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Leclerc se lance dans le maintien à domicile
A Pont-l’Abbé, dans le Finistère, Edouard Leclerc souhaite étendre la surface commerciale de sa parapharmacie pour se lancer dans le maintien à domicile. Les pharmaciens de la région sont vent debout contre le projet. Et alertent leurs confrères sur le risque de le voir s’étendre à toute le pays.
Une histoire à rebondissements comme on ne les aime pas forcément. Le département a dit non, la nation oui. La Commission nationale d’équipement commerciale (CNEC) vient d’autoriser l’extension de la surface commerciale de la parapharmacie Edouard Leclerc à Pont-l’Abbé dans le Finistère. Elle passerait de 138 m2, à – excusez du peu – 399 m2. Et pas pour vendre des crèmes de beauté. Non, les ambitions sont clairement revues à la hausse. C’est le matériel médical que convoite le distributeur Leclerc.
Pourtant, en avril 2007, les membres de la commission départementale avaient refusé à l’unanimité la même demande, « considérant que le projet risquait de bouleverser les équilibres commerciaux existant sur Pont-l’Abbé et les onze communes environnantes et que les avantages économiques du projet ne contrebalançaient pas les inconvénients apportés dans d’autres domaines ». Jean-Jacques Le Bian, coprésident de la chambre syndicale des pharmaciens du Finistère et titulaire à Guipavas, a du mal à comprendre ce revirement. « Ce n’est pas la parapharmacie qui nous pose problème en soi, c’est l’ouverture d’un centre de vente et de location de matériel médical hors monopole (compresses, contention, nutrition entérale, autotests…). Les motifs de la CNEC sont extrêmement minces : progression de la population dans la zone de chalandise, absence de magasin de plus de 300 m2 spécialisé dans la parapharmacie et le matériel médical dans la zone de chalandise, complément utile de l’offre existante en matériel médical répondant à une demande en croissance régulière en raison de l’offre qualitative des soins et du vieillissement de la population et, surtout, surface globale de vente de nature à développer la concurrence au profit des consommateurs. Bref, on le voit bien, les experts n’ont été sensibles qu’aux arguments économiques et pas à la santé publique », explique Jean-Jacques Le Bian.
Eric Barillec, installé au Guilvinec et très investi dans la prise en charge des patients à domicile, juge l’attaque terrible. « Il y a urgence, note-t-il, car si cette grande surface ne s’occupe que de façon ponctuelle de matériel à forte rentabilité en laissant de côté ce qui rapporte le moins et est le plus contraignant comme l’oxygénothérapie, laquelle exige une disponibilité 24 heures sur 24, cela va forcément fragiliser l’offre de soins. Je ne comprends pas que l’on cherche à transformer le patient en consommateur. Cette orientation est effrayante. »
La Sécu ne s’opposera pas au remboursement
Réglementairement, un magasin Leclerc peut-il vendre du matériel de maintien à domicile ? La réponse est oui, sans aucune ambiguïté, confirme Hélène Van den Brink, maître de conférences de droit et économie pharmaceutiques à la faculté de Châtenay-Malabry. « Les seuls impératifs de diplôme concernent l’orthopédie, précise-t-elle. Et, à cet égard, rien n’empêche un Centre Leclerc de recruter la personne requise. »
En effet, contrairement au médicament, le matériel n’est absolument pas, on le sait, réservé aux établissements pharmaceutiques. De fait, de nombreuses structures non pharmaceutiques vendent des produits de la LPPR (Liste des produits et prestations remboursables). Du côté de l’Assurance maladie, on nous confirme que rien ne s’opposera au remboursement de produits de la LPPR vendus par une parapharmacie Leclerc, aucun agrément spécifique n’étant nécessaire.
