
© Getty Images
Cosmétiques upcyclés : l’avenir du soin naturel et anti-gaspillage
Si l’upcycling, ou le « surcyclage » en français, est prisé dans l’univers de la mode (ce secteur réutilise des chutes de tissu ou des vieux vêtements), il s’impose désormais à la cosmétique. Cette démarche antigaspillage consiste ici à donner une seconde vie à des déchets issus de l’industrie alimentaire (marc de raisin, mélasse de l’industrie sucrière, etc.) ou de productions agricoles (fruits et légumes moches), impropres à la consommation ou considérés comme tel, pour les transformer en ingrédients de qualité.
Droit au rebut
Encore timide dans l’univers de la beauté, cette pratique est cependant vouée à gagner en importance. La seule ombre au tableau tient, semble-t-il, aux éventuels « a priori sur le réemploi de déchets qui pourraient appauvrir les formulations, sans compter la connotation négative associée aux rebuts. Les marques vont devoir mener tout un travail d’éducation pour asseoir leur discours et rassurer le grand public », estime Vincent Grégoire, directeur Consumer trends & Insights chez NellyRodi. « L’upcycling a longtemps été ignoré mais de plus en plus d’acteurs s’y mettent et les consommateurs commencent à y être sensibles et à en comprendre le mécanisme. Comme le made in France, il est aujourd’hui perçu comme un bonus », observe Laure-Anne de Tastes, fondatrice de la marque bio Cultiv dont les formules intègrent des actifs issus de cultures agricoles (bétaïne de betteraves et céramides de blé pour les soins anti-âge, polyphénols de cassis aux vertus purifiantes pour les peaux à imperfections, etc.).
Ingrédients « too good to go »
Des marques cosmétiques ont pris les devants et ont fait de l’upcycling leur cheval de bataille telles Mustela (Expanscience), fortement positionnée sur la naturalité. Elle intègre dans certaines de ses formules (dont celle du Baume universel) des ingrédients issus, par exemple, d’avocats rejetés par l’industrie alimentaire : huile d’avocat, à la propriété nourrissante, obtenue par pression à froid du fruit préalablement déshydraté, et sucres rares provenant du tourteau (soit le résidu sec), protecteurs de l’épiderme du bébé. Actuellement, 40 % des ingrédients cosmétiques des laboratoires Expanscience sont issus de l’upcycling. Jusqu’au-boutiste, cette valorisation des déchets s’accompagne d’une maîtrise de la filière d’approvisionnement alors qu’une seconde usine de transformation des matières végétales a été inaugurée en 2024, au Pérou.
Faire du beau avec du moche
Autre illustration de démarche pionnière : celle de Julie Ducret, fondatrice de la marque marseillaise bio Pulpe de vie, lancée il y a une quinzaine d’années, qui surfe sur une croissance exponentielle. Ses soins visage sont disponibles en pharmacie. « Nos produits sont fabriqués à partir de fruits et légumes déclassés (déformés, tachés, non calibrés) qui ne correspondant pas aux canons de l’industrie alimentaire. Nous les rachetons, en direct, à des petits producteurs et agriculteurs des Alpes-de-Haute-Provence et les transformons en ingrédients cosmétiques sous la forme d’hydrolats, de macérats huileux ou d’extraits glycérinés ; cela leur permet de combler jusqu’à 20 % de leurs revenus », explique la fondatrice. Spécialisée dans l’upcycling des bananes de Martinique et de Guadeloupe (troncs, fleurs, feuilles et fruits non commercialisés), la marque de cosmétiques bio Kadalys, créée en 2012, associe, elle aussi, les agriculteurs à sa démarche : « Ils sont tous actionnaires de notre entreprise », précise Shirley Billot, créatrice de la marque.
Cinq fruits et légumes par jour
Le mouvement est lancé. Pour l’heure, on trouve plus volontiers, sur ce marché de niche tourné vers la préservation de la planète, des petites marques (Coslys, Kadalys, Cultiv, etc.) dont certaines sont référencées en pharmacie. D’autres lancements, plus récents, sont symptomatiques du virage actuel pris par le secteur sur le terrain de l’upcycling. Ainsi, le groupe Beiersdorf a lancé, sous sa marque Nivea, un soin du jour à l’huile de café recyclé (à partir de marc de café issu de la consommation). Autre exemple, l’ancienne fondatrice des produits solides Lamazuna (cédée à Cosm’etika), success story en son temps, vient de lancer sa nouvelle marque de cosmétiques circulaire bio baptisée Andromée. Elle inclut des huiles pour le visage, extraites de déchets de l’industrie alimentaire : pépins, graines, akènes ou encore amandons. La cosmétique solide s’est, elle aussi, positionnée sur ce marché, à l’image d’Ensème et ses shampooings solides bio fabriqués à partir de noyaux de fruits (mangue, abricot, prune), de pépins de raisin et de pomme ou encore de feuilles d’olivier. De toute évidence, il va falloir compter avec cette nouvelle offre, promise à un fort développement.
Le passé, c’est l’avenir
L’upcycling n’en est qu’à ses débuts. Si quelques acteurs engagés en ont fait leur marque de fabrique, cette démarche est vouée à se généraliser. En cause, l’impulsion donnée par la loi Agec, la loi antigaspillage pour une économie circulaire, votée en 2020. « C’est le sens de l’histoire, on ne peut pas continuer à épuiser nos ressources naturelles. À un moment donné, l’upcycling ne sera même plus une pratique différenciante pour les marques ; tout le monde va en passer par là. À l’avenir, tout sera transformé, nous allons renouer avec les usages de nos grands-mères, pionnières de l’antigaspillage, qui ne jetaient rien », assure Pascale Brousse, fondatrice de Trend Sourcing. Une forte croissance est annoncée : selon le cabinet Future Market Insights, le marché mondial des produits issus de l’upcycling pourrait dépasser les 83 milliards d’euros d’ici à 2032.
- L’IA au service des pharmaciens : un levier contre la fraude aux ordonnances ?
- « Non, monsieur Leclerc, les pharmaciens ne sont pas des nuls ! »
- [VIDÉO] Le service de livraison en ligne : « Ma pharmacie en France » disponible dès juin
- Sante.fr : l’outil de référence pour faire connaître ses services aux patients
- Campagnes publicitaires de médicaments OTC et des produits de parapharmacie
- Les salaires et les loyers absorbent la marge des officines
- Interactions avec les produits à base de CBD : quels médicaments ?
- Vente en ligne de médicaments : quelles sont les règles ?
- Ordonnances numériques : vous pouvez certainement les traiter mais ne le savez pas
- 84 % des femmes placent la santé de leurs proches avant la leur


