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Marketing olfactif : une stratégie invisible mais redoutable
Déployé, à l’échelle européenne, dans les années 1990, le marketing olfactif est devenu une arme de vente redoutable. Relevant du marketing sensoriel, cette stratégie consiste à exploiter le pouvoir des parfums – ceux-ci ayant la capacité de modifier notre état émotionnel – pour influencer le comportement des consommateurs.
Des chiffres qui font tourner les têtes
Car l’équation à retenir est la suivante : « Quand un commerce est parfumé, les clients se montrent plus souriants, plus détendus et sont plus enclins à prendre leur temps, à flâner dans les rayons, à découvrir les produits. Ils sont aussi plus disposés à communiquer avec les vendeurs, à leur demander des informations », explique Stéphane Arfi, fondateur de la société Emosens. Autrement dit, l’objectif poursuivi n’est autre que d’« améliorer l’expérience client, susciter des émotions positives et, plus largement, inciter les consommateurs à rester plus longtemps dans le point de vente pour… consommer plus », résume Cyrille Gerhardt, directeur général de la société Smell Marketing. Si le marketing olfactif augmente le temps de présence en magasin et favorise l’achat d’impulsion, « il est cependant plus difficile de mesurer son impact réel sur le niveau des ventes », souligne Cyrille Gerhardt. La force de cette technique tient également à un autre facteur : l’activation de notre mémoire olfactive, soit cette mémoire liée à une odeur propre à faire resurgir un souvenir, mise en lumière par Marcel Proust et sa célèbre madeleine. Ainsi, « la diffusion d’un parfum dans l’enceinte d’un commerce favorise la mémorisation du lieu et fixe l’expérience d’achat », indique Yohann Lavialle, directeur de la société Natarom. Une expérience mémorable dans tous les sens du terme qui incite les clients à revenir. Pour ceux qui se montreraient dubitatifs, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 40 %, c’est le temps supplémentaire qu’un client passe en magasin quand celui-ci est parfumé (source : Emosens). Quant au pourcentage d’intention de retour des clients, il grimpe à 78 % (étude BVA pour Air Berger, 2009).
À la pharmacie aussi, on se sent bien
Starbucks, Sephora, Rituals, Nature & Découvertes ou encore King Jouet, un grand nombre d’enseignes ont adopté cette technique marketing délicieusement insidieuse. Elle est désormais appliquée à quasiment tous les secteurs d’activité : banques, hôtels, maisons de retraite, établissements de soins de santé, salles de sport, agences immobilières… jusqu’aux officines qui y ont de plus en plus recours. « Nombre de pharmacies souhaitent éliminer cette odeur caractéristique de médicament et renvoyer une autre image. L’émergence de nouveaux espaces de vente qui donnent une plus grande place à la parapharmacie et, plus spécifiquement, aux sphères de la beauté et du bien-être, a contribué à démocratiser le marketing olfactif », fait remarquer Stéphane Arfi. Le mouvement s’accélère depuis quatre ou cinq ans, estime Yohann Lavialle : « Les sociétés qui accompagnent les pharmacies dans leur développement commercial en mettant à leur disposition des outils spécifiques (supports de communication, signalétique, etc.) font de plus en plus appel à nous pour proposer ce service. » Car au-delà de l’expérience client, ce marketing sensoriel permet aussi de se différencier de la concurrence, en renforçant l’identité de marque.
À chacun sa signature olfactive
Concrètement, le travail des agences de marketing olfactif consiste à associer à un commerce une signature olfactive différenciatrice. « Chaque pharmacie est unique et le choix de l’ambiance parfumée procède d’un briefing créatif qui va tenir compte de plusieurs critères clés : son orientation, ses valeurs, ses caractéristiques physiques (aménagement de l’espace, type de déco, etc.) et le profil de sa clientèle (jeune, âgé) », indique Stéphane Arfi. Autant d’éléments qui viendront rappeler le positionnement de l’officine en quelques notes parfumées. Par exemple, « une officine affichant une forte identité visuelle via le choix de ses codes couleurs, de sa typographie ou encore de son logo, pourrait se voir conseiller une ambiance parfumée tout aussi marquante », explique Cyrille Gerhardt. La fragrance devra aussi entrer en résonance avec le mobilier : « Un décor très clair pourra inspirer quelque chose de très léger, de floral quand un mobilier plus foncé suggérera des notes plus ambrées », reprend notre interlocuteur. Oser une fragrance disruptive n’est pas exclu : « Elle marquera l’esprit des clients et sera encore mieux mémorisée », ajoute Yohann Lavialle.
Ambiance parfumée garantie pour 60 €
Conseillé par le fournisseur de solutions olfactives, le pharmacien a la possibilité de choisir parmi plusieurs parfums d’ambiance figurant dans un catalogue ou d’opter pour une création sur mesure. La première formule présente l’avantage d’être abordable financièrement, la prestation complète (location d’un diffuseur portable connecté livré avec des recharges de parfum) ne dépassant pas les 60 € par mois, en moyenne, quand une création peut avoisiner plusieurs milliers d’euros… Si la plupart des ambiances parfumées sont des solutions de synthèse, certains fabricants ont recours à des matières premières naturelles et bio, tels que l’agence Smell marketing, en vue de se démarquer de leurs concurrents désormais nombreux (Midiscom, Scentys, Emoi, etc.) et « répondre à la demande de clients engagés dans une démarche de développement durable ou dont l’activité est centrée sur le soin ou le bien-être : lieux médicaux, centres sportifs, etc. », détaille Cyrille Gerhardt. En définitive, le champ des possibles est large, pour ne pas dire infini. Contre toute attente, le pharmacien a également le loisir d’utiliser le parfum d’une marque vendue dans ses linéaires. « Diffuser l’odeur caractéristique d’un best-seller peut contribuer à renforcer son attrait et à stimuler les ventes en créant une expérience olfactive immersive pour les clients », indique Stéphane Arfi. Il peut également « changer d’ambiance en fonction des saisons (Noël, l’été…) », ajoute Yohann Lavialle. Ou encore apporter une fragrance qu’il affectionne pour la faire retravailler. Avis aux amateurs…
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