Autrement dit, les pharmaciens ne peuvent effectivement ici se battre que sur deux terrains pour leur défense : auprès de la préfecture, en contestant l’extension de la surface de la parapharmacie Leclerc, objet de leur lobbying depuis plusieurs mois ; mais, surtout, au niveau de la compétence pharmaceutique. « Les pharmaciens sont souvent assez frileux en matière de maintien à domicile alors qu’ils ont tout pour se positionner sur ce marché, analyse Hélène Van den Brink. Le pharmacien me paraît pourtant le plus adapté pour répondre ici aux besoins des patients, pour peu qu’il se forme. »
« Parce que c’est Leclerc, c’est forcément moins cher… »
Eric Barillec à la pugnacité des Bretons : « Même si le premier round est perdu, on se battra jusqu’au bout. On ne peut balayer 15 ans d’investissement dans les réseaux de soins d’un revers de la main. » Son confrère Jean-Luc Pérard a d’ailleurs accepté d’être le prête-nom requis pour un recours en Conseil d’Etat. Et pour cause ; il exploite l’officine la plus proche du Centre Leclerc. « Pour moi, comme pour mes confrères, c’est une catastrophe !, annonce-t-il, désemparé. Je suis vraiment pessimiste. Avec ce qui se passe déjà en ce moment, on n’a vraiment pas besoin de cette affaire en plus. A priori, la parapharmacie a obtenu l’agrément de la Sécurité sociale. Et bientôt pour le remboursement des médicaments ? Avec la para à proximité, j’ai perdu 70 % de mon chiffre sur le « 19,6 % ». Et même si je pratique désormais des prix d’appel identiques, les clients considèrent toujours que, parce que c’est Leclerc, c’est forcément moins cher… »
Jean-Michel Pomiès, titulaire à Muret, en Haute-Garonne, et président de l’association Pharmasoins 31 qui regroupe avec succès 250 pharmacies, se veut plus rassurant : « A Toulouse, cela fait longtemps que nous sommes concurrencés par les grosses sociétés prestataires de services et on y arrive quand même. Il est vrai que les gens ne vont pas chez eux pour acheter autre chose que du MAD, contrairement à ce qui risque de se passer chez Leclerc. »
Un concept qui risque d’essaimer dans toute la France
Jean-Jacques Le Bian livre une analyse pragmatique de la situation bretonne : « La grande distribution est « aux taquets » concernant le développement. La recherche de nouveaux marchés est cruciale et c’est la chasse aux loups. La santé étant en plus une activité à valeur ajoutée qualitative, c’est bon pour l’image. » Eric Barillec et lui clament en choeur que l’on assiste là au démarrage d’un phénomène qui risque de se généraliser. « Le Finistère a toujours été un laboratoire expérimental pour l’enseigne. Quand un concept est essayé ici, il finit par essaimer dans les Centres Leclerc de toute la France », assènent les deux officinaux.
Pour remporter le combat, Jean-Michel Pomiès a une recette : « Premier atout, la proximité. Elle n’est rien sans la disponibilité. Il faut donc faire les livraisons à domicile et assurer le service après-vente. Cela peut aider à repousser la concurrence, car les pharmaciens investis dans le MAD, compétents, formés et en mesure de fournir une prestation de qualité acquièrent rapidement une notoriété auprès de la population, des médecins et des infirmiers qui ont désormais le droit de prescrire des dispositifs médicaux. Si on ne se rapproche pas de ces professionnels, d’autres vont vite le faire à notre place. »
Pour Jean-Michel Pomiès, il faut aussi adhérer aux réseaux de santé : « Ils ne nous attendent pas, n’hésitons pas à nous imposer, c’est comme cela que l’on reconnaît notre rôle ! » Autre conseil essentiel : acheter mieux. « Il est important d’éviter les dépassements sur les produits à la LPPR. Pour le matériel non remboursé, le prix du marché doit être respecté. Et cette stratégie doit être mise en place avant d’être attaquée. » Enfin, le volet social du métier ne doit pas être laissé de côté. « On doit absolument être au courant des aides à domicile possibles, conclut-il. Quand on est attaqué par un concurrent, il faut toujours réagir vite et fort. »
Justement, les 21 officinaux du secteur de garde de Pont-l’Abbé et des communes avoisinantes n’excluent pas des actions coups de poing. D’autant qu’ils sont solidaires. « J’ai proposé non pas une grève mais une expérience de désertification médicale, explique Jean-Luc Pérard, c’est-à-dire une seule pharmacie ouverte sur le secteur afin que les patients se rendent compte que si nos petites officines disparaissent, ils devront faire beaucoup de chemin pour se soigner. Et là, les vraies difficultés risquent de commencer… »
La CNAM prône la vente des lits plutôt que leur location
« Nos bases de données nous montrent que les lits médicalisés sont loués sur de très longues durées (16 mois à 24 mois souvent), or, pour une période excédant 16 mois, la location représente un surcoût par rapport à l’achat », explique-t-on à la Caisse nationale d’assurance maladie. Des séjours hospitaliers plus courts, des transferts de soins plus fréquents de l’hôpital vers la ville font que le poste de dépenses a doublé en six ans, passant de 800 millions d’euros en 2000 à 1,6 milliard en 2007. Le montant remboursé en 2006 a été de 231,8 millions d’euros rien que sur les lits médicaux et le matériel de prévention des escarres (ce qui représente 7,5 % des montants remboursés), avec un taux de croissance de 13 % entre le premier semestre 2006 et le premier semestre 2007. Pour les fauteuils roulants, les chiffres sont respectivement de 122,6 millions et + 8,8 %. Pas étonnant donc que l’Assurance maladie sensibilise les prescripteurs de lits médicalisés en ville. Ses délégués rendent désormais visite aux médecins pour leur rappeler les bonnes règles de prescription des lits et des matelas : location pour une courte durée et achat en cas d’état durable
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