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« Doit travailler plus ! »

Publié le 27 novembre 2004
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Alors que le décret d’application sur la formation continue obligatoire se fait toujours attendre, nous avons demandé à la société Direct Médica de vous interroger sur vos pratiques et vos attentes. Résultats : l’obligation ne pose plus de problème à la grande majorité d’entre vous. Seuls 13,4 % déclarent ne jamais se former. Pour les autres, c’est le plus souvent de 2 à 4 heures par mois. La presse professionnelle est votre premier support de formation (80,9 %), devant les formations extérieures (64,6 %). Quand à Internet, il est déjà utilisé par plus de 30 % d’entre vous. Mais ces bonnes intentions ne sont pas suffisantes. L’objectif est de se former encore plus et de manière permanente.

17 MEuro(s) pour former tout le monde

« Aujourd’hui, un quart des pharmaciens se forment. Dans cinq ans, toute la profession devra le faire sinon nous ne serons plus crédibles en termes d’actions de santé publique », insiste Philippe Gaertner, président des UTIP. Une fois le décret d’application – bloqué dans l’attente d’un arbitrage ministériel sur la composition du Conseil national -, la mise en place devrait aller très vite. « Notre objectif est donc de proposer plusieurs supports pédagogiques, dont un cycle cardiovasculaire complet d’enseignement en ligne début 2005. Ainsi, plus personne ne pourra dire qu’elle ne peut pas accéder à la formation », poursuit Philippe Gaertner.

Toutefois, les financements actuels seront insuffisants. Selon Philippe Gaertner, former l’ensemble de la profession coûterait 17 MEuro(s). L’Assurance maladie pourrait contribuer, dans le cadre de la convention élargie, mais une augmentation des cotisations semble incontournable. Sera-ce suffisant ? Pas sûr, au point que Philippe Gaertner envisage également des participations complémentaires, au titre des entreprises et des personnes…

Un pharmacien sur deux se formera sur Internet en 2010

La percée d’Internet ne peut que réjouir Jean-Christian Kipp, P-DG de Direct Médica : « 30 % des pharmaciens disent vouloir l’utiliser pour se former. Cela dénote les progrès réalisés dans ce domaine, même si l’offre de véritables modules de formation est encore limitée. » Pourtant, le Net a des atouts de taille : moins de déplacements et de frais de remplacement, plus de souplesse d’utilisation et de personnalisation, avec au final des gains d’argent et de temps. Mais Jean-Christian Kipp ne s’attend pas pour autant à un raz de marée : « Dans le cadre d’une obligation, j’estime que 10 % des officinaux y auront recours en 2005. Un chiffre qui pourrait atteindre 50 % d’ici 2010. » Pour lui, les formations présentielles resteront largement majoritaires mais pourront, à l’avenir, être plus souvent couplées avec Internet, en particulier pour améliorer le suivi pédagogique.

En tout cas, Direct Médica veut apporter sa contribution en mettant dès à présent une plate-forme de formation en ligne à disposition des institutionnels et des laboratoires. Un module sur l’hypertension artérielle, réalisé en partenariat avec les UTIP, est sur le point d’être ouvert aux pharmaciens. D’une durée de 30 minutes environ, il comprend une évaluation préalable des connaissances (QCM), le cours proprement dit sous forme de cas cliniques et une postévaluation permettant, le cas échéant, de revoir certaines parties qui n’auraient pas été assimilées. « Un module comme celui-ci correspond à une soirée de formation », indique Jean-Christian Kipp. D’autres modules sont en projet. Pour chacun, il faut compter deux à trois mois de développement et entre 15 et 30 kEuro(s) d’investissement.

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Direct Médica développe également une nouvelle technologie prometteuse : le « media-sharing ». « Au départ, c’était de la visite médicale à distance, qui plus est autorisée par l’Afssaps. Cet outil permet de former, rapidement et de manière contrôlée, des milliers de professionnels. Mais on s’est rendu compte que l’on pouvait tout à fait l’appliquer à l’officine. Le formateur prend la main sur le PC de la pharmacie et délivre une formation synchrone au titulaire et à son équipe, tout en gardant la maîtrise totale de l’apprentissage », explique Jean-Christian Kipp.

Internet a tout pour devenir incontournable dans la formation, mais aussi comme outil de management. Ne manque plus qu’une offre diversifiée…

Méthodologie : Ce sondage a été réalisé par Direct Médica auprès de 529 pharmaciens d’officine. Ils ont été interrogés par téléphone durant l’été dernier.

Oui à l’obligation

L’instauration d’une obligation de formation continue ne rebute pas les pharmaciens titulaires interrogés. Une majorité estime au contraire sa mise en place tout à fait normale (53,3 %) voire indispensable (23,3 %). Indéniablement, les esprits changent sur le sujet.

