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CAP SUR LES ENTRETIENS INFORMELS !

Publié le 26 juin 2021
Par Matthieu Vandendriessche
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LE DÉCRET RELATIF AUX CONSEILS ET PRESTATIONS PARU EN 2018 A OFFICIALISÉ LA RÉALISATION DE NOUVEAUX SUIVIS ET SERVICES EN OFFICINE. CES ACTIONS NE SONT PAS PRISES EN CHARGE PAR L’ASSURANCE MALADIE MAIS INTÉRESSENT LES PATIENTS. FLORILÈGE DE PROPOSITIONS À CONJUGUER AU PRÉSENT ET AU FUTUR.

Un entretien d’audit sur les aides techniques au domicile

L’officine d’Audrey Gautier et Alexandra Ligier à Saint-Domineuc (Ille-et-Vilaine) réalise différents types d’accompagnements à la charge du bénéficiaire. Concernant le sevrage tabagique par exemple, six entretiens formalisés sont assurés par une préparatrice spécialisée pour un tarif de 70 €. Un accompagnement nutritionnel fait aussi partie de l’offre. L’officine propose également un entretien gratuit et sans engagement sur les besoins en aides techniques au domicile. « Nous nous adressons aux patients en perte d’autonomie, y compris ceux qui peuvent l’être de manière transitoire en sortie d’hospitalisation », indique Audrey Gautier. C’est Claire Cobac, sa préparatrice spécialisée en matériel médical, qui prend en main cet audit dont le point de départ est une prescription de fauteuil roulant ou l’installation d’un lit médicalisé. Elle interroge, reformule et enclenche une proposition adaptée. « Dans le local d’orthopédie ou s’il le faut au domicile, je passe en revue une journée type du lever au coucher et m’enquiers de savoir s’il y a un lève-personne, une chaise de douche, si les repas sont pris à table ou alité, explique la préparatrice. Nous allons au-devant des besoins, car les personnes n’osent pas toujours demander, le fait d’être isolées les met à l’aise. » La démarche s’appuie sur des outils mis à disposition par l’enseigne Pharmactiv et Orkyn. « Je ne suis pas présente au domicile lorsque le prestataire intervient. Mais il me fait un retour et je prends contact avec le patient dans les jours qui suivent », précise Claire Cobac.

Un accompagnement sur les traitements du VIH

A Lyon, la pharmacie du Village arbore le drapeau arc-en-ciel, symbole de la communauté LGBT +. Un positionnement revendiqué par Stéphane Métras. « Nous sommes identifiés comme un acteur médico-associatif, mais cela n’exclut pas les autres typologies de patients et de clients », pointe le cotitulaire. Ancien responsable au sein d’un laboratoire de génériques spécialisé dans les médicaments contre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), il partage ses connaissances dans le cadre d’un entretien informel proposé en initiation de traitement. « Nous reprenons ce qui a été expliqué par l’infectiologue à l’hôpital, nous délivrons des conseils pratiques, nous nous adaptons au niveau de connaissances du patient et à ses capacités d’intégrer les informations. » L’échange débute le plus souvent au comptoir et se poursuit si le besoin s’en fait sentir dans un cadre confidentiel. Une même démarche est proposée sur la thématique de la prophylaxie préexposition (Prep). « Il y a une manière d’appréhender cette population et c’est important de connaître les pratiques, notamment à risque, qui lui sont propres. Les patients nous parlent librement. Pour eux, nous sommes référents au même titre que les médecins avec lesquels nous travaillons en réseau. » Selon Stéphane Métras, ces suivis pourraient être formalisés, organisés et rémunérés dans le même ordre d’idée que les existants. « Il faudrait un entretien d’initiation et un autre pour faire le point chaque année. Sans être spécialisées, c’est une compétence qu’une grande partie des officines pourraient développer. »

Un entretien d’initiation sur les traitements de substitution aux opiacés

Des entretiens consacrés aux traitements de substitution aux opiacés (TSO), cela fait quelques années qu’il en est question pour de futures négociations conventionnelles. Dans son officine de Bellac, en Haute-Vienne, Marie Chevalier n’a pas attendu. Cet entretien officinal, elle l’a modélisé dans sa thèse d’exercice en 2013*. Il se décline en trois étapes d’une durée de 15 à 20 minutes chacune. Tout d’abord présenter la démarche et récolter un maximum d’informations. Puis expliquer à quelles conditions recevoir son traitement et enfin exposer les risques et les effets indésirables associés à la prise des médicaments. A l’officine, la démarche doit être précédée d’une formation et de la mise en place d’un protocole. « Il ne faut pas s’arrêter aux a priori. Ces personnes n’ont pas les codes pour fonctionner dans la société. Il est important de leur faire comprendre qu’il y a un cadre à respecter pour recevoir son traitement », rapporte Marie Chevalier. La proposition de suivi doit intervenir au bon moment. « Les patients peuvent être encore en phase de lune de miel avec le produit stupéfiant. » Cet entretien a le plus souvent lieu au comptoir. « Quand on ne connaît pas bien les gens, mieux vaut ne pas les emmener dans son bureau. » Ce n’est pas prioritairement une démarche commerciale qui est visée. « Ce suivi est loin d’être rentable. Cela représente beaucoup de temps passé à échanger avec le prescripteur, par exemple. Pour en atténuer le coût, il peut être confié à un préparateur motivé par cette prise en charge. »

