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Promenade de santé à l’Océanopolis de Brest

Publié le 8 septembre 2001
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Avec ses pavillons polaire, tempéré et tropical, le Parc de découverte des océans de Brest connaît un succès croissant. Mais, au-delà de l’aspect muséographique, toute une équipe de chercheurs et de soigneurs veille à l’équilibre des écosystèmes ainsi qu’à la bonne santé des poissons et animaux marins. Le médicament a aussi sa place à Océanopolis.

Grâce à la collaboration d’organismes aussi prestigieux que l’IFREMER, le Muséum national d’histoire naturelle ou l’IRD, Océanopolis présente, sur 8 000 m2, quarante-deux bassins et aquariums reproduisant au plus près le milieu naturel d’un millier d’espèces marines. Leur santé dépend tout d’abord de la qualité de l’eau de mer qui, après pompage en zone propre à 1,5 km en rade de Brest, subit filtration et stérilisation aux ultraviolets. Un brassage général assure la désagrégation du biofilm de surface et une bonne oxygénation.

« Nous disposons de laboratoires d’analyses permettant de fréquents contrôles », précise Dominique Barthélémy, biologiste et spécialiste des poissons. Les eaux rejetées sont traitées à l’ozone.

Des systèmes de régulation de la température aquatique, de l’hygrométrie ambiante et de la luminosité visent à reproduire les conditions climatiques de la planète. Par exemple, au niveau de la manchotière, la consistance de la glace se rapproche de celle d’une neige dure, alors qu’une véritable banquise existe dans le bassin des phoques.

Le phytoplancton, le zooplancton et un petit crustacé nommé Artemia salina participent à l’alimentation de base des poissons. Océanopolis possède d’ailleurs ses propres unités de production. A ces éléments vivants s’ajoutent des broyats de crevettes et de moules congelées.

Quelques vitamines sont périodiquement données pour pallier une éventuelle insuffisance liée à la congélation.

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Un bain de formol pour les nouveaux arrivants

« En l’absence de carences et de stress, nous observons très peu de pathologies. Lorsque de nouveaux poissons arrivent, ils sont mis en quarantaine et traités. Ceux-là présentent souvent des plaies cutanées, des infections bactériennes et des parasitoses. Par exemple, les carangues, des poissons pélagiques ressemblant à des thons, véhiculent des ectoparasites et quelques parasites des branchies. Nous les traitons dans un bain incluant un mélange de formol et de vert malachite, et de l’Ascapipérazine, un vermifuge pour chiens et chats administré par voie orale qui détruit les vers digestifs », explique Dominique Barthélémy.

Mais tout mouvement anormal, refus d’alimentation ou amaigrissement peut signaler une maladie. En 2000, six requins sont morts en trois semaines. L’autopsie a révélé un cerveau hémorragique et la présence d’une larve de nématode dans les méninges.

Depuis l’instauration d’un traitement périodique avec de l’Ivomec injectable (ivermectine), tout va bien pour les requins.

Le Cryptocaryon irritans est une autre terreur des aquariums. Il se fixe sur la peau et les branchies. Beaucoup de poissons sont porteurs sains de ce protozoaire cilié qui se manifeste en cas de stress. Le traitement consiste à intervenir sur tout le bassin en désalurant pour passer d’une concentration saline de 35/1 000 à 15/1 000 car le parasite disparaît en dessous de 16/1 000.

Des spécialités à usage humain… pour les phoques

Les manchots royaux font aussi l’objet de toutes les attentions. En captivité, ils vivent de 20 à 25 ans. Chaque année, la femelle pond un oeuf que le mâle récupère entre ses deux pattes et loge dans sa poche incubatrice ventrale. Jean-Yves Le Clec’h, soigneur-dresseur, commente : « Mis à part le fait que ces oiseaux sont porteurs sains d’aspergillose pulmonaire pouvant être traitée par une association antifongique-antibiotique à large spectre, les rares pathologies semblent déclenchées par le stress. Un comportement amorphe accompagné d’amaigrissement et de selles vertes liées à l’excrétion de bile en l’absence de nourriture accompagne les principaux syndromes. » Des prélèvements de sang, de peau, de selles, de mucosités des voies respiratoires (écouvillonnage) facilitent le diagnostic.

Une forme de malaria traitée par Nivaquine, et qui ne serait pas transmissible à l’homme, atteint également les manchots papous. Deux fois par jour ils reçoivent une nourriture à base de capelans et de petits harengs congelés, avec, le matin, un comprimé d’un complexe vitaminique. Voilà peut-être pourquoi ces pinnipèdes semblent déborder d’énergie…

Matin et soir, les soigneurs-dresseurs inspectent les phoques et vérifient l’état des yeux, de la cavité buccale, des palmures et localisent d’éventuelles plaies externes ou des parasites. Simultanément les mammifères reçoivent en récompense leurs repas vitaminés.

La Betadine soulage les échauffements palmaires

Les pathologies sont rares en captivité et l’isolement en quarantaine des nouveaux venus évite les contaminations. Alain Menguy, vétérinaire, se rend chaque mardi à Océanopolis : « Je suis amené à traiter quelques affections ophtalmiques avec du Fradexam renfermant de la framycétine et de la dexaméthasone ou du Lacrybiotic en pommade, des échauffements palmaires avec de la Bétadine mais aussi des gastroentérites avec Smecta et Bactrim et des infections pulmonaires avec Augmentin. Deux fois par an un vermifuge polyvalent, le Drontal, est administré et les poux ne résistent pas au Frontline. » En fait, la panoplie médicamenteuse regroupe surtout des spécialités humaines et des produits pour chiens et chats. Aucune vaccination n’est administrée.

En dehors d’opérations de démazoutage liées à des catastrophes type Erika, chaque année une vingtaine de phoques gris connaissent des difficultés. Leur reproduction a lieu entre septembre et décembre. La femelle allaite le petit pendant trois semaines puis l’abandonne. « Il faut que les gens appellent Océanopolis sans chercher à les capturer. » Après récupération, un bilan de santé est effectué au sec pour d’éventuels soins. Puis vient la phase de réhydratation suivie d’un gavage progressif. Quand le jeune phoque en bonne santé atteint une vingtaine de kilos et s’auto-alimente, il est installé dans un bassin avec d’éventuels autres congénères sauvages mais en aucun cas avec des mammifères du parc. Généralement relâché en avril, et pesant alors une quarantaine de kilos, l’animal mue mais, entre-temps, il peut être suivi au fil d’observations faites par des bénévoles avertissant Océanopolis. Grâce à des balises Argos, des relevés satellites localisent ces animaux capables de plonger à 200 mètres ou de traverser la Manche en 48 heures. Ces actions sont couplées avec celles du Laboratoire d’étude des mammifères marins des côtes bretonnes.Océanopolis ne sert pas que les touristes.