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Les paradoxes du monopole officinal

Publié le 23 mars 2024
Par André Borg
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Régulièrement attaqué, le monopole officinal français repose sur plusieurs piliers : le monopole de la vente, du lieu, de la propriété et de la détention. Voici donc le deuxième épisode de cette série consacrée à un vieux serpent de mer qui a récemment ressurgi.

 

n France, le monopole officinal est défini par l’article L. 4211-1 du Code de la santé publique (CSP). Schématiquement, celui-ci comprend quatre dimensions, mais la définition la plus communément admise reste celle d’un monopole à deux dimensions : le monopole sur la vente et, un second, sur la propriété. Toutefois, celui sur la vente inclut à lui seul un double monopole : les monopoles professionnel et du lieu. Ainsi, l’exercice de la pharmacie requiert des compétences reconnues par un diplôme d’Etat attestant des connaissances spécifiques à la profession. L’inscription obligatoire à l’Ordre national des pharmaciens et le dispositif de développement professionnel continu garantissent aux patients de se trouver toujours en présence de personnes formées et compétentes. Consécutivement, le pharmacien est un professionnel hautement qualifié qui a le monopole de dispensation au détail de produits à caractère particulier que sont les médicaments et il effectue des opérations qui lui sont spécifiquement réservées.

Bienvenue à l’officine

 

En vertu des articles L. 5125-1 (définissant l’officine) et L. 5125-18 (précisant le lieu d’exploitation et imposant l’octroi d’une licence) du CSP, le pharmacien ne peut exercer que dans une structure physique qui lui est spécifiquement consacrée, appelée « officine », après l’obtention d’une licence fixant le lieu d’implantation et selon des critères de répartition géodémographiques. Le monopole de propriété (article L. 5125-17 du CSP) pose, lui, le principe séculaire de l’indivisibilité de la propriété et de l’exploitation. Autrement dit, le pharmacien doit être propriétaire de son officine et doit l’exploiter personnellement. Au fil du temps, le principe de l’indivisibilité a fait l’objet de nombreux assouplissements et dérogations. Ces distensions sont aujourd’hui autant de failles qui sont exploitées par les détracteurs du monopole.
Le monopole officinal français recense plusieurs paradoxes. Par exemple, sa notion plurivoque ne se restreint pas à la dispensation des médicaments, puisque le monopo­le concerne aussi d’autres produits et objets divers. Pour autant, la notion de médicament constitue incontestablement son socle et le cœur du métier du pharmacien. Rappelons qu’en France le prix des médicaments remboursés est fixé par l’Etat. Dès lors, l’activité de la pharmacie reste très dépendante des pouvoirs publics.
L’autre singularité figure dans le statut hybride du pharmacien, qui endosse deux activités concomitamment : celle de commerçant et de profession libérale.

« Epicier de luxe »

 

Régulièrement qualifié d’« épicier de luxe » par ses principaux détracteurs que sont les acteurs de la grande distribution, le pharmacien est sans cesse la cible de préjugés faisant fi de sa mission incontournable de santé publique, de ses responsabilités et de sa formation. Il dispose pourtant de compétences scientifiques et médicales acquises durant six années d’études universitaires. Un titulaire doit en plus se procurer d’autres savoir-faire en matière de gestion d’officine, notamment dans les domaines comptables, juridiques et du management.
Professionnel de santé à part entière, le pharmacien se doit de considérer les usagers de médicaments comme des patients et non comme des clients. Or, dans le code de déontologie, les termes « clientèle », ou parfois « consommateur », sont préférés à celui de « patientèle ». L’article R. 4235-65 du CSP soumet toutefois le pharmacien à des règles de désintéressement excluant toute recherche éhontée de bénéfices. Ainsi, il ne peut vendre qu’une certaine catégorie de produits annexes dont le contenu est énuméré par un arrêté ministériel. De plus, il doit respecter des règles de publicités strictes. Enfin, son conseil est un acte libéral constituant la clé de voûte de l’acte de dispensation (article R. 4235-48 du CSP).
Bien que monopolistique, la pharmacie est un secteur qui intéresse de plus en plus les investisseurs financiers et attire toujours autant la grande distribution. Preuve qu’il est encore promis à un bel avenir !

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