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Internet ne remplacera jamais les bons conseils de son pharmacien

Publié le 1 juin 2016
Par Peggy Cardin-Changizi
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A l’ère du e-commerce, la tradition a du bon. C’est ce positionnement que défend Violette Watine. Pionnière de la cosmétique bio ou encore de la vente en ligne, elle a su se faire un nom dans le monde de la distribution. Et tire de son expérience des leçons pour la pharmacie.

« Pharmacien Manager ». Quel point commun entre les univers que vous avez côtoyés ces dernières années, à savoir la cosmétique, l’artisanat, la maternité et le sous-vêtement ?

Violette Watine. Lorsque je travaillais chez Lancôme dans le groupe l’Oréal, j’ai eu une prise de conscience écologique qui m’a amenée à changer mes habitudes. Elle m’a notamment incitée à changer d’orientation professionnelle afin de pouvoir mettre mes valeurs au service d’un travail, et de changer le monde à mon échelle. J’ai eu à cœur de me lancer dans l’entreprenariat éthique. Tout d’abord, j’ai voulu mettre mon savoir-faire cosmétique au service du bio et j’ai créé Mademoiselle bio. A partir de là, je disposais d’un fort savoir-faire digital que j’ai essayé de développer dans le milieu de l’artisanat français, puis dans l’univers de la femme enceinte.

P.M. Aujourd’hui avec le Slip Français, vous rénovez l’image d’un accessoire encore jugé « ringard » il y a peu, quel est votre secret ?

V.W. Le Slip Français est une marque qui a su fédérer une communauté en ligne avec humour et audace. Elle ose créer des slips en France. Et ce n’est pas forcément le premier produit mode que l’on imagine pour la France ! Mais on a su le faire avec un vrai parti pris de qualité, d’exigence et un certain « life style ». C’est un vrai pari que de redonner à l’achat d’un slip une dimension sociale. On ne fait pas qu’acheter français en achetant un sous-vêtement du Slip Français. On achète aussi un beau produit, indémodable, avec des jolies coupes, des beaux imprimés. On se fait plaisir et ça il ne faut pas l’oublier.

P.M. Capitaliser sur le made in France pourrait-il selon vous s’appliquer à l’officine ?

V.W. Est-ce là ce qu’attendent les patients et consommateurs d’un pharmacien ? Sur de l’aromathérapie ou la phyto, oui certainement. Les gens souhaitent que les plantes soient cultivées en France dans la plus pure tradition bio et naturelle. Du côté des médicaments, on a beaucoup de groupes pharmaceutiques qui sont français et qui fabriquent en France. Mais ce n’est pas toujours ce qu’ils revendiquent.

P.M. Avec DaWanda, vous avez été une pionnière des plateformes de vente en ligne. Ce concept peut-il s’appliquer à la pharmacie ?

V.W. DaWanda est une place de marché réservée à l’artisanat et au fait-main. Ce concept peut se développer en parapharmacie. Ça existe déjà. Et ça induit d’ailleurs une bataille sur les prix. Or je pense que la pharmacie a beaucoup plus à apporter sur Internet que simplement du prix.

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P.M. Les pharmaciens ont-ils justement une carte à jour sur le net ?

V.W. Oui absolument ! Même si Internet ne remplacer jamais les bons conseils de son pharmacien, c’est un canal de vente complémentaire au réseau des points de vente physiques. Il faut réussir à développer son activité à 360 degrés : web + magasin. Il faut concevoir le web au-delà de la vente en ligne, comme un moyen d’engager ses clients, son audience et sa communauté autour de sujets qui nous tiennent à cœur. Dans l’univers de la pharmacie, cela peut se traduire par conseiller des remèdes ou encore valoriser le savoir-faire. Il y a de nombreuses spécialités issues de la pharmacie qui ont été délaissées, comme l’herboristerie par exemple. On pourrait les retrouver sur une pharmacie en ligne, avec une approche didactique.

P.M. L’approche multicanale est-elle utile aujourd’hui pour une officine ?

V.W. Le web peut permettre à l’officine de limiter l’affluence aux périodes de pointe. Grâce à un système de drive ou de click & collect par exemple, le patient peut scanner son ordonnance ou sa commande à son pharmacien, qui va lui préparer d’avance. Et le client n’aura plus qu’à venir la retirer.

P.M. Comment une TPE peut-elle émerger sur le net ?

V.W. Le gros avantage d’un commerce physique, c’est qu’il dispose d’une clientèle existante. L’entreprise peut déjà partir de sa communauté de clients et travailler de manière géolocalisée à travers des campagnes locales et ciblées. C’est une approche efficace.

P.M. En 2006, vous créé Mademoiselle bio. Pourquoi le succès a-t-il été au rendez-vous ?

V.W. Ça n’a pas été si facile au début ! Mais le concept était novateur en son temps, puisque Mademoiselle bio présentait une cosmétique bio de qualité, comparable à de la cosmétique conventionnelle haut de gamme. Par ailleurs, je proposais un espace de conseils à travers un blog qui permettait d’expliquer le sens de l’approche bio… Du coup, les personnes qui n’achetaient pas bio pouvaient suivre les débats et faire leurs choix en pleine conscience.

P.M. La pharmacie n’a pas complètement exploité le secteur du bio. Est-ce une erreur ?

V.W. Pour moi il y a deux niveaux concernant le bio en pharmacie. D’une part, la cosmétique bio, que le réseau n’a pas développé. Car les marques ont désinvesti ce segment. Les pharmaciens n’ont pas été sensibilisés sur ce sujet. C’est encore un secteur de niche qui ne parle pas à tout le monde. D’autre part, et on en parle moins, il s’agit de la pharmacie traditionnelle – aromathérapie, herboristerie, phytothérapie… – qui donne de très bons résultats. La pharmacie a encore un énorme rôle à jouer sur ces médecines alternatives.

P.M. Qu’attendent avant tout les clients de leur pharmacien, selon vous ?

V.W. Ils veulent avant tout de l’humain, de l’empathie et de la relation comme dans tout commerce de proximité. Mais en plus de la proximité, ils recherchent en officine de l’expertise, de l’accompagnement, du conseil. Attention cependant, le client attend un conseil objectif et non pas un conseil guidé par l’objectif d’une meilleure rentabilité.

L’INVITÉ

Violette Watine

DIRECTRICE DU DÉVELOPPEMENT DU SLIP FRANÇAIS

→ Après 8 années passées au marketing de grands groupes (Procter & Gamble, L’Oréal), Violette Watine crée l’enseigne multicanale Mademoiselle bio en 2005. Pionnière du e-commerce, elle développe en 2012 la plateforme Internet de créateurs DaWanda. Mais l’aventure ne s’arrête pas là : en 2014, elle intègre Envie de Fraises, la marque de mode pour femmes enceintes. Et vient de rejoindre le Slip Français. Des projets toujours respectueux des hommes et de la nature.