Elle danse avec la vie
En poussant la porte de la pharmacie de Bienvillers-au-Bois (Pas-de-Calais), chaque client voit « sa » Noémie dans la blouse blanche. Enfant du pays, l’apprentie préparatrice est connue des petites danseuses qu’elle a formées et appréciée des anciens, respectueux et bienveillants.
Les sucettes au comptoir, l’odeur caractéristique de l’officine… Noémie Nelva se souvient du plaisir qu’elle avait à accompagner sa mère à la pharmacie du village. Elle se revoit, de retour à la maison, jouant avec les emballages vides : « Je griffonnais sur les boîtes, cherchant à reproduire le bruit du stylo rapide et assuré de la pharmacienne notant les prescriptions. » La petite fille s’inventait alors des scénarios de marchande et de clients. « La pharmacie est restée pour moi associée à un univers apaisant, d’une certaine douceur même. »
Un ancrage dans la terre natale. Son année de terminale ne s’est pas écoulée comme un long fleuve tranquille. Noémie obtient le bac à l’oral de rattrapage et en garde un manque de confiance en elle. « Ajoutée à la crainte de quitter ma famille, la peur de la pression à l’université m’a fait renoncer à une inscription en pharmacie à Amiens. » La journée portes ouvertes du CFA de Douai emporte son adhésion. Son apprentissage se fait dans l’officine de sa commune de Bienvillers-au-Bois, celle-là même qui la faisait rêver enfant et où elle avait naturellement effectué son stage en entreprise en classe de troisième. Voilà pour les motivations premières. D’autres plus profondes remontent à son enfance et sont liées à la grand-mère qui les a élevés, elle et son frère d’un an son aîné. « Les horaires de ma mère à l’usine ne lui permettaient pas d’être toujours là pour deux bouts de chou », se souvient-elle. Un AVC et la vie prend un autre tour. Jusqu’au décès de son aïeule devenue hémiplégique, l’adolescente est quotidiennement à ses côtés. De cette expérience douloureuse, Noémie a acquis la certitude que sa voie était celle de l’écoute, de l’empathie avec les personnes âgées. Écouter, comprendre, rassurer, aider… des actions aussi indispensables en officine que l’explication d’une ordonnance. « On est au courant de la vie des gens, on aura une attention particulière vis-à-vis d’une personne récemment endeuillée, par exemple. » Noémie est comme un poisson dans l’eau à la pharmacie de son village. « Deux de mes collègues m’ont connue enfant », c’est le cas de nombreux clients pour qui « la pharmacie est presque un lieu de vie ».
La danse comme deuxième famille. « Toute petite, j’étais aimantée par la musique et la danse dans les fêtes et mariages », raconte la jeune fille. Quand l’association sportive municipale ouvre une section danse, il y a tout juste dix ans, Noémie figure parmi les quatre premières à s’inscrire. L’orientation des cours est résolument moderne, avec pour principe de mettre à l’aise les élèves quels que soient leurs aptitudes et leur niveau. Chaque année, l’objectif est celui du plaisir d’offrir le meilleur spectacle aux parents et amis en fin de cours. « Ma première danse était sur le titre Paris Latino, qui passait alors à la Star Academy. » Elle a grandi avec le club et réciproquement. Après quatre années comme danseuse, sa professeure lui propose de la seconder pour le cours des petites, les 8-9 ans. À partir de là, Noémie porte les casquettes d’élève et de prof avec un égal bonheur. « L’an passé, nous totalisions 120 membres », précise-t-elle. De quoi être fière quand on sait que la commune regroupe un peu plus de 600 habitants ! « La pratique de la danse m’a rendue plus confiante, plus sûre de moi », constate la jeune femme. Au point qu’on lui a proposé de prendre les rênes du club à l’automne dernier, au moment où, Émilie, la fondatrice de la section, partait en congé maternité. L’envie de continuer l’aventure du club est contrebalancée par le réalisme d’un emploi du temps chargé. C’est la raison qui l’emporte. « Les journées à l’officine, les cours à Douai et les examens de fin d’études… cela aurait été trop lourd d’assumer en plus les entraînements de danse et la préparation du spectacle », analyse la danseuse. Cela n’a pas été sans un coup de blues, un sentiment de manque après dix ans – la moitié de son existence – passés au sein du cocon chaleureux du club. « Quand je vois les petites danseuses qui me réclament de recommencer, j’ai un pincement au cœur », regrette Noémie. Elle a bien essayé de s’inscrire dans un club sur Arras, mais elle n’a pas retrouvé l’ambiance qui lui est chère. Aujourd’hui, elle trouve dans la course à pied un exutoire à son besoin d’activité physique, convaincue que cette mise entre parenthèses de la danse n’est que provisoire. Elle a d’ailleurs déjà lorgné sur la zumba, où se mêlent fitness et chorégraphies inspirées des danses latino-américaines.
Sur quel pied danser ? À l’heure des examens et des projets d’avenir, Noémie fait le tour des envies et des possibles. La modification de l’offre médicale sur sa commune fait peser des nuages sur l’avenir de l’officine où elle termine son apprentissage. Peu de certitude de ce côté donc. Une année supplémentaire pour la formation de conseillère en dermo-cosmétique Botticelli est une option sérieuse. Elle sait aussi qu’elle pourra enrichir son expérience de la vente en parapharmacie par le passage dans une officine de ville plus grande. Avec toujours en ligne de mire, le retour à un environnement connu, où la proximité avec les clients n’est pas un vain mot. Comme un hommage à cette grand-mère qui lui a appris les premiers pas de danse sur le chemin de la vie.
Noémie Nelva
Âge : 20 ans
Formation : 2e annéede BP au CFA de Douai.
Lieu d’exercice : Bienvillers-au-Bois (Pas-de-Calais).
Ce qui la motive : rendre ses proches fiers d’elle.
portrait chinois
Si vous étiez un végétal ?
Un cactus qui fleurirait. J’aime la chaleur et je peux être piquante gentiment, j’aime taquiner. Je suis une pipelette, mais je suis réservée ou sur la défensive quand je ne connais pas les gens
Une forme galénique ?
PublicitéUn comprimé effervescent qui réagit vite au contact de l’eau. Même si les choses prennent du temps, je les fais activement. Je bouillonne quand quelqu’un est lent.
Un médicament ?
Un placebo. Je prends rarement des médicaments. Et puis, c’est toujours le cordonnier le plusmal chaussé !
Un dispositif médical ?
Un nécessairepour transfuser. La transfusion, c’est la vie, l’humanité. Les décèsà la pharmacie me touchent. J’aime créerle dialogue, les échanges, d’où mon activité de prof de danse. J’aime autant apprendre qu’enseigner.
Un vaccin ? Contre le cancer, maladie qui fait peur avec cette perte fréquente de capacités.Je redoute la dégradation physique et la souffrance ; je supporte mal de ne pas être en forme.
Une partie du corps ?
Les yeux car perdre la vue serait comme un enfermement dans le corps, une perte de liberté et de l’équilibre.
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