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QUATRE RÈGLES À RESPECTER
La vente en ligne de médicaments sans ordonnance est désormais possible en France, au bénéfice exclusif des pharmaciens en exercice. A ce jour, une centaine d’officines ont déjà ouvert un comptoir sur le web. Ce qu’il faut savoir avant de partir à la conquête d’un marché prometteur mais strictement encadré.
Avec l’arrêté définissant les bonnes pratiques relatives à la dispensation par voie électronique des médicaments non soumis à prescription obligatoire, paru au Journal officiel le 23 juin 2013 et entré en vigueur le 12 juillet, les pharmaciens français disposent enfin de règles du jeu claires pour se lancer dans une démarche à laquelle sont déjà rompus leurs confrères européens. Reste à dissiper des réticences encore tenaces. Et infondées. « La vente en ligne ne va pas fermer les pharmacies. L’avenir repose sur une logique multicanal, comme l’ont déjà compris les grandes enseignes de distribution », assure Cédric Morelle, consultant et fondateur de Toucouleur, une agence de conseil sur le web.
La vente en ligne est le moyen de s’affranchir d’un certain nombre de contraintes liées au commerce physique et de répondre à de nouvelles habitudes de consommation. « Acheter sur Internet permet de faire son choix tranquillement et d’éviter les queues pour les urbains pressés et les déplacements pour les ruraux et les personnes isolées », rappelle Cédric Morelle. Et ce, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, où que l’on soit, en lien avec l’essor des smartphones et des tablettes. « Le dimanche est une de nos meilleures journées », témoigne Cyril Tétard, titulaire à Villeneuve-d’Ascq (Nord) de la Pharmacie du Bizet et fondateur d’une des premières e-pharmacies françaises, lasanté.net. Autre intérêt d’une officine virtuelle : proposer une offre très large, au rayon médicaments comme en parapharmacie, notamment dans certaines spécialités en plein essor telles que l’aromathérapie. C’est enfin donner la possibilité de s’approvisionner discrètement en produits perçus comme « tabous », devenus les best-sellers des officines en ligne. Pour Michel Kervella, directeur marketing de l’agence web Itek Pharma, « dans un contexte de marges laminées et de charges en hausse, un site de vente en ligne représente potentiellement un levier complémentaire de croissance ».
1 Définir ses objectifs en amont
Pour éviter d’investir dans une future coquille vide, il est essentiel de savoir précisément où l’on va, en fonction de ses moyens humains, financiers et techniques et du temps dont l’on dispose. Car l’éventail des options et des coûts associés est vaste. « Un premier modèle consiste à créer une audience locale avec des services tels que la possibilité de commander en ligne, y compris les médicaments prescrits via le transfert d’ordonnances scannées, et de venir chercher son traitement à la pharmacie, conseille Michel Kervella. A un autre niveau, on peut se lancer dans l’e-commerce de produits de parapharmacie uniquement et/ou d’OTC, ce qui demande d’ores et déjà la mise en place d’un système de paiement en ligne et de livraison à domicile. »
En revanche, les contraintes et les investissements liés à la vente de médicaments à proprement parler impliquent d’emblée un positionnement national, voire international, qui va de pair avec une étude prévisionnelle poussée. « Avant de nous lancer, nous avons passé au crible non seulement le marché de la pharmacie en ligne mais aussi d’autres marchés afin d’évaluer au mieux le potentiel de notre activité », rapporte Cyril Tétard. Une fois les objectifs définis, « l’élaboration d’un business plan devra permettre de répondre aux questions suivantes : quel est mon investissement initial, pour quel trafic associé ? Quel est le panier moyen que je vise pour pouvoir être rentable à court, moyen et long terme ? Quel sera mon besoin en fonds de roulement ? », recommande Cédric Morelle.
2 Créer une organisation spécifique
La création, le développement, la fourniture de contenu, l’animation et la maintenance du site, mais aussi la gestion de l’activité commerciale générée par ce nouveau canal et le conseil associé correspondent à des compétences qu’il faudra aller chercher en externe ou en interne, en veillant le cas échéant à dégager le temps nécessaire. « Quel que soit son mode d’organisation, le titulaire devra s’impliquer personnellement ou recruter un autre pharmacien sur le projet pour respecter ses obligations professionnelles », rappelle Cédric Morelle. Les ressources humaines à mobiliser dépendent également des outils logistiques. Si les projets les plus ambitieux s’appuient sur des solutions sophistiquées de « warehouse management » (logiciels spécialisés dans la gestion des opérations de stockage), il faudra, a minima, envisager la mise à disposition d’un espace de stockage dans l’enceinte de l’officine. Cependant, « les stocks de la pharmacie et ceux dédiés à l’activité du site devront être bien distincts, la logique de rotation n’étant pas du tout la même. On estime qu’une personne seule peut gérer 50 à 75 commandes/jour à temps plein entre le colisage et le packaging, mais sans inclure la relation client et la mise à jour du site. Si l’on est doté d’une solide infrastructure informatique et logistique, une seule personne peut suffire pour 200 colis par jour », indique Cédric Morelle. Il faudra en outre veiller à la mise en place d’une interconnexion entre le site et le logiciel de gestion de l’officine.
