Officine Réservé aux abonnés

L’innovation comme moteur

Publié le 25 mars 2016
Par Favienne Colin
Mettre en favori

Ne vous fiez pas à la menue silhouette d’Annaïg Galivel. La titulaire bretonne de la pharmacie des Halles, à Dinard, a la carrure des entrepreneurs capables de bousculer les codes. Dernière nouveauté de taille, elle dispense depuis l’an dernier des entretiens en médecine douce facturés 23 € au patient. La première consultation dure au moins une heure, dans le bureau de la pharmacienne. Pendant l’échange, cette férue de phytothérapie questionne et prend des notes. Et c’est seulement deux ou trois jours plus tard qu’elle fait revenir son client. Elle délivre alors, après avoir analysé les mots du patient et mis au point une préparation maison de phytothérapie, un assortiment d’homéopathie et/ou d’aromathérapie. Soit un panier moyen de 45 € avec des pics pouvant atteindre 80 €

RENDEZ-VOUS organisés

L’idée des entretiens a germé depuis longtemps dans l’esprit de la titulaire d’un DU de phytothérapie depuis plus de trente ans. Elle mûrit en 2009, avec la loi HPST et ses missions d’accompagnement. Mais Annaïg Galivel hésite par crainte de sortir de la légalité. En 2014, elle sollicite Maud Mingeau, une consœur de son groupement Giphar, qui dispense des entretiens payants en nutrition. Ce sera le déclic. L’année suivante, le développement des entretiens d’accompagnement de santé (prioritairement pour les patients atteints de cancer traités en radiothérapie ou dans le cadre d’un accouchement) figure parmi les priorités de l’officine. Depuis, toute l’équipe en parle au comptoir, en précisant que c’est payant. « Personne n’a jamais discuté le prix. Beaucoup de patients nous voient comme leur dernier recours. Leur généraliste ou encore leur spécialiste ne sait plus quoi faire. Dans ce cas, établir une préconisation requiert beaucoup de temps », observe la titulaire. Et ça marche. Aujourd’hui, environ 50 personnes sont suivies. Certaines reviennent tous les mois.

Au fil du temps, l’officine a mis en place quelques outils pour faciliter cette nouvelle activité. Outre une carte de rendez-vous, la titulaire a conçu une fiche où elle rédige à la main le « résumé écrit des préconisations officinales ». Bientôt, ce document devrait être informatisé.

DÉCO unique

Annaïg Galivel ne se lasse jamais d’innover. Déjà en 1997, elle ose quitter l’hyper-centre de sa commune pour s’installer en lieu et place d’un magasin de chasse et pêche fermé depuis des années, près des Halles de Dinard, alors tout juste rénovées. Elle sent le potentiel de l’emplacement, et l’avenir lui donne rapidement raison. Au fil du temps, le quartier connaît une nouvelle dynamique. Du coup, en 2008, à 50 ans passés, la titulaire décide de s’agrandir et de tout réagencer… à sa manière. Exit l’alignement de comptoirs au fond, l’espace de vente de 120 m2 est organisé autour d’un pôle ovale de cinq caisses. « De ce fait, nous allons beaucoup plus au-devant des gens. » A l’entrée, flèches sur le sol et écriteaux invitent les clients à passer à droite devant les produits de soin et beauté, la salle d’orthopédie, pour se retrouver devant la caisse rapide « hors ordonnance ». Suit le rayon de libre-accès mêlé aux produits de conseil. La médecine douce s’étale, elle, sur tout le fond de la boutique. Cette offre phare est disposée sur un sol en parquet alors que le reste de la pharmacie est carrelé. Le parcours client se termine par des muraux aux descentes présentant les produits pour hommes, cheveux ou encore pour les bébés. Annaïg Galivel a également imaginé les comptoirs de sorte que l’équipe puisse se positionner à côté et non en face des clients. Leur décor original attire l’attention. Y sont dessinés un électrocardiogramme et des globules rouges pour symboliser le cœur de métier, ou encore des gélules stylisées orangées et marron. La caisse rapide est, elle, habillée d’un visage rose de femme à la Andy Warhol. Et le point d’encaissement proche de la médecine douce est paré de plantes imaginaires ! Autre particularité du lieu : son logo rose et vert aux allures d’un caducée et de plantes entrelacés. Il s’étend au plafond sur environ 10 m2, au-dessus de la file d’attente. Conçu par le neveu de la titulaire, alors aux Beaux-Arts, il symbolise ni plus ni moins le lien entre l’allopathie, le naturel et la beauté.

ÉCOUTE ciblée

Si l’agencement est unique, c’est sur sa capacité à prendre en charge les clients que l’officine a construit sa réputation. « Je viens là pour les conseils de Mademoiselle Galivel », explique une vieille dame cliente « chaque jour ». Une autre vient ce matin-là pour prendre soin de son… parapluie. Quant à cette quinqua dynamique, elle est ravie d’avoir été prise en charge par Sylvie, la conseillère en dermocosmétique. Entre-temps, la titulaire a reçu une femme sous radiothérapie, allergique à la crème prescrite par le médecin. La patiente repartira avec des produits de médecine douce.

