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Les pharmacies ne se cachent plus

Publié le 22 février 2017
Par Pascale Caussat et Myriam Loriol
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SI LA PUBLICITÉ DES OFFICINES AUPRÈS DES CONSOMMATEURS RÉPOND À DES PRINCIPES STRICTS, LA MARGE DE MANŒUVRE EST PLUS LARGE QUE L’ON CROIT. POUR L’HEURE, LA GRANDE PHARMACIE BAILLY À PARIS INVESTIT DANS LES RELATIONS PRESSE ET LES RÉSEAUX SOCIAUX ÉLARGISSENT LE CHAMP DE LA COMMUNICATION OFFICINALE.

C’est du jamais vu dans le paysage de la pharmacie française. Depuis septembre dernier, une officine parisienne, la Grande Pharmacie Bailly, s’est offert les services d’une agence de relations presse. Objectif : informer les journalistes sur les spécificités de la pharmacie afin qu’on parle d’elle dans les médias grand public. C’est l’agence Magna Presse qui a été choisie, alors qu’elle est spécialisée dans le luxe et l’art de vivre : elle travaille par exemple pour les montres Tag Heuer ou la vodka Mamont. Mais le rapprochement ne s’est pas fait par hasard. La soeur de la titulaire Mathilde Clément, n’est autre que Constance Rebholz, directrice artistique du créateur de mode Rabih Kayrouz, autre client de Magna Presse. Mathilde Clément (qui n’était pas disponible pour répondre aux questions de Pharmacien Manager) a repris la Grande Pharmacie Bailly à côté de la gare Saint-Lazare en 2010 avec la volonté de dépoussiérer l’image de la croix verte. Elle a lancé un site Internet, pharmaciebailly.com, qui livre en une heure à vélo ou trois heures en camionnette, à Paris. Elle propose une sélection pointue parfois bien éloignée du paramédical, comme les sauces italiennes Al Dente La Salsa ou les produits ménagers Fer à Cheval. La direction artistique concernant la vitrine mais aussi les blouses des 55 salariés est soignée et a été confiée… à Constance Rebholz. Bref, la Grande Pharmacie Bailly gère son image. Elle est en passe de devenir un concept store dédié à la beauté et au bien-être, qui délivre aussi des médicaments. Un exemple à suivre ?

BESOIN d’évoluer

Cette expérience repose en tout cas la question de la marge de manoeuvre des officines en matière de communication. Une marge que tout le monde sait limitée, basée sur le principe de la non sollicitation de clientèle et sur l’article R4235-30 du Code de la santé publique. Ce dernier stipulant que « toute information ou publicité, lorsqu’elle est autorisée, doit être véridique, loyale et formulée avec tact et mesure ». Alors, les initiatives de la Pharmacie Bailly sont-elles « dans les clous » ? Le Conseil de l’Ordre n’a pas souhaité nous apporter de réponse…

Rappelons que l’instance a remis au ministère de la Santé, en septembre dernier, des propositions de modification relatives à la publicité des officines. Il s’agit, entre autres, d’encadrer les initiatives de la profession sur le Net. « Nous souhaitons pouvoir permettre à nos confrères de communiquer sur le hors monopole à l’heure où d’autres secteurs le font sans entrave. On ne peut pas rester statique. Il faut évoluer dans un monde qui bouge », affirmait Alain Delgutte, président de la section A de l’Ordre, au cours d’une table ronde organisée par le groupement Pharmactiv lors de son congrès, en octobre dernier. Depuis, les propositions de l’Ordre attendent sagement que le (prochain ?) gouvernement s’y intéresse. Reste que la communication du pharmacien sur Facebook et autres réseaux sociaux n’est pas interdite, mais relève des mêmes exigences que celles appliquées à la pharmacie physique : pas de promotion pour le médicament, pas de publicité en dehors de l’officine, respect de la dignité de la profession…

