QUATRE PHARMACIENS OSENT LE PARI
Pour redonner du souffle à leur officine, des titulaires n’hésitent pas à la transférer à côté d’une maison médicale dont ils financent personnellement les murs. Un pari de longue haleine relevé par quatre pharmaciens. Témoignages.
Fabrice Foltz, Marlène Gérard, Serge Guillin et François Miquey ont tenté l’aventure de la maison de santé. Malgré un investissement parfois lourd et une énergie dépensée considérable, ils ne regrettent rien. Ces quatre pharmaciens racontent comment ils se sont employés à créer une maison de santé à proximité de leur officine. Histoire d’en assurer la pérennité.
Croissance à deux chiffres pour Fabrice Foltz
Ce titulaire, installé à Diarville (Meurthe-et-Moselle), avait en tête de transférer son officine à côté d’une maison médicale. Après un premier projet infructueux, il ouvre, en juin 2011, une structure qui abrite aujourd’hui trois médecins, deux infirmières, un kiné et deux orthophonistes. Avec un parking de 1 000 m2 pour la patientèle, un lieu de stationnement privé et un eldorado fiscal, le pharmacien n’a eu aucun mal à attirer les professionnels de santé. « La commune est classée en zone de revitalisation rurale qui ouvre droit à une exonération d’impôt sur le revenu, totale pendant cinq ans et partielle les neuf années suivantes », précise-t-il.
Compte tenu du risque financier de ce projet (environ 400 000 € de travaux), Fabrice Foltz tenait à louer rapidement ses locaux, « au minimum les deux tiers afin que les loyers couvrent les mensualités de remboursement de la SCI familiale que j’ai créée, propriétaire des murs ». Après l’ouverture, seul un local est resté vacant pendant un an et demi. Cet investissement a-t-il été bénéfique à son officine, qui jouxte la maison médicale ? Trois ans après, le titulaire affiche une croissance à deux chiffres du fait de l’attractivité de la maison médicale et une situation financière équilibrée. « Je lance en septembre une extension de la maison médicale pour attirer des médecins spécialistes, dont un gynécologue. » En accueillant cinq nouveaux prescripteurs, Fabrice Foltz consolidera une offre médicale à proximité de l’officine et sécurisera la vente ultérieure de son fonds.
Marlène Gérard réhabilite un ancien bâtiment
Seule titulaire à Preignac (Gironde) après le rachat de clientèle de son concurrent en 2011, elle transfère son fonds en juin 2009 dans un ancien bâtiment viticole désaffecté. Ce gros cube en pierres apparentes est l’endroit idéal pour recréer une zone d’attraction dans ce chef-lieu du département situé à 40 km au sud-est de Bordeaux. « Notre secteur est menacé de désertification médicale. Sur les trois médecins de la commune, deux sont proches de la retraite, de même que sur la commune voisine de Barsac. Une maison médicale permettrait de maintenir localement l’offre de soins. »
Mais le projet est coûteux. « Les lieux sont composés de plusieurs bâtiments à démolir, de cuves souterraines nécessitant des travaux de désamiantage, de remblayage, de voirie et réseaux divers », décrit Marlène Gérard. La pharmacienne souhaite créer un pôle commercial à l’entrée du village avec un parking, une boulangerie, trois logements d’habitation… et la pharmacie avec la maison de santé située à l’étage.
Afin de mutualiser les coûts, la titulaire fait appel à son frère, un oncle et un cousin notaire pour constituer plusieurs SCI familiales pour être, respectivement, propriétaires des murs de l’officine, de la boulangerie et des logements. Sa SCI proprement dite n’a donc emprunté que 350 000 €. Autre astuce : elle choisit de ne pas achever les travaux tant qu’elle n’a pas trouvé les professionnels de santé locataires. Ainsi, au premier étage, seule une pièce a été aménagée pour la réalisation de la PDA. Les travaux ont donc été suspendus pendant cinq ans. « Cependant, j’avais tout prévu au moment du transfert : la cage d’ascenseur est déjà maçonnée, les ouvertures des locaux sont aux normes pour l’accessibilité des lieux aux personnes handicapées. A l’étage, il est prévu d’avoir 3 cabinets de généralistes et un cabinet d’infirmières avec une salle d’attente commune, et une salle de réunion interprofessionnelle servant à la fois à notre future SISA [société interprofessionnelle de soins ambulatoires] et aux entretiens pharmaceutiques. »
En juin 2014, elle a fini par trouver tous ses occupants. La SCI pharmacie a cédé la partie « cabinet médical » à l’un des médecins qui tenait à être propriétaire de ses murs. « Nous avons dû prendre un syndic et rédiger un règlement de copropriété. » Les travaux démarreront à la rentrée.
