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VICES ET VERTUS DE L’E-COMMERCE
Très attendus sur la vente en ligne, au moins pour assister techniquement leurs adhérents qui souhaitent créer leur propre site marchand, les groupements avancent prudemment sur cette terre inconnue mais fertile pour l’enseigne. Il suffirait pourtant que certains verrous législatifs sautent pour s’y investir davantage.
Qu’ils soient pour ou contre cette nouvelle activité, groupements et enseignes de pharmacie peuvent difficilement tourner le dos à l’e-commerce compte tenu de leurs objectifs, qui sont au nombre de trois : promouvoir les valeurs de la marque sur l’ensemble des canaux et supports, mettre en avant le rôle du pharmacien acteur de santé et améliorer la notoriété des enseignes et des marques propres.
Bien plus service que relais de croissance, l’e-commerce en officine est l’occasion d’envisager une logique cross canal au sein d’un réseau officinal. « C’est une nouvelle corde à l’arc du web », ne cache pas Pierre-François Charvillat, directeur général adjoint de Forum Santé.
Pourtant, les groupements sont unanimes pour dire que la vente en ligne de médicaments n’est pas un progrès pour la santé publique et qu’elle est un leurre économique. Plusieurs d’entre eux (Evolupharm, Giropharm, Apsara…) pensent que la pharmacie virtuelle ne pourra pas reproduire la même qualité de dispensation qu’au comptoir. « La dispensation en officine est la seule qui garantit une sécurité sanitaire complète au patient », affirme Olivier Verdure, directeur de la communication du groupe Apsara. « Les futurs honoraires de dispensation correspondent à un acte pharmaceutique codifié ; par contre, réaliser cet acte de façon électronique ne permettra pas d’avoir la même garantie et la même sécurité », redoute Jean-Christophe Lauzeral, directeur général opérationnel de Giropharm.
Evolupharm n’encourage pas ses adhérents à se lancer dans une aventure risquée économiquement. « Les sites créés vont tous mourir les uns après les autres, sauf un ou deux », prédit Pascal Geffray, président du groupement Evolupharm, au vu des retours d’expériences de vente en ligne négatifs chez les enseignes d’opticiens.
« Il suffit de regarder l’histoire du web sur tous les marchés pour s’apercevoir qu’on observe toujours très rapidement une concentration des acteurs au profit de spécialistes qui industrialisent la démarche », complète Rafaël Grosjean, président de Pharmodel Group.
« Sur 280 sites marchands de parapharmacie répertoriés, trois seulement sont rentables », signale Daniel Buchinger, président d’Univers Pharmacie. Mais cela ne l’a pas empêché de créer un site pilote marchand relié à sa pharmacie physique de Colmar et des points relais Univers Pharmacie pour réceptionner les commandes. Sans surprise, le CA réalisé est insignifiant. « Seulement 2 % des personnes qui visitent le site achètent, mais les 98 % de non-acheteurs sont susceptibles demain de franchir la porte d’une officine Univers Pharmacie », espère-t-il. Pour inciter à retirer les produits dans l’une des 160 officines points relais, les frais de port sont réduits. « L’objectif est d’avoir un bon retour sur image et une consolidation de l’enseigne auprès des consommateurs. » Pour l’instant, le ratio est faible : sur 10 ventes réalisées sur le site, une seule est livrée par un point relais.
CHAQUE GROUPEMENT AVANCE À SON RYTHME
Dans l’immédiat, les groupements se cantonnent à proposer un accompagnement des adhérents lors de la création de leur site en développant des modèles mutualisant les moyens techniques. Ainsi, Giphar s’apprête à lancer pour fin 2013, début 2014 une solution e-commerce pour ses adhérents. « La vente en ligne est un jalon de plus sur le travail que l’on peut faire sur la notoriété et la lisibilité de l’enseigne et pour développer une image de modernité auprès du public », livre Agnès Tirilly, directrice marketing enseigne et communication chez Sogiphar.
Forum Santé a mis en place dans les 140 pharmacies affiliées un site Internet personnalisé compatible avec les outils interactifs de l’enseigne déjà existants (la garde numérique par exemple). Demain, dans une logique de continuité, le tout peut facilement évoluer vers de la vente en ligne, en y intégrant un nouveau module. « Notre réflexion d’enseigne sur la vente en ligne intègre la totalité des pharmacies du réseau. Si on décide d’y aller, on ira tous ensemble car notre philosophie est de pouvoir proposer l’intégralité des services dans tous les points de vente affiliés à l’enseigne », annonce Pierre-François Charvillat. Plus Pharmacie nourrit un projet web multiservice ambitieux pour les pharmacies PharmaVie et Familyprix, dont l’e-commerce de produits de parapharmacie et de médicaments en libre accès.
