PHARMACIE DU PROGRÈS À LOURDES : La méthode des trois D
Jean-Christophe Lauzeral a posé il y a un an son bagage de pharmacien d’industrie dans une officine lourdaise. S’il prône aujourd’hui la qualité de vie comme moteur de son travail, il ne plaide pas pour autant le repos perpétuel et envisage son installation comme un nouveau challenge. Son credo : « diagnostic, dialogue et décision ». Explications.
Jean-Christophe Lauzeral a gardé de son expérience de l’industrie et de l’étranger une certaine méthode : « J’ai pris pour habitude de fonder ma réflexion sur des éléments factuels. A l’officine, j’utilise donc la gestion de stock. Le dialogue, pour sa part, me paraît essentiel d’autant plus que mon équipe dispose d’une antériorité et d’une expérience acquises à l’officine qui sont essentielles à ma prise de décision. » Une politique de management qu’il a fallu mettre en place rapidement à la Pharmacie du Progrès compte tenu du contexte concurrentiel (onze pharmacies plus deux saisonnières) et du rythme spécifique de Lourdes. Car dans la ville des grands pèlerinages, une pharmacie de quartier l’hiver se transforme en pharmacie de passage l’été.
Jean-Christophe Lauzeral a donc fait parlé les chiffres, une pratique largement éprouvée dans le monde de l’industrie. « J’ai répondu à ce qu’ils m’ont dit », dit-il simplement. Ainsi, une analyse chiffrée croisée avec l’expérience du terrain et l’observation lui ont permis de « typer » son officine, d’en dégager les points forts et les points faibles pour déterminer des objectifs.
Donner du temps au temps.
Plutôt faible en vétérinaire, la Pharmacie du Progrès s’est avérée plutôt bien placée en homéopathie et en contention, grâce à la proximité d’un cabinet d’angiologie. « A nous d’assurer de bonnes mesures et de proposer une gamme de confort solide. » L’oxygénothérapie fait des bonds en période de pèlerinage et la puériculture est sous-représentée. Logique, avec une clientèle essentiellement constituée de personnes âgées.
« Pour le moment, on assume la situation de l’officine et on développe ses points forts, il sera temps plus tard de donner de nouvelles orientations », estime avec philosophie l’officinal. Position attentiste, pensez-vous ? Pas du tout. Jean-Christophe Lauzeral a décidé de donner du temps au temps. « Contrairement à ce que j’ai vécu dans l’industrie, je ne souhaite pas de changements trop rapides pour l’officine. J’audite tout et je fais le maximum avec l’existant. »
Systématiser la substitution.
Après ce stade d’observation, quand il est persuadé du bien-fondé d’un principe, Jean-Christophe Lauzeral n’hésite pas à passer à l’acte, bien décider à tourner le dos « au marketing de suiveur » de l’industrie. De son expérience canadienne chez Upsa, il a nourri une vision prémonitoire de la profession. Confronté là-bas aux chaînes, aux génériques et au forfait de remboursement, il sait que l’officine française est destinée à évoluer. « Je veux être un acteur privilégié de ce changement de statut. Il y aura des chaînes, et ça m’intéresse ! », prévient-il.
Voilà pourquoi depuis un an son retour à l’officine s’accompagne d’un engagement forcené dans la politique de substitution. Malgré un diagnostic plutôt défavorable au développement du générique à Lourdes (la population y est âgée), il instaure le dialogue avec son équipe sur le sujet. Il les forme et les fait participer à l’élaboration du « référencement sémantique ». A part deux ou trois récalcitrants bien connus de l’équipe, les génériques sont systématiquement proposés à la clientèle. La méthode porte ses fruits puisque l’officine se hisse parmi les meilleures du département en taux de substitution (80 % sur le Répertoire des génériques) et double le chiffre d’affaires lié aux génériques « Ce qui aurait été grave, c’est de ne pas avoir proposé la substitution, constate Jean-Christophe Lauzeral. Elle doit être systématique et argumentée. » Une attitude qui assoit non seulement la crédibilité du pharmacien en tant que spécialiste du médicament, mais qui développe aussi les réflexes sur les ventes hors ordonnance, qu’il s’agisse de la médication familiale ou de la parapharmacie.
Cette synergie n’est pas le fruit du hasard et elle s’appuie sur la politique de référencement adoptée par Jean-Christophe Lauzeral. Dès le départ, il a fait le choix du groupement, choisissant celui qui lui permettrait à la fois de disposer d’une offre réelle de produits à la marque et d’une politique d’enseigne. Il a ainsi opté pour Giphar et en est devenu le président pour les Pyrénées-Orientales. Sa tactique est simple : déréférencer les produits connotés trop « parfumerie » et opérer une montée en puissance du produit à la marque tout en s’appuyant sur le conseil pour orienter les patients sur l’offre de l’officine lorsqu’ils réclament un produit inexistant.
Diffuser la bonne parole.
Conscient que ces orientations ne seraient rien sans l’adhésion de l’équipe, Jean-Christophe Lauzeral a adopté un management adapté à ses ambitions, par objectif. Avant toute chose, le titulaire de la Pharmacie du Progrès souhaite responsabiliser son équipe et faire en sorte que chacun soit polyvalent, du déballage au rangement en passant par la vente, et ce quelles que soient les inclinaisons des uns et des autres pour telle ou telle tâche. Des préférences qui seront prises en compte lors de la distribution des objectifs précis de chacun, évalués lors d’entretiens réguliers.
Jean-Christophe Lauzeral organise également des réunions formelles tous les deux mois afin d’ajuster les orientations de l’officine. « Aujourd’hui, c’est encore moi qui parle, confie-t-il. Je pense que petit à petit les propositions vont venir. » Mais là encore, pas question de bousculer les choses : « Je dois donner l’impulsion sans brusquer l’affectif et les habitudes. »
Malgré son oeil d’expert, Jean-Christophe Lauzeral est conscient de ses propres lacunes. « L’industrie m’a appris à être une machine hyperrationnelle. Mais un commerçant, un patron, ça se montre, ça discute, ça a un rôle presque affectif ! Pour moi, la transition est difficile d’autant que je succède à un titulaire qui tutoyait et qui embrassait sa clientèle, qu’il connaissait depuis vingt-cinq ans ! » Le nouveau titulaire travaille à ce qu’il appelle sa « rééducation ». Il veut combler son « manque d’humanité », par crainte de voir un jour ses objectifs freinés. « Si je ne suis pas au comptoir, je perds des clients. »
A RETENIR : BIO EXPRESS
1958 : naissance à Bordeaux, en juillet.
1982 : diplôme de pharmacie option industrie à Paris-V.
1983 : 3e cycle de marketing.
1984-1993 : immersion dans l’industrie.
1994-1997 : association dans une pharmacie.
1997-2000 : retour vers l’industrie.
2002 : installation à la Pharmacie du Progrès, le jour de la fête du Travail.
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