La croissance en ligne de mire

Comme l’ensemble du secteur de l’e-commerce, nous avons enregistré une hausse importante du trafic et des ventes sur nos sites pendant les confinements, mais aussi depuis l’instauration du couvre-feu à 18h », souligne, en préambule, Cyril Tétart, le président de l’Association française des pharmacies en ligne (Afpel), qui fédère aujourd’hui une vingtaine d’adhérents. Sur le site lasante.net qu’il dirige, la fréquentation a augmenté de près de 50 % entre les mois de décembre 2019 et 2020. « Le panier moyen est resté stable, autour de 40 €, et la répartition des ventes est toujours de 55 % pour la parapharmacie et 45 % pour le médicament », confie-t-il. Chez Pharmagdd, qui fait la course en tête des sites français, devant Lasante.net et Pharmashopi, le trafic a aussi fortement progressé. « L’année dernière, nous avons enregistré plus de 2 millions de visiteurs uniques. Aujourd’hui, nous sommes sur un rythme de croisière de 800 commandes par jour », confie Philippe Lailler, le titulaire de la pharmacie de la Grâce de Dieu à Caen (Calvados).

Une évolution partie pour durer.

Cette croissance est en partie liée aux ventes de produits associés au Covid-19, qui ont littéralement explosées. A tel point qu’aujourd’hui, un colis sur deux contient des masques, des gels hydroalcooliques ou des thermomètres. Cyril Tétart se montre toutefois confiant pour la suite. « Le jour où la crise sanitaire sera derrière nous, les gens retrouveront un rythme de vie normal, pronostique-t-il. Tout l’enjeu pour nos sites sera de maintenir le trafic, en travaillant notamment nos bases clients, qui commencent à atteindre des tailles significatives. Sur lasante.net, nous avons plus de 200 000 clients enregistrés. J’ai donc bon espoir que l’activité continuera de progresser. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit après le premier confinement, mais à un rythme moins soutenu », précise le président de l’Afpel. Même constat chez l’acteur belge, Pharmasimple, (qui a repris 1001 Pharmacies en 2019), dont le C.A a cru de 61 % sur l’ensemble de l’année 2020, pour atteindre 45,2 M€. Au deuxième semestre, il a poursuivi son évolution à + 10 % malgré le déconfinement des populations et la réouverture des magasins physiques.

Les sites internet étrangers explosent.

Une surperformance qui rend Philippe Lailler beaucoup moins optimiste sur le long terme. « Les croissances et les C.A générés par les pharmacies en ligne françaises constituent une goutte d’eau, par rapport aux autres pays européens ou, aux Etats-Unis, avec Amazon Pharmacy, explique-t-il. Quand je réalise 800 commandes/jour, le site shop-pharmacie de l’Allemand Shop Apotheke en fait, lui, 40 000. Et, il est deux fois plus petit que le Suisse Zur Rose et ses 1,7 milliard de francs suisses de C.A en 2020. Des mastodontes sont en train de se constituer à nos portes et de nous tailler des croupières sur le marché français, car, eux, ne sont pas soumis à une réglementation qui freine le développement de leurs pharmacies en ligne. Si on ne nous donne pas les moyens de lutter à armes égales, ces géants finiront par capter l’essentiel du marché français et menaceront aussi les pharmacies physiques, car si les ventes sur internet ne représentent que 1 % du marché des médicaments en France, elles atteignent déjà 16 à 17 % en Allemagne », conclut-il.