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La cosméto au logis
Malgré une époque placée sous le signe du prêt-à-consommer, les Français n’ont pas renoncé à utiliser leurs 10 doigts. Le « fait maison » prend de l’ampleur, y compris en cosmétique.
Il fait son grand retour depuis quelques années : le « fait maison » se décline aujourd’hui dans tous les domaines. La cuisine, pour commencer, remise au goût du jour grâce à des émissions comme Un dîner presque parfait sur M6 ou Masterchef sur TF1. La chaîne L’Atelier des chefs a également bien su répondre à cette tendance en proposant des cours de cuisine.
Mais le « fait maison » s’installe aussi hors des murs de la cuisine. Ainsi, selon l’enquête TNS Sofres réalisée en 2010 pour le GIFAM (Groupement interprofessionnel des fabricants d’appareil d’équipement ménager), 83 % des Français qui cuisinent pratiquent le « fait maison » dans un autre domaine : 61 % bricolent, 39 % cultivent des fruits et légumes et 28 % préparent eux-mêmes leurs produits de beauté. Le marché des loisirs créatifs n’est pas non plus en reste. Selon le syndicat professionnel Créaplus, qui fédère 350 acteurs du secteur des activités manuelles artistiques, 33 % des Français pratiquent régulièrement une activité créative. Et vont même jusqu’à confectionner leurs propres vêtements – grâce au retour des machines à coudre – voire fabriquent leur propre miel à partir de la ruche de leur jardin !
Le « fait maison » s’inscrit également dans la santé et le bien-être. Au premier rang des motivations expliquant l’attrait pour la cuisine, l’étude TNS Sofres note le fait de manger sainement pour 74 % des individus. Viennent ensuite les aspects de plaisir et de convivialité pour 73 % puis les raisons économiques pour 45 % et le désir de perpétrer un savoir-faire pour 44 %.
Retour au naturellement sain
Dans le domaine des cosmétiques, la dimension du « naturellement sain » est particulièrement présente. Le titre de l’ouvrage de Sylvie Hampikian, Je fabrique mes cosmétiques : soins naturels à petits prix (paru en 2012), parle de lui-même. Pharmacotoxicologue, l’auteur pratique la cosmétique naturelle depuis une vingtaine d’années. Scandales du paraben et des sels d’aluminium, impliqués dans les cancers du sein, allergies liées aux cosmétiques industriels, ouvrage d’une journaliste…– La Vérité sur les cosmétiques, de Rita Stiens –, pour Sylviane Hampikian, ce contexte ambiant explique qu’aujourd’hui, « de nombreuses personnes souhaitent maîtriser la composition de leurs produits. Pour ce faire, le meilleur moyen reste de les réaliser soi-même ». Second argument avancé par Emilie Jolibois, spécialiste des ingrédients cosmétiques chez Aroma-Zone : « Faire soi-même ses cosmétiques revient moins cher ». Et même d’affirmer avec un certain parti pris : « C’est aussi plus efficace que les produits du commerce, qui contiennent, au final, peu d’actifs. » La mode des cosmétiques maison est apparue il y a une petite dizaine d’années sur les forums Internet et les blogs des « cosméteuses », des passionnées portées sur les sujets écologiques. « Avec la vulgarisation dans la presse féminine et grand public, dans les émissions de télévision, la cosmétique maison attire aujourd’hui des consommateurs classiques qui ne s’y seraient peut-être pas penchés spontanément mais qui y découvrent un véritable intérêt, déclare Emilie Jolibois. L’esprit de la cosmétique maison, c’est de se responsabiliser par rapport aux produits industriels standardisés, tout prêts, et de s’informer sur ce qui est bon et moins bon. »
Laborantines nouvelle génération
Qui sont les nouvelles « laborantines » ? La génération des 25-35 ans n’est pas la moins touchée par le virus de ces activités de « bonne femme » que l’on pourrait juger ringardes. « Les jeunes mamans sont souvent celles qui prennent le virage les premières. Très attentives à la santé de leurs enfants, elles remplacent par exemple les produits industriels par de l’huile d’amande douce ou des liniments oléocalcaires. Et les anciennes baba-cools replongent avec nostalgie dans la mode des masques au henné qu’elles ont connus dans les années 1970 », répond Sylvie Hampikian.
Le profil type des « laborantines » est celui de personnes qui font attention à leur alimentation, mangent bio, recourent à la médecine par les plantes, sont adeptes de la prise en charge globale d’elles-mêmes. « Les hommes, minoritaires, sont surtout intéressés pour fabriquer des savons ou des soins après-rasage », ajoute Emilie Jolibois.
Des ingrédients bio et régionaux
Mais attention, qui dit naturel ne dit pas forcément bio. « On peut faire un masque aux fruits avec des fruits non bio », précise Sylvie Hampikian. Dans les pays anglo-saxons, les sites Internet vendent des composants et épaississants chimiques pour se rapprocher de la texture des produits du commerce. Mais du coup la démarche ne se veut plus naturelle ! En France, on reste puriste. La plupart du temps, naturel marche de pair avec bio car les plus gros fournisseurs (Aroma-Zone ou Bilby and co) proposent à 80 % des produits bio. « La consommatrice peut également être jusqu’au-boutiste dans sa démarche et se fabriquer des produits 100 % régionaux en se fournissant chez des producteurs locaux », observe Sylvie Hampikian. Plus facile à faire lorsque l’on habite la moitié Sud de la France… « Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les pharmaciens fabriquaient eux-mêmes leurs cosmétiques. Les poudres T. Leclerc, aujourd’hui vendues en grande surface, emblématiques de la Belle Epoque, ont au départ été confectionnées dans une pharmacie à deux pas de la place de la Madeleine », conclut Sylvie Hampikian. Et d’inviter les pharmaciens à « s’y remettre » (voir encadré), « ce qui ne serait qu’un juste retour des choses ! ».
A l’officineFormations maison ?
Si les magasins spécialisés ou les magasins bio proposent la plupart des ingrédients nécessaires à la réalisation des cosmétiques maison, en dehors des grandes villes, il n’est pas toujours aisé de s’approvisionner. En offrant un éventail large des divers produits utiles (huiles essentielles, huiles végétales, hydrolats, argile, gel d’aloès, glycérine, cire d’abeille, plantes médicinales, entre autres, ou des produits anciens comme la teinture de benjoin), le pharmacien peut rendre service à son client. Et se différencier. D’autant qu’il est le garant d’une qualité officinale. Il peut également fournir des éprouvettes de 50 ml graduées tous les millilitres, ou des béchers de 50 à 100 ml, ainsi que des petites bouteilles ou récipients pour le conditionnement. « Aussi, il est important que le pharmacien se forme pour être capable de préciser l’utilisation des huiles essentielles dans les cosmétiques maison », rappelle Sylvie Hampikian. Et si des ateliers « Mes cosmétiques aux huiles essentielles » étaient organisés dans la pharmacie ?
C.F.