NE PAS CÉDER LE SPA
Alors que le spa se développe fortement dans les centres de soins et de remise en forme, il n’en est pas de même en officine soumise à une législation restrictive. Pourtant, face à la croissance de la demande, certains pharmaciens sont tentés de se convertir en professionnels du bien-être.
Depuis son apparition en France il y a quinze ans, le spa, venu des pays scandinaves et anglo-saxons, s’est fortement déployé. Freiné par la législation, l’officinal ne peut s’investir dans cette spécialisation sans limitations (voir encadré). Pour autant, Stéphane Botz, responsable du pôle tourisme-hôtellerie-loisirs chez KPMG, y décèle « un positionnement possible pour le pharmacien par la reconnaissance de la clientèle locale et par les connotations de soins et de conseils qu’il détient »
Définir le statut de la structure
Pour se lancer dans cette activité, le pharmacien n’a le choix qu’entre deux statuts. Le premier consiste à investir, à titre personnel, dans une société mais à condition toutefois de ne pas la gérer lui-même. C’est ainsi que Luc Seigneur, cotitulaire de la pharmacie du 1er Mai à Troyes (Aube), a créé il y a quatre ans, en association avec d’autres actionnaires, le Central Spa sur un espace de 400 mètres carrés. Aux côtés d’une officine, il fait ainsi adresse commune dans le centre-ville de Troyes avec une parapharmacie et un magasin d’optique. En opposition à l’officine toute proche, Luc Seigneur définit le spa dans un concept de bien-être. « Il s’agit de deux mondes bien séparés. Ce ne sont pas les mêmes clients. »
La seconde option consiste pour le pharmacien à intégrer le spa à une parapharmacie, dans une démarche globale de santé et de soins de beauté. Il pourra y trouver un complément aux ventes en nutrition, en matériel médical et en soins naturels de sa parapharmacie. « Les deux activités sont indissociables », affirme Sophie Ménard-Taché. Cette pharmacienne a créé il y a deux ans l’institut de parapharmacie-spa SOphy à Cahors (Lot). Dotée d’un DU d’orthopédie, et en formation de luxopuncture (acupuncture sans aiguilles), elle considère le spa comme un complément indispensable de son offre de santé : « J’adapte le spa et les soins au profil de mes clients, comme le rhumatisme, la minceur… » L’institut Elixir, de 650 mètres carrés, concrétise également cette alliance de la pharmacie et du bien-être. Sa directrice, Virginie Lingenheld, après dix ans d’assistanat, l’a fait sortir de terre il y a trois ans au nord de Strasbourg. Alors qu’au rez-de-chaussée, la parapharmacie est classiquement orientée sur le matériel médical, les cosmétiques, les compléments alimentaires et la phytothérapie, le premier étage est occupé sur 250 mètres carrés par six cabines de spa, sauna, hammams et douches à infusion. Munie, comme sa consœur de Cahors d’un DU en orthopédie, Virginie Lingenheld estime mettre en valeur ses compétences de pharmacienne. Elle n’a pas hésité à investir 300 000 euros – matériel compris – pour ce spa conçu par un architecte autrichien spécialisé. Mais Virginie Lingenheld ne perd jamais de vue la santé. « Par exemple, je veille à ce que les produits à base d’algues ne soient pas utilisés sur des personnes ayant des problèmes de thyroïde. De même, aucune huile essentielle n’est employée pour les femmes enceintes », explique-t-elle.
Une synergie intéressante
Nul besoin cependant d’un investissement aussi lourd que Virginie Lingenheld pour entrer dans l’univers du spa. Les cabines de spa-jet – sortes de bulles qui permettent de recevoir des jets d’eau chaude sur tout le corps – coûtent 25 000 euros. « Elles permettent d’offrir une palette de soins suffisante », témoigne Sophie Ménard-Taché. Cette pharmacienne assure cette prestation pour ses patients qui se plaignent de diverses douleurs, mais aussi pour des clientes souhaitant un amincissement. « Il existe des solutions de leasing sur dix ans pour ces cabines de spa-jet », précise Sophie Ménard-Taché.
Car la question est bien évidemment de garantir le retour sur investissement d’une telle structure. D’une fréquentation moyenne de vingt personnes par jour, ces spas profitent de la tendance actuelle et répondent à une demande. Ils ne sont cependant pas à l’abri des effets de la récession économique, comme le reconnaît Virginie Lingenheld. Sa petite entreprise, lancée en 2009, a été touchée de plein fouet par la crise. Dans ces conditions, son chiffre d’affaires de 400 000 euros, en progression de 5 à 6 % chaque année est en deçà des objectifs attendus. « Le spa, comme les autres activités de soins, est inévitablement touché par la crise. Mais le pharmacien, s’il fait appel aux bonnes compétences et qu’il dispose d’un bassin de population suffisant, a toutes les chances de réussir », analyse Stéphane Botz.
Du reste, l’investissement dans le spa, venant en appui des ventes en parapharmacie, constitue une synergie intéressante pour les pharmaciens. « Ces deux activités sont soumises à de fortes fluctuations saisonnières très différenciées. Elles sont complémentaires et permettent d’équilibrer le chiffre d’affaires », note Virginie Lingenheld. Or, bien gérer le spa, qui peut dégager une marge de 40 à 45 %, peut être intéressant. La création d’un spa, en parallèle à une activité de pharmacie, peut même donner l’argument pour développer des services connexes, comme des soins, des modelages, mais aussi de la remise en forme… Ainsi, Sophie Ménard-Taché et Virginie Lingenheld hébergent déjà dans leurs locaux des coaches sportifs et des sophrologues qui proposent leurs services à leur clientèle. Et elles caressent le rêve de construire autour de leur parapharmacie – et institut de spa – une véritable maison ou un pôle de santé et de bien-être.
Ce que dit le Code de la santé publique
L’arrêté du 15 février 2002, modifié par les arrêtés du 30 avril 2002, 2 octobre 2006 et 22 novembre 2012, énumère les marchandises que le pharmacien est habilité à commercialiser. Dans cette liste sont notamment mentionnés les produits cosmétiques ainsi que les articles et appareils utilisés dans l’hygiène corporelle. S’il a déjà été jugé que le pharmacien peut proposer de tels produits en conseil et à la vente, il ne saurait en revanche créer une activité de soins esthétiques, qui relève nécessairement de l’exercice d’une autre profession n’entrant pas dans le champ d’activité du pharmacien.
En revanche, il n’est pas interdit au pharmacien, à titre personnel ou en constituant une société distincte de celle exploitant l’officine, d’investir dans des spas. Deux conditions tout de même :
• ne pas en accepter la gérance de droit ou de fait ainsi que la direction technique ou générale, dont l’activité est incompatible avec l’exercice personnel à l’officine ;
• ne pas faire de publicité pour le centre de spa au sein de l’officine ou inversement.
L’officine doit être juridiquement, physiquement et commercialement distincte et indépendante de tout autre entité commerciale.
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