« Pour une enseigne, l’e-commerce est un mal nécessaire car elle doit avoir une composante prix pour se déployer », explique Philippe Besnard, directeur général de Plus Pharmacie. Ce groupement veut réussir la synergie e-commerce et point de vente en développant rapidement une offre large de services et de produits (catalogue de 4 000 à 5 000 références) aux prix du marché Internet, mais pas à prix cassés. La sortie d’un site multiservice est prévue au début de l’année 2014.
Cofisanté a créé la plate-forme Pharmarket.com qui n’oblige pas le pharmacien partenaire à créer un site de vente en ligne mais seulement à traiter la commande qui lui a été attribuée pour le compte d’un internaute géographiquement proche de l’officine.
Axé sur le conseil, la prévention et l’éthique, Alphega Pharmacie avance à pas comptés sur ce dossier. « La législation est complexe, notre objectif n’est pas de se précipiter à apporter des solutions en réponse à une opportunité mais d’intégrer l’e-commerce dans la stratégie globale de notre réseau fondée sur la qualité des services pharmaceutiques apportés au patient-consommateur », précise Laurence Bouton, directrice d’Alphega Pharmacie.
Même circonspection chez Giropharm qui ne souhaite pas non plus brûler les étapes. « Nous avons aidé 80 pharmacies adhérentes à créer leur site e-officine et nous donnons la possibilité à ceux qui le souhaitent d’évoluer vers un site marchand de parapharmacie en fin d’année », annonce Jean-Christophe Lauzeral. Quant à la VPC de médicaments, ce groupement verra plus tard.
PRÉFÉRENCE À LA RÉSERVATION EN LIGNE
Dans une logique de modernisation du service, plusieurs groupements sont favorables à tout le moins à la réservation en ligne avec maintien de la délivrance au comptoir. Apsara, Optipharm et Réseau Santé ont décidé de mutualiser leurs moyens pour développer à moindre coût cette alternative pour l’ensemble de leurs adhérents. « Pour 30 € par mois, on donne à chacun la possibilité d’avoir son site avec son propre thème graphique, et éventuellement de le logotyper à l’enseigne », précise Olivier Verdure. Et pour 10 € de plus par mois, le pharmacien a la parapharmacie en option. De plus, un portail commun aux pharmaciens des trois groupements a été lancé en novembre, apportant des informations aux patients, permettant de géolocaliser leurs officines et les renvoyant sur les sites Internet des adhérents.
« La réservation en ligne apporte de la souplesse dans la prise de contact avec les consommateurs et permet de rester dans un schéma classique de dispensation du médicament », souligne Laurence Bouton.
Le groupe PHR a lancé en mai dernier mapharmacieservices.com, une plate-forme web-to-store où l’internaute localise la pharmacie PHR la plus proche de chez lui, parmi les 384 ayant déjà adhéré à ce module de réservation en ligne, accède directement au catalogue de l’officine en question et détermine le jour et l’heure du retrait. « C’est plus un site vitrine que nous offrons qu’un module marchand, destiné à amener le client sur le point de vente en l’informant qu’on trouve des prix dans cette enseigne », présente Lucien Bennatan, président de PHR.
LES GROUPEMENTS RESTENT À L’AFFÛT
L’attentisme reste donc de rigueur chez les groupements qui estiment que le cadre légal est à la fois trop restrictif (site rattaché à une pharmacie physique, interdiction de confier la logistique à un tiers, interdiction de faire de la publicité…) et trop flou (sur les possibilités réservées aux enseignes via leur propre portail) pour se jeter à corps perdu dans la bataille de la vente en ligne. « La réglementation en l’état actuel nous empêche d’avancer sur ce terrain », estime Serge Carrier, directeur général de Pharmactiv, davantage intéressé par la gestion et le suivi de la préparation des doses à administrer (PDA) que par la vente en ligne.
« Développer un site marchand n’a de sens que si le consommateur paie sa commande en ligne, il est trop tôt pour lancer une solution opérationnelle au niveau du groupement », partage également Alexandre Aunis, directeur adjoint en charge des enseignes et de la communication de Népenthès. En attendant d’y voir plus clair, Népenthès se limite sur son portail à proposer un système de réservation en ligne et à donner les moyens à ses affiliés d’afficher sur le site les prix pratiqués dans leur officine.
