Petit mais costaud !
Si la tendance est à l’agrandissement des surfaces de vente pour devenir des carrefours de santé, au sens large, du Bobo à l’Onco, les petites pharmacies disposent aussi de leviers pour tirer leur épingle du jeu.
Ne dites pas à Yohan Desbordes que les petites officines n’ont aucune chance de s’en sortir. Agé de 31 ans, il s’est installé pour la première fois à la Pharmacie Gay Lussac à Limoges (87), en janvier 2017. Son C.A atteignait tout juste les 100 000 €. Fin 2019, il dépassera les 500 000 €. A l’époque, ce passionné de plantes découvre le réseau Anton & Willem et convainc la titulaire de la Pharmacie Gay Lussac de vendre son officine. Ainsi, Anton & Willem s’installe dans le centre de Limoges, non loin d’une pharmacie Lafayette. « Je n’avais pas beaucoup d’argent, donc peu de choix », poursuit le pharmacien satisfait aujourd’hui d’avoir pu s’offrir une croix verte « pas chère » et de transformer ses 60 m2 de surface de vente à son image. « Les petites officines qui réussissent sont celles qui ont une spécialité, un environnement favorable ou une organisation en réseau », constate Joël Lecœur, expertcomptable fondateur du cabinet LLA et président du groupement Conseil Gestion Pharmacie (CGP).
L’ATOUT de la proximité
Les structures de moins d’1 M d’ € de C.A, spécialisées ou généralistes, misent toutes sur leur capacité à rester proches des patients. Au début, moins de 10 personnes passaient chaque jour la porte de l’officine de Yohan Desbordes. Chaque passage était une occasion pour le titulaire de faire connaître ses compétences en phytothérapie, en aromathérapie… pendant 5 à 20 minutes avec chaque patient. Il faut de la patience, mais le bouche-à-oreille a fonctionné au bout de deux ans. Actuellement, les médicaments qui relèvent d’un taux de TVA à 2,1 % pèsent seulement 49 % du C.A. « Ce pourcentage pourrait encore baisser de 5-6 points », se réjouit le titulaire, car il estime que ce chiffre révèle un flux d’ordonnances des habitués. A la tête de la Pharmacie de Feneu (C.A de 880 000 € H.T), une commune de quelque 2 000 habitants en Maine-et-Loire, Véronique Béal met aussi le paquet sur la proximité. « Je considère que c’est un atout d’appeler les gens par leur prénom, leur demander des nouvelles de la famille, les reconnaître dans la rue… Cela crée du lien et permet aux patients de se sentir chez nous comme chez eux », explique-t-elle. Comme Yohan Desbordes, elle s’est spécialisée dans les médecines naturelles, d’abord par intérêt personnel, puis pour accompagner le marché.
Au fil du temps, elle a pris l’habitude d’organiser des ateliers sur les plantes, des sorties “champignons”… Des occasions toutes trouvées pour mieux connaître les gens, sans la barrière du comptoir !
UNE MARGE de progression
Après avoir été adjoint dans une grande pharmacie de la région parisienne, Jean-Luc Hitamina a pris le parti de s’installer dans une petite officine : la pharmacie de la Canche à Marconnelle, dans Le Pas-de-Calais, qui réalisait un C.A d’environ 480 000 €, lors du rachat en 2015. « Quand on reprend une petite structure, on connaît bien le stock, l’équipe (en l’occurrence une seule personne), on sait dans quoi on investit et on n’achète pas cher. Par ailleurs, on me proposait une pharmacie de 3 M d’€ avec 8 salariés, je n’en connaissais aucun et le stock était un peu biaisé… », se souvient-il. Joël Lecœur voit un autre avantage à ce type de TPE : « Elle répond aux attentes d’un titulaire peu enclin au management. […] On peut aussi mutualiser le personnel », estime l’expert-comptable. « Et, poursuit Jean-Luc Hitamina, dont l’officine devrait tutoyer les 800 000 € de C.A fin 2019, une fois installé, il n’y a plus que de la progression à réaliser ! Pour cela, il suffit d’être disponible au comptoir. Autre atout, il y a beaucoup de projets à mettre en place ! »
DES PARTENAIRES clés
De fait, ces acteurs de proximité, souvent situés dans des déserts médicaux, ont une opportunité à saisir. « Mais comment apporter du service avec de faibles capacités d’investissements ? Souvent ces structures sont perdues concernant l’organisation, notamment celle de la télémédecine. Or, il existe les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé), les groupements régionaux d’appui à la e-santé… », rappelle Hélène Decourteix, fondatrice de l’agence La Pharmacie Digitale, qui regrette notamment que les alternatives aux offres de téléconsultation privées soient méconnues (lire encadré). D’autres dispositifs existent pour soutenir les projets de petites structures et le maillage territorial. A la campagne, les titulaires installés dans les zones de revitalisation rurales (ZRR) bénéficient d’avantages fiscaux non négligeables. « C’est une exonération d’impôt sur les bénéfices les cinq premières années, puis un abattement de 75 %, 50 % et 25 % les trois années suivantes », détaille Joël Lecœur. « Et la ZRR », remarque Jean-Luc Hitimana, « peut être un argument pour son grossiste et son génériqueur avec qui on négocie sur la base des objectifs de progression ». Astucieux !
79 % c’est le pourcentage de Français qui ont confiance dans les petits commerçants.
Source Obsoco
L’ESSENTIEL
→ La petite officine a tout à gagner en instaurant une relation de proximité avec la patientèle.
→ Peu chère à l’achat, elle permet au titulaire de développer les spécialités de son choix, sans endettement lourd.
→ Le choix des partenaires (grossiste, génériqueur, groupement…) est décisif. Il peut être réalisé sur la base des objectifs plutôt que sur le C.A initial.
→ La télémédecine dans le cadre d’un projet territorial est sans doute une opportunité, bien que de nombreuses ressources demeurent méconnues des titulaires aux équipes restreintes.
OutilsLe numérique aussi
Encore méconnus, les groupements régionaux d’appui à la e-santé (Grades), aux côtés des agences régionales de santé (ARS), aident à moderniser le système avec des outils conçus pour leurs adhérents, soit potentiellement tous les professionnels de santé. En Normandie, par exemple, « une plateforme de télémédecine mutualisée, donc à moindre coût, est à disposition. Dans ce cadre, par exemple, un Ehpad s’équipe d’un outil de téléconsultation pour 125 €/mois, grâce à une contribution de 125 € de l’ARS », explique Karine Auchard, directrice adjointe du Grades Normand’e-santé, qui comptait deux officines postulantes à la veille de son assemblée générale de novembre.
Normand’e-santé propose quantité d’autres services, comme l’accompagnement technique pour un projet d’informatisation, ou la création d’un site web gratuit (compris dans l’adhésion de 100 €/an pour une officine). A bon entendeur.
– 6,97 %
C’est la baisse de l’excédent brut d’exploitation (EBE) dans les officines de moins de 1 M€ de C.A en 2018.
Source CGP
UN GROUPEMENT ?
Adhérer à un groupement peut sembler trop onéreux pour une petite officine. Toutefois, appartenir à un réseau permet, outre d’être moins isolé, d’étendre facilement son offre, de proposer des animations et de montrer un certain dynamisme sur les prix. Donc, d’améliorer sa marge.
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