Lorsque l’on se penche sur la problématique des files d’attente, la première piste de réflexion à activer concerne la segmentation des flux. « En installant, avec une signalétique claire, un comptoir d’encaissement rapide pour la parapharmacie à l’entrée de l’officine, ou au cœur de l’espace para, à bonne distance des comptoirs ordonnance, on instaure un premier niveau de segmentation qui va permettre de diminuer la traditionnelle file devant les comptoirs, souligne Alain Couillault, responsable du pôle Pharmacie d’Essor 3, une société de conseil en agencement. Ce comptoir peut aussi avoir d’autres fonctions. Il peut par exemple servir de point de retrait pour les promis ou pour les produits commandés sur Internet en click & collect. Mais attention! Pour que ce comptoir fonctionne, il faut qu’il y ait quelqu’un en permanence derrière, sinon il ne servira à rien. »
ACCUEIL ou tapis ?
Toujours dans l’optique de segmenter les flux, Alain Couillault suggère d’instaurer un accueil personnalisé. « La personne placée à ce comptoir à l’entrée de l’officine peut accueillir les clients en leur demandant les raisons de leur visite et en les orientant. Ce faisant, on diminue là encore la file d’attente au comptoir, et on renforce la satisfaction des clients qui auront l’impression d’être considérés personnellement. »
Autre solution à explorer : l’installation de caisses avec tapis roulant, comme dans les supermarchés. « Nous en avons mis en place dans quelques officines afin de diminuer le temps d’attente aux comptoirs ordonnance, précise Sandrine Berréhouc-Micheau, chef des ventes pharmacies/parapharmacies chez HMY, société fabriquant des équipements pour les commerces. Deux modes de fonctionnement sont possibles : affecter ces caisses d’encaissement rapide uniquement à la parapharmacie, ou imposer le passage par ces caisses à la sortie de l’officine à tous les clients, avec ou sans ordonnance, le conseil et la délivrance se déroulant toujours aux comptoirs. »
Pour Alain Couillault, les caisses avec tapis roulant peuvent constituer une alternative intéressante, mais uniquement pour les grandes pharmacies, afin de générer du débit.
FILE unique ou tickets ?
Après avoir travaillé sur la segmentation des flux, il faut ensuite s’attaquer à la file d’attente en elle-même. Dans ce domaine, une solution semble avoir le vent en poupe : la file unique. Matérialisé par des guide-files en L ou en S (comme sans les musées) devant les comptoirs, ce dispositif a pour principal avantage d’éviter les tensions entre les clients puisque c’est celui qui est en tête qui est invité à rejoindre le premier comptoir qui se libère. Une invitation qui peut être relayée par un affichage sur un écran ou une annonce sonore. « La file unique, c’est un passage en caisse 50 % plus rapide, assure Laurent Ventura, directeur marketing d’ESII, société spécialisée dans la gestion d’accueil. Elle permet de diminuer l’attente perçue et d’éviter le syndrome de la caisse plus rapide à côté. » Pour Sandrine Berréhouc-Micheau, la file unique constitue la meilleure des solutions: « Elle équilibre la prise en charge de chaque comptoir et génère de l’achat d’impulsion en plaçant des produits en promotion ou de saison dans des bacs installés le long des guide-files. Le seul problème, c’est qu’elle est souvent difficile à mettre en application faute de place. »
Autre solution : le distributeur de tickets. Sur ce marché, ESII propose une borne multifonction interactive sur laquelle le client choisit le motif de sa visite: ordonnance, parapharmacie ou manquant. Il reçoit ensuite un ticket papier ou SMS avec un numéro qui sera affiché sur écran. « Là encore, vous évitez les conflits d’ordre de passage et vous encouragez les ventes additionnelles puisque d’après nos statistiques, 66 % des patients circulent dans le point de vente après avoir pris leur ticket », souligne Laurent Ventura.
Un argument qui laisse un peu sceptique Alain Couillault : « Dans la réalité, les choses ne se passent pas tout à fait comme cela. Les clients restent en général prostrés devant l’écran pour ne pas laisser passer leur tour. Ils sont donc moins disponibles pour déambuler dans la pharmacie. »
Un écueil facilement évitable pour Laurent Ventura : « Il suffit de placer plusieurs écrans à différents endroits du point de vente, ou de relayer l’appel client par synthèse vocale. »
LE CAS DU MOIS
Tous les jours c’est la même rengaine. Aux heures d’affluence, il se forme une queue au cœur de votre pharmacie. Résultat : la circulation sur le point de vente devient compliquée. Plus grave, ce goulot d’étranglement devant les comptoirs génère des tensions chez les clients à chaque fois que quelqu’un leur passe devant. La situation devient aussi intenable pour l’équipe qui a tendance à se presser pour servir, parfois au détriment de la qualité.