L’été, c’est une tout autre clientèle qu’accueille la pharmacie Galivel. De nombreux touristes, notamment parisiens, y ont leurs habitudes. Surtout, ils y flânent et en font même une destination de shopping. Car l’officine s’est fait une renommée par ses rayons denses ponctués de produits de niche. Citons les masques unidoses Biocyte ou L’Action Paris, les assainissants Phytaromasol et AromaSpray, ou encore les kits de voyage Ebnat pour l’hygiène dentaire… D’autres référencements sont plus tactiques. Tel L’Occitane, dont la boutique la plus proche est de l’autre côté de la Rance à Saint-Malo (mais la route depuis Dinard est fortement embouteillée). Les mascaras Rougj ont été retenus pour leur tarif attractif (2,99 €) et la marque d’institut haut de gamme Darphin pour se différencier.

Publicité

PROJETS audacieux

A l’affût d’innovation pour le cœur de métier comme pour la para, Annaïg Galivel a toujours des projets en tête. Elle espère par exemple ouvrir un bar à tests. Elle imagine aussi reconvertir la petite pièce masquée derrière son rayon « Médecine douce » en… salon de thé. L’audace paie. En 2015, la pharmacie des Halles voit son chiffre d’affaires progresser de près de 5 % et tutoie les 2 M€, dont 60 % seulement de médicaments remboursés. Dès leur première année, les entretiens rémunérés et les ventes qu’ils ont générées ont contribué pour 10 000 € de CA supplémentaire. Quant à la part de l’homéopathie, elle a grimpé d’un point, soit un nombre considérable de tubes écoulés.

→ Equipe

Une titulaire, un pharmacien adjoint, deux préparatrices, une aide-préparatrice, une rayonniste, une conseillère en dermocosmétique et une femme de ménage.

→ CA 2015 TTC

1,94 M€ (+ 4,8 %)

→ Taux de marge 2015

33,60 % (+ 0,11 point)

→ Surface totale 263 m2

→ Surface de vente 122 m2

→ Fréquentation moyenne 240 clients/jour

→ Panier moyen

• 40,48 € en tiers-payant

• 21,55 € avec ordonnances

• 16,28 € hors ordonnances

→ Répartition du CA actuel selon le taux de TVA

• 60,60 % en médicaments remboursables

• 21,40 % en parapharmacie

• 18 % en conseil

→ Site Web non

→ Groupement Giphar

Situation

La Pharmacie des Halles est située à Dinard, ville balnéaire de la côte bretonne réputée pour ses maisons cossues. On y compte six officines pour une population de 11 000 habitants, multipliée par cinq l’été. L’officine se trouve à proximité d’un cabinet médical, où le parking est gratuit sur une courte durée, et face au marché, ouvert le matin.

Améliorer la communication

Le constat. 35 % des répondants au sondage Pocket Result souhaitent recevoir des informations en majorité sur les nouveautés (21,6 %) et des invitations sur des journées de conseil (10,8 %), 31,5 % via un prospectus en magasin, 24,6 % par e-mail et 18,5 % via le site Internet de la pharmacie.

Les recos

Lancer un site Web. Dans un premier temps, y communiquer sur les nouveautés et y proposer des prises de rendez-vous par e-mail pour les accompagnements en phytothérapie et homéopathie.

Exploiter le logo. Le logo maison présent au plafond doit véhiculer les valeurs de l’officine sur tous les supports (site, dépliant, cartes de visite…). Développer par ailleurs un dépliant spécifique sur les services de la pharmacie.

Désencombrer l’entrée

Le constat. Depuis l’entrée, on ne voit ni les caisses ni les pôles conseil, à cause des linéaires ou des PLV. Tout comme le rayon « Nature », fondamental ici, se retrouve caché.

Les recos

Alléger les PLV. Remplacer les meubles qui obstruent la vue par deux tables gigognes étroites dotées de produits « nature » et d’un dépliant « services » pour faire écho à l’espace « Médecine douce » situé au fond de la pharmacie.

Créer une caisse d’accueil. utiliser le comptoir près de l’entrée pour orienter les clients avec une personne présente en permanence. Cette caisse servira aussi au retrait de commande et à la vente hors ordonnance

Audit marketing EN PARTENARIAT AVEC POCKET RESULT

L’EXPERT Fabienne Prigent DIRECTRICE MARKETING DE POCKET RESULT

→ Bravo, la pharmacie des Halles de Dinard semble bénéficier d’une excellente réputation. L’équipe est à l’écoute de ses clients et personnalise ses conseils.

→ Les points forts. une équipe avec des compétences complémentaires qui est reconnue pour la qualité de son accueil et de ses conseils. Une très bonne tenue des linéaires avec la mise en avant des testeurs dans des boîtes métalliques.

→ A améliorer. Malgré son organisation circulaire avec des caisses/pôles conseil en îlots, cette pharmacie est trop encombrée.

Les clients ont du mal à s’orienter parmi des linéaires qui manquent de balisage catégoriel.

Par ailleurs, la pharmacie a intérêt à mettre en valeur son positionnement conseil et accompagnement en médecine douce.

BAROMÈTRE

Méthodologie

Un sondage a été mené dans la pharmacie du 1er au 16 février. 160 personnes ont été interviewées avec un questionnaire digital sur tablette.

RÉSULTATS

93 % Taux de recommandation

C’est vraiment très bien.

La pharmacie n’a aucun détracteur.

98 % Taux d’intention de retour

C’est excellent.

92 % Taux de fidélisation

C’est très bien, la pharmacie a su fidéliser sa clientèle, notamment les seniors.