100 000 habitants et plus (33 %), et en région parisienne (18 %).
Les désespérés
-Signes particuliers : les désespérés (11 %) sont surreprésentés au sein des 51-55 ans (27 %) et des 56 ans et plus (39 %). Peu groupés, ils sont en outre les moins satisfaits de leur groupement. Ce sont les plus pessimistes de tous : leur alarmisme est massif. Il l’est sur la croissance de l’activité de leur pharmacie (97 % sont pessimistes), sur le maintien de l’emploi (90 %), sur l’évolution des marges bénéficiaires (99 %), sur la situation face à la concurrence (70 %) ou encore sur l’évolution de la valeur patrimoniale de leur pharmacie (100 %).
Ils sont beaucoup plus inquiets que les autres (81 %), beaucoup plus en colère (73 %) et résignés (28 %). Ils comprennent plutôt moins bien que l’ensemble ce vers quoi évolue leur métier et vivent mal les évolutions en cours qui les paralysent. « Ce qui se trame derrière la situation très difficile qui est la leur ? Ni plus, ni moins que la survie de leur activité : 68 % d’entre eux pensent qu’il y a une probabilité importante que dans les cinq prochaines années ils aient mis la clé sous la porte, contre 20 % en moyenne », analyse Ipsos. Leur désespoir se nourrit aussi de leur méfiance vis-à-vis des grandes surfaces. Ils sont les plus nombreux (54 %) à penser que dans les prochaines années, elles pourront vendre librement les médicaments sans ordonnance. Quant à la loi HPST, seulement 33 % pensent qu’elle permettra de replacer les missions du pharmacien au coeur du système de santé.
-Sexe : féminin (60 %), masculin (40 %).
-Type d’officines : fréquemment des pharmacies de trois pharmaciens et plus (35 %), implantées dans des agglomérations de plus de 100 000 habitants.
Votre état d’esprit
Quels sont les deux sentiments qui résument le mieux votre état d’esprit actuel ?
La loi HPST
Neuf pharmaciens sur dix ont entendu parler de la loi HPST, mais 63 % ne savent pas précisément ce qu’elle propose.La loi HPST va-t-elle permettre de replacer les missions du pharmacien au coeur du système de santé en coordination avec les autres professionnels de santé ?
L’OTC en grande surface
Des médicaments en grande surface, une toute petite majorité en est convaincue. L’histoire nous le dira.D’ici cinq ans, pensez-vous que les grandes surfaces auront l’autorisation de vendre en France des médicaments non remboursés ?
Dans cinq ans
Un peu de baume au coeur : les pharmaciens ont intégré les transformations de leur métier et peu s’inquiètent pour la pérennité de leur entreprise.Dans les cinq prochaines années, pensez-vous qu’il y a une probabilité importante :
Cette année
Pour l’année 2010, êtes-vous très optimiste, plutôt optimiste, plutôt pessimiste ou très pessimiste en ce qui concerne :
MÉTHODOLOGIE
Sondage réalisé par Ipsos Public Affairs du 11 au 15 janvier 2010 sur un échantillon représentatif de 700 pharmaciens titulaires.
ARS et HPST, deux inconnues
Les futures agences régionales de santé (ARS) et la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) suscitent quelques inquiétudes.
Les ARS, perçues comme un concentré de pouvoir regroupant les professionnels de santé, une sorte de « mini ministère en région », ont à vos yeux quelque chose d’inabouti.
Quant à la loi HPST, elle est ressentie comme un corpus encore vague, qui indique cependant un changement de politique, un bouleversement annoncé du système de santé sur les coûts, la consommation, les contrôles. La finalité ? Maîtriser les budgets. Dans 90 % des cas, vous avez entendu parler des nouvelles missions du pharmacien proposées dans la loi. C’est bon signe. En revanche, vous avouez à 63 % ne pas savoir précisément ce qu’elle contient. D’une courte tête (54 % versus 40 %), ceux qui savent de quoi il s’agit ont le sentiment que les dispositions proposées par la loi HPST vont permettre de replacer les missions du pharmacien au coeur du système de santé, en coordination avec les autres professionnels de santé.
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