Vente en ligne de médicaments : et si Amazon mettait la main sur le monopole ?  

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Vente en ligne de médicaments : et si Amazon mettait la main sur le monopole ?  

Publié le 24 mai 2024
Par Sana Guessous
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Souhaitée par le gouvernement français, l’ouverture de la vente en ligne de médicaments inquiète fortement les syndicats de pharmaciens. Aux États-Unis, les géants de l’e-commerce ont déjà mis la main sur le monopole des pharmaciens. La France s’apprête-t-elle à suivre ce modèle ? Décryptage.

« La vente en ligne des médicaments pourrait attirer des géants de l’e-commerce et détruire ainsi le maillage des pharmacies », alerte Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Annoncé par le premier ministre Gabriel Attal en janvier dernier, un projet de loi facilitant la vente en ligne de médicaments a été confirmé hier, jeudi 23 mai 2024, aux syndicats représentatifs de la profession par deux conseillères santé du Premier ministre. Dans les rangs de l’USPO, on est vent debout contre ce projet sur lequel travaille Marc Ferracci, député des Français à l’étranger. « Plus il y a de ventes sur Internet, moins il y a de pharmacies sur le territoire. Et moins il y a d’officines, plus les ventes en ligne prospèrent », schématise Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO.

La vente en ligne de médicaments, l’ennemi n° 1 du maillage officinal

L’exemple du Danemark est frappant : le pays, qui pratique la vente en ligne de médicaments, compte 7 pharmacies pour 100 000 habitants, contre 32 officines pour 100 000 habitants en France. Idem pour la Suède, fervente promotrice du commerce de médicaments sur internet, dont le maillage est trois fois moins dense que celui de la France. « Nous réitérons notre refus des stocks déportés », assure pour sa part Philippe Besset. Pour le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), « la France a le meilleur accès aux médicaments en Europe. Il y a des pharmacies partout, il n’y a donc pas un problème d’accès. Le vrai sujet, c’est le maintien de ce maillage de qualité. »

Aux États-Unis, les pharmaciens n’ont plus de monopole

« D’après les conseillères de Gabriel Attal, seuls les pharmaciens pourront gérer ces futures plateformes en ligne et les stocks déportés. Mais nous ne sommes pas à l’abri qu’Amazon s’intéresse de près à notre activité », prévient Pierre-Olivier Variot. Selon le président de l’USPO, le géant américain de l’e-commerce peut tout à fait « attaquer l’Europe au nom de la libre concurrence, en proposant de salarier des pharmaciens pour pouvoir vendre des médicaments en ligne. » Le mastodonte de l’e-commerce ne s’arrêterait sans doute pas aux médicaments en vente libre. « Amazon va dire que le modèle économique du médicament OTC (Over The Counter) ne suffit pas, que ce n’est pas rentable et voudra passer à la vitesse supérieure. » Aux États-Unis, Amazon peut depuis 2021 vendre des médicaments sur ordonnance. Depuis janvier 2023, le groupe américain propose même, en contrepartie d’un abonnement mensuel de 5 dollars, un accès illimité et sans frais supplémentaires à des traitements pour plus de 80 pathologies.

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