Il reste tout de même un pharmacien sur cinq pour s’en plaindre. L’obligation de formation continue serait selon eux une contrainte (18,4 %) ou carrément inutile (2,1 %)…

Parmi les pharmaciens interrogés qui y sont favorables, les trois quarts sont convaincus que la formation continue est nécessaire à tous les acteurs de l’officine : à eux-mêmes (73,4 %) bien entendu, mais aussi aux pharmaciens adjoints (72,8 %) et aux préparateurs (également 72,8 %).

Adjoints et préparateurs qui devraient d’ailleurs se former ensemble selon 36,3 % des répondants : l’idée de l’équipe officinale fait donc son chemin même si, à l’inverse, près de la moitié des titulaires (49,7 %) considère qu’une formation séparée est plus adéquate.

Enfin, si globalement les pharmaciens titulaires aspirent à se former, ils ne souhaitent pas que leurs clients soient directement informés des formations validées qu’ils ont suivies (68,6 % de non).

Modestie ou peur de représailles ordinales sur fond de concurrence déloyale ?

Financement : aïe !

Si les officinaux disent oui à la formation continue obligatoire, ils considèrent que ce n’est pas à la profession de payer le surcoût qu’engendrera inévitablement sa mise en place.

Deux pharmaciens sur trois refusent en effet de voir leurs cotisations FIF-PL et OPCA-PL augmenter. Ils se retournent donc vers les pouvoirs publics (52,4 %), l’industrie (39,4 %) voire même l’assurance maladie (30,4 %) pour la financer.

Si aujourd’hui on ne peut pas compter sur les titulaires pour financer un système collectif, un sur trois (33,8 %) se dit tout de même prêt ou éventuellement prêt (25,2 %) à mettre personnellement la main au portefeuille pour financer sa propre formation ou celle de son équipe. Dans notre sondage de juin dernier (voir Le Moniteur n° 2540), les adjoints interrogés affirmaient que seul un titulaire sur cinq acceptait de financer leurs formations.

Merci la presse

Au palmarès des thèmes de formation qui paraissent les plus prioritaires aux yeux des titulaires, la thérapeutique est logiquement la plus souvent citée (56,4 %). Les formations concernant les pathologies sont aussi largement prisées (41,3 %) tandis que les sorties de la réserve hospitalière (36,7 %) complètent le trio gagnant. Les formations dispensées sur le conseil (24,3 %) ou la gestion (10 %) sont en retrait, sans doute justement éclipsées par la réserve hospitalière, sujet d’actualité.

Globalement, et hors lecture de magazines professionnels, les officinaux assurent majoritairement consacrer chaque mois de 2 à 4 heures à leur formation (36,5 %) ou une heure (31 %). 13,4 % n’hésitent pas à dire qu’ils ne se forment jamais. Les plus assidus y dédient 4 à 6 heures de leur temps (6,1 %) et même plus de six heures par mois dans 6,5 % des cas !

La presse professionnelle reste de loin la première source (59,3 %) et surtout le premier support (88 %) de formation continue, même si elle n’est pas la plus légitime aux yeux des titulaires (67 %) qui lui préfèrent les facultés (72 %) et les UTIP (70 %).

Les formations extérieures (labos, grossistes, UTIP) constituent la deuxième source de formation continue (40,2 %) devant les groupements (9,9 %). Les formations extérieures (74,6 %), les formations à l’officine (56 %) les livres (40,9 %) et Internet (30,2 %) sont les supports les plus couramment utilisés.

Montée en ligne

Un tiers des titulaires utilise donc Internet comme support de formation. Il permet selon eux plus de souplesse dans leur organisation (57,2 %) et fait gagner du temps (40,9 %).

Mais surtout, à croire les convertis, il permettrait de mieux « former/manager » son équipe (51,1 %) et de réduire les coûts de formation (37,7 %). Logique, Internet c’est avant tout une formation à domicile donc des économies de déplacement jusqu’au lieu de formation.

Mais c’est justement l’idée de se retrouver seul face à son écran qui freine 16,1 % des sondés pour qui la formation ne peut sans doute être efficace sans partage des expériences entre confrères.

D’autres titulaires rechignent à utiliser Internet pour se former, simplement parce qu’ils trouvent cela complexe techniquement (17,4 %) ou parce qu’ils ne connaissent pas les offres du marché (21,8 %).

Parmi les aficionados de la Toile, 65,1 % profitent d’une connexion illimitée haut débit, qu’il s’agisse de l’ADSL (51,5 %) ou du câble (3,6 %), tandis que 41,3 % d’officinaux disposent de connexion classique RTC bas débit.

En 2002, dans un sondage Fovéa pour Le Moniteur, plus de 60 % recouraient à une ligne classique. Comme l’ensemble des Français, les pharmaciens se convertissent au haut débit.

Ce dernier permettra aux sites de formation continue d’être de plus en plus nombreux et complets. Nicolas Fontenelle