Serge Guillin obtient des subventions
Ce pharmacien de Villennes-sur-Seine (Yvelines), membre de l’Association des professionnels de santé de Villennes-sur-Seine/Médan, souhaite se doter d’une infrastructure pour permettre de travailler en exercice regroupé au sein d’une SISA. « Je n’avais pas les moyens d’assumer financièrement un transfert et la construction des locaux de la maison de santé », explique-t-il. Ce projet de maison de santé, mené en relation avec l’ARS, permet de profiter de subventions pour analyser les pistes de réflexion et financer les interventions d’Hippocrate Développement, un cabinet de conseil spécialisé dans l’accompagnement de projets de pôles et maisons de santé pluridisciplinaires. Les mairies sont également sollicitées pour la recherche d’un terrain. « Le prix du mètre carré sur le secteur est très cher en cas d’achat à un particulier mais l’est beaucoup moins si la commune est propriétaire du terrain », souligne Serge Guillin.
Le montage financier de création et construction d’une maison de santé n’est pas simple car, parmi les 23 adhérents de l’association, certains souhaiteront être locataires et d’autres propriétaires des lieux. La SCI paraît la forme d’acquisition la plus adaptée. Pour le pharmacien, si ce projet se réalise et si son transfert est autorisé, c’est la garantie pour son entreprise d’avoir de meilleures conditions d’exercice et de disposer de nouveaux locaux agréés pour l’accessibilité des personnes handicapées.
Projet de rénovation urbaine pour François Miquey
Le projet de maison de santé de François Miquey, installé dans un quartier populaire de Valence (Drôme), arrive à son terme après trois ans d’une soigneuse préparation. En septembre, elle ouvrira ses portes, alors que la pharmacie a déjà transféré sur les lieux depuis le 19 mai dernier. Le nouvel édifice comprend 1 500 mètres carrés, sur deux niveaux, où se retrouveront un cabinet de kinésithérapie, une annexe de la Sécurité sociale, un centre de soins infirmiers avec 12 infirmières, 5 aides-soignantes, une entreprise d’aide à domicile, 2 médecins…
Ce vaste chantier, dont le pharmacien est le seul maître d’œuvre (avec son épouse, il a monté une SCI pour financer la quasi-totalité des travaux), s’inscrit dans un projet global de rénovation et de redynamisation du quartier financé à hauteur de 2 M€ (dont 140 000 € pour la maison de santé) grâce au programme national de rénovation urbaine. « La réhabilitation du quartier a transformé cette zone franche urbaine en une zone commerciale drainant une clientèle d’une plus grande mixité », constate François Miquey.
L’association des infirmières doit racheter ses locaux à la SCI (grâce à une subvention régionale), de même que l’entreprise d’aide à domicile, ce qui permettra d’alléger les remboursements. « Un tel projet demande beaucoup d’énergie et d’avoir des leaders pour le faire avancer », souligne François Miquey. Qui décide d’associer à ce projet les deux titulaires de la pharmacie voisine par des prises de participations croisées dans le capital de leurs SEL respectives.
De l’énergie, il en faudra encore à ce pharmacien qui veut maintenant monter une SISA.
Acquérir les murs par le biais d’une SCI
Sur le plan patrimonial, créer une société civile immobilière (SCI) est intéressant dans la mesure où l’immeuble sort du champ de l’actif d’exploitation, il est à l’abri d’une déroute financière de l’entreprise. Les créanciers ne pourront pas y avoir accès. Les parts sociales de la SCI ont leur régime propre. De plus, la SCI facilite le règlement successoral de son vivant. Les charges locatives (dépenses d’entretien, de réparation et d’assurances) et les intérêts d’emprunt sont déductibles des résultats de la SCI.
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