Un dépistage avant-gardiste : le mélanome

Prendre des clichés de taches cutanées et de grains de beauté suspects avec un dermatoscope et les transmettre grâce à une plateforme sécurisée à des dermatologues : cela vous dit quelque chose ? Aujourd’hui, c’est possible dans le cadre d’une téléconsultation. Une pratique pas encore opérationnelle en 2018 lorsque le dépistage du mélanome en pharmacie était lancé par le groupement Pharmabest. L’initiative est accompagnée par le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues (SNDV), mais rejetée par d’autres instances professionnelles comme la Société française de dermatologie (SFD). « L’objectif était de montrer qu’à l’officine on ne délivre pas seulement des médicaments. On y pratique aussi des actes de prévention en établissant un lien fort avec les médecins », relate David Abenhaim. De leur côté, les patients s’acquittaient uniquement du coût de la consultation médicale. Cette opération a connu un franc succès, indique le président de Pharmabest.

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* « Accompagnement du patient addict aux opiacés par le pharmacien d’officine dans le cadre de la loi HPST de 2009 ».

UN LINÉAIRE DIGITAL, L’ATOUT INATTENDU

« Depuis la crise sanitaire, les écrans servent surtout à communiquer le plus clairement possible dans un contexte où les consignes changent souvent, estime François Legaud Van de Vyver, directeur commercial Europe de l’Ouest de BD Rowa, entreprise spécialisée dans l’automatisation des officines et qui revendique équiper 900 pharmacies françaises en robots et 200 en écrans. Pour l’instant, pour le patient, c’est donc surtout l’occasion d’y lire des messages à jour sur les règles sanitaires. Initialement, ces solutions proposées par des prestataires comme BD Rowa (avec VMotion) et Pharmagest (OffiTouch) ont, outre une importance pour éviter de perdre du temps en merchandising, un rôle de service au client. Les écrans digitaux permettent un conseil moderne, ludique mais surtout homogène quelle que soit la personne qui sert (car prodigué selon un scénario établi en amont).

Fabienne Colin

PRÉVENTION AUX ÂGES CHARNIÈRES : LA PROFESSION FORCE DE PROPOSITION

Un point d’étape à 25, 45 et 65 ans sous forme d’un accompagnement protocolisé à l’officine, c’est ce que propose l’Ordre des pharmaciens, rejoint sur le principe d’un entretien de suivi vaccinal par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) est sur la même ligne. « Le rappel de vaccination est une porte d’entrée qui peut permettre d’embrayer sur des sujets de prévention, estime Fabrice Camaioni, titulaire dans les Ardennes et président de la commission métier pharmacien de la FSPF. A 25 ans, on est en bonne santé et on voit rarement un médecin. Mais on peut être fumeur et c’est l’occasion de recevoir des informations sur l’addictologie. Les jeunes femmes apportent des prescriptions de contraceptif et nous n’avons pas toujours l’occasion d’expliquer au comptoir l’impact du tabagisme ou la nécessité d’un dosage régulier du cholestérol. » A 65 ans, le patient est souvent médicalisé. « Mais nous pourrions travailler sur l’observance avec la mise en place d’un bilan de médication sous un format allégé. » Les officinaux pourraient ainsi bâtir un suivi à la carte. « Avec les missions récentes, les gens ont pris conscience qu’ils peuvent avoir à passer du temps dans une officine », constate Fabrice Camaioni.

BIENTÔT DES ENTRETIENS COUVERTS PAR LES COMPLÉMENTAIRES ?

Carte Blanche a inauguré en mars Mon Conseil Pharma, service de mise en place du tiers payant pour les médicaments de prescription facultative délivrés hors ordonnance. Sur ce modèle, des organismes d’assurance santé (mutuelles, courtiers, etc.) voudraient lancer des entretiens formalisés à l’officine. « Cela nous semble faisable et le dossier est à l’étude », indique Carte Blanche. Pour sa part, Cegedim propose TP Santé, service de paniers composés de produits pharmaceutiques de conseil pour les adultes et pour les enfants. « Ces paniers ne comprennent pas le conseil officinal et n’ont pas vocation à couvrir des pathologies particulières. Il est encore trop tôt pour envisager leur extension », précise Cegedim.