3 Offrir un contenu enrichi en services
« La constitution du catalogue représente l’étape complexe et la plus fastidieuse de la création d’un site de vente en ligne », avertit Cédric Morelle. Il faudra en effet prévoir un visuel et un descriptif de chacun des produits proposés, tout en restant dans les clous en ce qui concerne la présentation des médicaments, qui doivent être accessibles par un onglet spécifique. « Plus vous avez de références, plus vous avez de chances d’être visible. Encore faut-il les avoir en stock », note Cédric Morelle. Mais ce n’est pas suffisant : « Dans un contexte très concurrentiel, la capacité à générer du trafic, et donc à être en bonne position dans les résultats des moteurs de recherche, est primordiale et repose sur la différenciation plutôt que sur la guerre des prix », affirme le consultant, qui rappelle que le référencement payant est banni dans le domaine du médicament. Sur la forme, cela passe par une réflexion sur l’architecture et l’ergonomie du site, la déclinaison d’une charte graphique… Sur le fond, divers services s’imposent (fiches conseil, interface de questions/réponses, traduction en plusieurs langues, applications pour smartphones…) à côté des outils recommandés par l’arrêté des bonnes pratiques (voir encadré ci-dessous). Attention, les forums de discussion sont proscrits !
4 Sécuriser la relation avec les clients
Le pharmacien désireux d’ouvrir son site de vente en ligne doit ainsi avoir préalablement obtenu l’autorisation de l’agence régionale de santé dont il dépend, et, une fois celle-ci acquise, informé l’Ordre des pharmaciens de son projet. Le site lui-même devra mettre à disposition un certain nombre d’informations attestant de son affiliation à une officine physique et de son agrément par les pouvoirs publics. L’arrêté des bonnes pratiques préconise en outre la soumission d’un questionnaire de santé au patient avant toute commande, et la création d’un espace privé pour l’enregistrement de celles-ci, ainsi que la mise en place des outils nécessaires à la traçabilité et à la confidentialité des échanges avec le professionnel de santé.
La sécurisation de la dispensation passe également par le contrôle automatique en temps réel des interactions médicamenteuses et des seuils de commande considérés comme dangereux d’une même spécialité. A noter que les serveurs utilisés pour abriter des données personnelles de santé doivent avoir reçu un agrément en ce sens. L’avocat Pierre Desmarais soulève toutefois un point qui n’a pas été clairement réglé par l’arrêté des bonnes pratiques : l’authentification de l’identité du patient. A ce titre, la délivrance recommandée par l’arrêté, avec un code d’accès et l’attribution d’un certificat électronique, « est une procédure complexe et coûteuse, d’où une réelle difficulté pour les sites à se mettre en conformité », déplore le juriste
Un investissement à géométrie variable
« Le pharmacien un peu débrouillard sur Internet et muni d’un certificat de vendeur électronique obtenu auprès de sa banque peut commencer à envisager la création d’un outil de vente en ligne à moindre coût, note Cédric Morelle. Mais un projet plus sérieux et plus solide passera par un investissement largement plus conséquent, soit au moins 10 000 euros pour un objectif supérieur à 100 visiteurs par jour et jusqu’à 200 000 € en fonction des prestations », indique le consultant, qui conseille de recourir à une plateforme open source comme en proposent Prestashop ou Magento. En matière de prestataires, faire appel à un free lance vous coûtera environ 500 € par jour, en misant sur environ vingt jours de travail. Une agence web spécialisée comme Itek Pharma affiche des tarifs allant jusqu’à 24 000 €, en incluant si nécessaire l’hébergement agréé des données de santé. Il faut savoir que ce dernier point peut représenter un budget non négligeable même si les prix tendent à baisser. La rentabilité, elle, est envisageable « à un horizon de 3 à 5 ans », estime Cyril Tétard. Lancé fin 2012, son site, qui mobilise 11 personnes dont 6 à temps plein pour 80 commandes par jour, réalise aujourd’hui 50 % du CA de l’officine (1 M€) et a atteint le point d’équilibre en octobre dernier.
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