VALORISER l’expertise

Être présent sur le Web en toute légalité. Laurence Pitet, titulaire de la Pharmacie Centrale à Castelsarrasin dans le Tarn-et-Garonne (voir notre reportage dans le numéro de novembre 2016), ne se pose plus la question. En plus de son site e-commerce, elle a créé un service de coaching en ligne sur la nutrition et la diététique, qu’elle rentabilise par la vente de compléments alimentaires. Elle rédige également trois blogs (sur la nutrition, la nutrition sportive et les animaux) relayés sur Facebook et Pinterest, qui lui apportent de la visibilité. Le but étant d’augmenter son référencement naturel pour attirer du trafic sur son site, le référencement payant du type achat de mots-clés sur Google étant théoriquement interdit. Une stratégie qui suppose un important investissement personnel, pour cette pharmacienne passée par une école de commerce : « Je travaille beaucoup la nuit et les vacances ! Chaque article me demande une heure de rédaction. J’anticipe la programmation des blogs chaque trimestre et avec le logiciel Hootsuite, je prévois la date et l’heure de la publication. Il faut que le contenu reste scientifique. Je tiens à me différencier par le conseil. Faire de la promotion sur le prix ne m’intéresse pas. » Laurence Pitet donne parfois un coup de pouce à sa notoriété avec des campagnes ciblées : « Avec un logiciel qui coûte 15 euros par mois, je mène de petites campagnes d’emailing, par exemple pour des anti-graisse avant les fêtes. J’y suis autorisée puisque les gens se sont inscrits librement sur mon site, je ne sollicite personne. J’ai tout de même 18 000 contacts dans mon fichier, ce serait dommage de ne pas en profiter pour communiquer. » N’est-ce pas ?

État des lieux

Des limites difficiles à poser

Lorsque l’on s’inscrit à la newsletter de la Grande Pharmacie Bailly, on reçoit un bon de réduction de 5 euros utilisable sur le site Internet. On est dans les limites de la règlementation, même si le coupon ne peut s’appliquer que sur le rayon parapharmacie, et si la démarche a lieu dans le cadre de l’officine. Plus “surprenant”, le co-branding Bailly avec la boutique Colette sous forme d’une valisette de produits de beauté vendue exclusivement dans le concept-store parisien au prix de 70 €. Sollicitation de clientèle ? Rappelons que les enseignes de parapharmacie ou de la grande distribution n’ont, elles, pas de contraintes pour communiquer dans l’espace public.

L’ESSENTIEL

→ Ne pouvant pas s’adresser directement à tout consommateur, la Grande Pharmacie Bailly à Paris passe par une agence de relations presse qui communique auprès des journalistes. Ce sont eux qui peuvent être amenés à recommander l’officine dans les médias.

→ Une pharmacie a le droit de communiquer « avec tact et mesure » dans ses murs. Donc sur son site et sur ses comptes Facebook, Instagram ou Pinterest, qui sont considérés comme un prolongement de l’officine physique.

→ Les règles de communication sur Internet répondent aux mêmes exigences que celles appliquées à la pharmacie physique.

Publicité

SOUS-TRAITANCE

Certains groupements (Giropharm, Nepenthes…) proposent à leurs adhérents des kits tout prêts de communication sur Facebook. Il existe aussi des prestataires qui gèrent la présence des officines sur les réseaux sociaux. Comment ? En postant pour sa quinzaine de clients des messages de santé publique, des jeux, des traits d’humour, des promotions sur les cosmétiques…

69 €

C’EST LE COÛT MENSUELpour soustraiter la gestion d’une page Facebook.

FAUSSE BONNE IDÉE

créer une page twitter de la pharmacie. Ce réseau est réservé aux leaders d’opinion, aux journalistes… Vos clients n’y recherchent pas l’actualité de leur pharmacie.

200 À 300

C’EST, SELON L’AGENCE pharmidable de « community management » pour les officines, le nombre de pharmacies actives sur Facebook en France, avec au moins un message par semaine.