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Self-scanning en vue

Publié le 24 février 2016
Par André-Arnaud Alpha
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Les caisses où le client scanne et paye lui-même ses articles sont entrées dans les mœurs en grande distribution. Aujourd’hui, elles arrivent dans les commerces de proximité, y compris en pharmacie.

Apparues pour la première fois en France en mai 2004 dans un magasin Casino de Chasse-sur-Rhône (Isère), les systèmes d’encaissement gérés par le client ont été conçus pour des paniers moyens d’une dizaine d’articles au maximum. Dix plus tard, près de 12 000 caisses en self-check out (SCO) seraient installées en France, principalement dans les hypermarchés, mais aussi dans les commerces spécialisés tels que la FNAC, Leroy Merlin, Duty Free… Signe des temps, aux Etats-Unis et en Angleterre, le self-check out est passé des hypermarchés aux commerces de proximité alimentaires pour y prendre en charge jusqu’à 50 % à 70 % des transactions. Malgré des employés craignant pour leur poste et des clients agacés de « faire le travail de la caissière », le self-scanning semble bien parti pour prospérer. Mais pour les responsables de point de vente, a-t-il réellement un avantage ? Vu la vitesse avec laquelle un client scanne ses articles, le gain de productivité ne semble pas si évident.

SERVICE complémentaire

« Remplacer une caisse classique par une SCO n’a aucune utilité », confirme Frédéric Dutremée, spécialiste des solutions de vente chez NCR, leader mondial de la fabrication de caisse. Les études montrent qu’un client met en moyenne 10 secondes pour scanner son panier et une caissière 3 secondes. L’objectif est surtout de pouvoir offrir plusieurs modes et points d’encaissement selon le contenu des achats et les flux de clientèle. » Il s’agit surtout de récupérer les clients qui, renonçant à attendre, abandonnent la file d’attente et repose leurs quelques articles en rayon. Ces abandons représenteraient un client sur quatre en grande distribution. Et le problème se retrouve dans d’autres circuits. « En duty free, le voyageur qui souhaite acheter une bouteille de parfum la laissera tout aussi vite à l’appel de son vol », indique Nicolas Segons, chef de projet pour le commerce de proximité chez le fabricant Wincor Nixdorf.

La caisse SCO prend toute son importance dans les commerces lors des pics d’affluence. Si elle ne remplace pas la caisse classique, elle est complémentaire. « La caisse self-check outest un service supplémentaire offert au client dans la surface de vente », expose Frédéric Dutremée.

Il faut prévoir la présence d’une personne pour coacher la clientèle à la pratique de l’« autoencaissement » et pour gérer les éventuels dysfonctionnements.

PROBLÉMATIQUE LGO

« Au Royaume-Uni, les caisses SCO s’intègrent très bien dans les magasins Boots qui ont des flux de clientèle très importants, des produits normés faciles à scanners, et des paniers nombreux mais faibles en quantité d’articles », relate Frédéric Dutremée.

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Fort de ce constat, on peut se demander pourquoi le concept n’arrive pas dans les pharmacies françaises à forte fréquentation. Ou, plus exactement, ne s’y développe pas. Pionnière, la Pharmacie Bailly, près de la gare Saint-Lazare à Paris, a tenté une installation en 2012. Mais le fabricant et l’éditeur du logiciel de gestion officinal (LGO) n’avaient pas réussi à s’entendre. « Dommage ! se souvient Mathilde Clément, la titulaire. Chaque caisse enregistrait près de 2 000 € de ventes par jour et nous évitait de retrouver des produits éparpillés dans les rayons, laissés par des clients, las d’attendre trop longtemps devant les comptoirs. »

Plus récemment, Forum Santé a aussi placé un système de SCO dans une officine à Claye-Souilly (Seine-et-Marne), dans le cadre de son nouveau concept all in one, pour favoriser le parcours client dit « libre-service ». Mais, encore une fois, faute d’accord entre le prestataire matériel et l’éditeur du LGO, la tentative a avorté en août dernier. On imagine bien que, sans l’intégration des ventes effectuées en self-scanning dans le logiciel officinal, la gestion des stocks devient un casse-tête

VERSION pharmacien

A ce jour, seule La Source Informatique (LSI) commercialise une borne digitale interactive, utilisable en SCO… ou presque. Car sa manipulation nécessite l’intervention d’un membre de l’équipe officinal. « Mes clients titulaires tiennent à ce qu’un de leur collaborateurs soit impliqué au cours de l’encaissement. Mais, technologiquement, nous pourrions supprimer cette étape », explique Charles Baranes, dirigeant de LSI, qui revendiquer 80 installations de cette borne en pharmacie (à partir de 250 €/mois).

Une borne dont la base de données sur les produits en vente est gérée par le pharmacien sur une interface conçue par LSI. Ainsi, la plupart des pharmaciens seraient réticents à l’idée de l’encaissement réalisé à 100 % par le client. Mais jusqu’à quand ?

OFFICINES attractives

Aujourd’hui, les gros faiseurs du self-check out visent les commerçants de proximité. « Depuis deux ans, nous observons leur évolution, et ils représentent pour nous un potentiel de croissance. Nous cherchons donc des partenaires et distributeurs pour répondre à leurs spécificités », confie Jean-Christophe Chaulet, directeur marketing de Wincor Nixdor France. Le fabricant dispose en particulier d’un modèle hybride permettant alternativement un encaissement en SCO et en mode traditionnel (en tournant un écran).

« Nos machines sont prêtes. Mais que ce soit en coiffure, presse et, a fortiori, en pharmacie, la connaissance de ces métiers prime. Les fournisseurs de logiciels et appareils en pack que nous rencontrons saisissent bien l’intérêt des SCO pour leurs officines clientes. Or, pour eux, l’opportunité marketing d’élaborer cette offre ne s’est pas encore concrétisée, précise Nicolas Segons. Avec l’accroissement de la parapharmacie dans la surface de vente et dans le chiffre d’affaires des pharmacies, la nécessité d’un encaissement libre en sus des comptoirs dévolus aux ordonnances s’affirme. »

4 ACTEURS

SE PARTAGENT LE MARCHÉ DU SELF-CHECK OUT DANS L’HEXAGONE. En 2014, Wincor y a réalisé 67 % des ventes, NCR (leader mondial) 19 %, Fujitsu 10 % et Toshiba 4 %.

20 000

CAISSES EN SELF-CHECK OUT seront présentes dans les commerces en France d’ici 2020, à raison de 1 400 installations par an (source : Retail Bank Research).

La question

Le self-check out favorise-t-il le vol ?

Avec les systèmes de self-scanning, il apparaît tentant, pour le client, de prendre le produit sans payer. C’est une objection courante de la part des distributeurs. « Il n’y a aucune corrélation entre la présence d’une caisse en SCO et le vol. Les produits ne sont pas plus volés qu’avec une caisse classique, assure Jean-Christophe Chaulet, directeur marketing de Wincor. Au contraire, la présence d’un système SCO oblige à un étiquetage des produits qui peut aussi servir à l’étiquetage antivol. » Reste encore les petits malins qui tenteront de remplacer une étiquette par une autre. Mais, selon les fabricants, leurs caisses SCO seraient capables de vérifier si le poids de l’article acheté correspond bien à celui dont l’étiquette est scannée.