Apprendre en s’amusant

Tout juste émoulue de la faculté de pharmacie, Anne Schwenke possède le goût et la manière de transmettre ses connaissances. Elle s’est ainsi tout naturellement investie dans la formation de Pauline, apprentie à la Pharmacie 58. Adjointe dans cette officine située dans le 12^e arrondissement de Paris, Anne Schwenke a mis au point un mode d’apprentissage original basé sur un jeu de cartes qu’elle a baptisé Pharma-Quizz. « Lorsque Pauline est arrivée, je me suis tout de suite bien entendu avec elle et j’ai eu envie de prendre part à sa formation, raconte la pharmacienne. Mais comme elle était en première année, je ne voyais pas bien comment lui apporter des éléments pouvant lui être utiles immédiatement. Et, surtout, il fallait que cet apprentissage “supplémentaire” ne vienne pas empiéter sur le temps dévolu à la réalisation des missions qui lui étaient confiées au sein de l’officine. » Le travail exécuté par Pauline consistant essentiellement au déballage des commandes, Anne décide de se focaliser dans un premier temps sur les noms et les grandes indications des médicaments les plus fréquemment vus par la jeune apprentie. « Je me suis dit qu’elle manipulait des boîtes sans les connaître. Lui permettre de savoir de quoi il s’agissait était aussi un moyen de la motiver, tant dans son travail qui devenait alors moins “mécanique” que dans son apprentissage, puisqu’il était directement lié à sa pratique quotidienne, reprend encore l’adjointe de la Pharmacie 58. Toutefois, comme elle n’avait pas encore abordé la pharmacologie, il fallait rester très basique. Par exemple, pour Mopral, je lui donnais comme seule indication à retenir : “brûlures d’estomac.” Anne Schwenke liste alors les médicaments dont les rotations sont les plus importantes en essayant également d’en choisir un pour chaque grande classe thérapeutique. « J’avoue ne pas avoir été très méthodique au départ, reconnaît volontiers la pharmacienne. L’idée de travailler sur un médicament représentatif de chaque classe puis de m’aider des plus fortes rotations est venue peu à peu. De fait, j’ai passé plus de temps que nécessaire sur le choix de la centaine de produits listés. »

Cinq cartes mémorisées chaque jour

Une fois le sujet trouvé, restait à déterminer la méthode la plus efficace pour permettre à Pauline d’intégrer en un minimum de temps l’ensemble des données. Anne Schwenke, rarement à court d’idées, trouve la solution lors d’un week-end pluvieux. « Un de mes professeurs en faculté de pharmacie avait conçu un jeu dont j’avais constaté l’intérêt pour la motivation de ses participants à apprendre. J’ai ainsi réalisé une dizaine de cartes avec au recto le nom d’un médicament et au verso ses indications. » Le lundi suivant, lorsque la pharmacienne présente son projet à Christine Barret, titulaire de l’officine, celle-ci adhère immédiatement. « Mon adjointe a toujours dix mille idées à la seconde, je n’ai donc guère été surprise, sourit-elle. J’ai été séduite par le côté ludique de l’outil. J’attache beaucoup d’importance à la formation de mon équipe et cherche à ce que cette formation soit une source de motivation pour mes collaborateurs. Le jeu de cartes d’Anne va tout à fait dans ce sens. D’autant que ma seconde adjointe et la préparatrice ont aussi contribué à l’enrichir. » Anne Schwenke teste alors le résultat avec Pauline. « Je lui ai proposé de lire cinq fiches chaque matin et, le soir ou à la pause de midi, un membre de l’équipe lui posait des questions sur les cartes choisies pour voir ce qu’elle en avait retenu. » La forme, ludique, autant que le fond, basique, rendent ce contrôle permanent des connaissances beaucoup plus léger pour Pauline.

Une formation interactive pour toute l’équipe

Au cours de l’année, les informations portées sur les cartes sont enrichies au gré de l’avancée des cours de Pauline. « J’ai d’abord greffé au nom d’un médicament ses indications, se rappelle Pauline. Puis ont été ajoutés les contre-indications et le générique. Aujourd’hui, la fiche compte en plus les conseils à donner. » C’est aussi l’occasion de renforcer les relations au sein de l’équipe formée, en plus des deux adjointes et d’une préparatrice, d’une aide-préparatrice et de Pauline. Chacune, tour à tour, participe à la formation de la jeune apprentie au travers de la lecture des cinq cartes. « Chacune a des fonctions différentes mais essaie de partager ses connaissances. Mon équipe est très soudée et, lorsque l’une part en formation, elle briefe ses collègues à son retour », explique encore Christine Barret. En se complexifiant, Pharma-Quizz deviendra ainsi un outil de révision pour toute l’équipe. « Lorsque Pauline attaquera la pharmacologie l’année prochaine, nous avons prévu d’ajouter la classe et le mécanisme d’action sur chaque fiche », précise Anne Schwenke.

Forte du succès de son jeu auprès de l’équipe de la Pharmacie 58, l’adjointe s’est adressée au responsable pédagogique de l’apprentie pour faire profiter du concept à d’autres futurs préparateurs. « Je n’ai pas eu de réponse pour le moment mais je pense sincèrement que cette idée pourrait bénéficier à bien des élèves et les aider dans l’apprentissage des connaissances pharmacologiques », estime Anne Schwenke. C’est aussi l’avis de l’intéressée. « En fin d’année, je connaissais bien plus de médicaments que les autres apprentis. Je pense que ce système pourrait être utile à bon nombre, d’autant qu’il s’agit d’un travail quotidien rapide », conclut Pauline.

Envie d’essayer ?

• Un moyen d’aider un apprenti à se former sans « mordre » sur le temps consacré aux tâches qui lui sont confiées.

• Plus motivant qu’un livre et personnalisable.

• Facile à réaliser et d’un coût très modique.

• On peut transposer l’idée à la formation continue de toute l’équipe.

• L’ensemble de l’équipe peut participer à sa réalisation puis aux révisions.

LES DIFFICULTÉS

• Si la réalisation des fiches est assez simple, elle demande toutefois du temps.

• Il faut bien cibler les médicaments pour cerner toutes les classes thérapeutiques et éviter les redondances, ce qui est un peu fastidieux.

LES CONSEILS D’ANNE SCHWENKE

• « Travaillez en premier lieu sur les médicaments les plus fréquemment délivrés. Pour ce faire, basez-vous sur les plus fortes rotations. »

• « Privilégiez la simplicité : mieux vaut donner peu d’informations au départ puis compléter les fiches au fur et à mesure des acquisitions de l’apprenti. »

• « Essayez de “coller” aux cours pour ne pas décourager l’apprenti en le surchargeant de travail. »

• « Laissez suffisamment de temps pour lire les fiches et posez des questions plutôt en fin de journée ou à un moment calme. »

• « Essayez de travailler de façon régulière. Mieux vaut en faire un peu chaque jour que beaucoup d’un coup ! »