A ce stade, il devient urgent de réfléchir à des solutions qui vont vous permettre d’améliorer la gestion des files d’attente.
LES EXPERTS
Laurent Ventura
directeur marketing d’ESII
Alain Couillault
responsable du pôle Pharmacie d’Essor 3
Sandrine Berréhouc-Micheau
chef des ventes Pharmacies/Parapharmacies chez HMY
AH ! OUI !
Séparer autant que possible les flux, en opérant au minumum une distinction entre les clients avec et sans ordonnance
OH ! NON !
Installer devant la porte d’entrée un « couloir » qui conduit directement aux comptoirs et dans lequel les clients vont se retrouver en file indienne en attendant d’être servis (et sans flâner dans l’officine).
EXPÉRIENCELa pharmacie Bruelle a adopté les tickets
Avec ses trois entrées, ses 600 m2 de surface de vente et ses 17 comptoirs, Jean-François Bruelle, titulaire à Saint-Dié-des-Vosges, a longtemps été confronté à un casse-tête insoluble: « Lorsqu’ils arrivaient à la pharmacie, les clients se regroupaient devant les comptoirs en attendant qu’on les appelle. Or, avec les trois entrées, il était impossible de savoir qui était arrivé avant l’autre. Ce qui générait beaucoup de tensions. » Pour changer la donne, Jean-François Bruelle décide d’installer une borne aux trois entrées de la pharmacie avec un système d’affichage des numéros de ticket sur quatre écrans. Deux sont positionnés au-dessus des comptoirs, les deux autres à gauche et à droite du point de vente. « Grâce à ce dispositif, nous n’avons plus de problèmes liés à l’ordre d’arrivée des clients, les conflits liés à l’incivilité ont disparu et les clients se promènent volontiers sur le point de vente en attendant leur tour », se félicite le titulaire qui recommande d’opter pour une solution simple: « Au départ, nous proposions deux choix sur les bornes, avec ordonnance et sans ordonnance. Au bout de quelques temps, nous avons renoncé car les patients étaient perdus. Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul bouton et cela fonctionne très bien. »
EXPÉRIENCELa Pharmacie de Palente a adopté la file unique
Titulaire de la pharmacie de Palente à Besançon, Benjamin Jacob a profité de travaux dans son officine de 1 300 m2 pour régler un problème récurrent : « Avant, nous avions sept doubles comptoirs en L devant lesquels les clients s’agglutinaient, sans aucune priorité pour passer en caisse. Ils étaient donc obligés de se surveiller et cela créait une atmosphère pesante. » Après avoir étudié toutes les solutions possibles, Benjamin Jacob opte pour une file d’attente unique matérialisée par des guide-files positionnés en parallèle aux douze comptoirs désormais consacrés à l’ordonnance. Pour segmenter les flux, il a également installé deux doubles comptoirs à proximité du libre accès et des promotions. « Nous avons aussi déployé dans les allées des vasques basses et transparentes qui n’obstruent pas le champ visuel. » Lorsqu’on l’interroge sur l’efficacité de la nouvelle organisation, Benjamin Jacob avoue qu’il ne reviendrait plus en arrière. « La file unique a permis de diminuer le temps d’attente et il n’y a désormais plus de tension devant les comptoirs. Cette zone est également devenue un point chaud où l’on vend beaucoup produits à moins de cinq euros. »
- L’IA au service des pharmaciens : un levier contre la fraude aux ordonnances ?
- « Non, monsieur Leclerc, les pharmaciens ne sont pas des nuls ! »
- [VIDÉO] Médicaments : on vous livre cette idée…
- Sante.fr : l’outil de référence pour faire connaître ses services aux patients
- Campagnes publicitaires de médicaments OTC et des produits de parapharmacie
- Pénuries de médicaments : la France et neuf États membres interpellent Bruxelles pour sécuriser l’approvisionnement
- Difficultés économiques : de quoi se plaignent les pharmaciens d’officine ?
- Bon usage du médicament : le Leem sensibilise les patients âgés
- Prophylaxie pré-exposition au VIH : dis, quand reviendra-t-elle ?
- Indus, rémunération des interventions pharmaceutiques, fraudes… L’intérêt insoupçonné de l’ordonnance numérique