Enfin, les groupements adossés à un grossiste-répartiteur (Alphega, Pharmactiv, Plus Pharmacie…) sont attentifs à toute évolution de la loi qui les autoriserait à prendre en charge sur le plan logistique la livraison à domicile.
ATTENTIONS AUX DÉRIVES ET À SON IMAGE !
Au moment où toutes les enseignes cherchent encore à homogénéiser leur réseau, les sites de vente en ligne des affiliés ne constituent-ils pas une menace interne ? Pour Rafaël Grosjean, tout dépend de l’option choisie par l’enseigne pour accompagner ses affilés : proposer des modules techniques et laisser les affiliés gérer individuellement leur site (assortiment et politique de prix) ou proposer un même module de vente en ligne pour tous les sites affiliés dans le but de prolonger et renforcer la singularité de l’enseigne. « Dans le premier cas, proposer des outils qui vont générer des initiatives dispersées ne peut que nuire à l’enseigne. Dans le second cas, on peut capitaliser sur les évolutions réglementaires pour tirer les affiliés vers un plus haut dénominateur commun », analyse-t-il.
Chez Pharmodel, l’e-commerce est avant tout au service de la marque de distributeur. « En décidant de créer un module de vente en ligne 100 % dédié à la marque Pharmodel Les Essentiels, l’enseigne fait le choix de faire évoluer les 450 sites web de ses affiliés en créant de la vente en ligne pour les seuls produits de l’enseigne », explique Rafaël Grosjean.
Ne pas nuire à l’enseigne semble une évidence pour Daniel Buchinger : « Les affiliés sont libres de choisir un nom de domaine, mais s’ils mentionnent Univers Pharmacie, leur site doit alors reprendre les promesses de l’enseigne. » Pour Jean-Christophe Lauzeral, il est logique que le site marchand d’un adhérent respecte l’image et les valeurs du groupement, sinon ce serait contre-productif. « Giropharm n’est pas une enseigne discounter, nous ferons très attention à ce qu’il n’y ait pas de dérive de ce genre sur les sites marchands de nos adhérents », prévient Anne Pointcheval, directrice marketing chez Giropharm. « Un site marchand n’est qu’une extension des services proposés par un point de vente sous enseigne pour les clients de sa zone de chalandise, mais ce n’est qu’une approche parcellaire de la dynamique que doit avoir l’enseigne sur le web », cadre Pierre-François Charvillat.
Toujours dans l’anticipation, Lucien Bennatan signale une évolution possible de la vente en B to C (« business to consumer ») de produits de parapharmacie à la marque du distributeur sur le portail du groupement : « On peut imaginer que les pharmaciens deviennent actionnaires d’une structure qui porterait un site global e-commerce de l’enseigne rattaché à une plate-forme qui livrerait 80 % des achats en ligne. De tels sites nationaux “shunteraient” les points de vente physiques, sauf pour 20 % des livraisons retirées en officine, moyennant une commission de 3 à 5 % du montant de la vente en ligne. C’est ce qui se pratique chez Darty… » Mais cette perspective est-elle du goût des pharmaciens sous enseigne ? Alors que l’histoire ne fait que commencer, le débat est déjà ouvert.
REPÈRESLe point de vue de Pascal Louis, président du Collectif des groupements (CNGPO)
« Vendre des médicaments sur Internet suit l’évolution des modes d’achat et attentes de certains consommateurs, déclare Pascal Louis, président du CNGPO. Le web est un moyen qui permet à chacun de voir l’offre produits, de comparer les prix, de choisir son officine et de réserver le produit. » Mais Pascal Louis n’est pas favorable à la commande en ligne avec livraison à domicile. « Le risque pour le patient se situe à deux niveaux, explique-t-il. On n’a pas la certitude de la traçabilité du médicament vendu par ce canal, ni la confirmation de la qualité du choix thérapeutique réalisé par l’internaute. En venant récupérer leurs commandes en ligne à l’officine, les internautes bénéficient, si besoin, d’une validation du pharmacien. »
REPÈRESSe différencier grâce à l’e-réservation
Jérôme Gobbesso, cofondateur de Newpharma, une des cinq pharmacies ayant une réelle activité en ligne sur les 300 e-pharmacies déclarées en Belgique, et qui propose plus de 30 000 produits, pense que l’e-réservation est l’option la plus raisonnable pour les pharmacies françaises. « Le pharmacien doit penser local et se différencier en donnant la possibilité à ses clients de réserver ses produits de santé sur Internet pour ensuite venir les retirer à un guichet spécifique dans l’officine sans avoir à faire la queue. »
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