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Il faut qu’Internet rentre dans la vie des commerces
Bouleversé par internet et la démocratisation des smartphones, le commerce doit se réinventer en testant de nouveaux services, estime Catherine Barba.
Serial entrepreneur, Catherine Barba a créé deux sociétés de e-commerce, revendues aujourd’hui. Elle vit actuellement à New York où elle a bâti un observatoire de l’innovation dans le commerce, baptisé PEPS LAB. Elle a écrit plusieurs ouvrages, parmi lesquels « Le magasin n’est pas mort », en 2013. Cette jeune quadra se définit ellemême comme la « mamie du Net ».
« Pharmacien Manager ». Quelles sont les grandes tendances du retail aujourd’hui ?
Catherine Barba. Aujourd’hui, tous les commerces, quels que soient leur activité ou leur taille, sont convaincus de la nécessité de se transformer. On ne se demande plus pourquoi le faire, mais comment ? Parmi ceux qui ont le plus avancé dans le domaine, on distingue trois cas de figure. Le premier est celui du dirigeant qui a une culture du digital. Il a pris le temps d’apprendre le numérique et de recruter un stagiaire pour enrichir sa page Facebook ou autre. Le deuxième cas de figure est issu des commerçants qui ont une culture client. Pour eux, le commerce est une activité noble. Toujours prêts à rendre service, ces dirigeants se mettent à la place du client. Au patient qui a 40°C de fièvre, ils proposent spontanément de lui livrer ses médicaments à domicile… Ou, troisième cas de figure, ce sont des entrepreneurs qui réfutent le principe “business as usual” (les affaires continuent), c’est-à-dire que leur objectif n’est pas de faire mieux que l’année précédente sur des indices de vente, mais de se réinventer sans hésiter à sortir de sa zone de confort…
P.M. Aujourd’hui, en France, l’économie d’une pharmacie repose davantage sur la vente de produits que sur le service. Ce système peutil perdurer ?
C.B. Impossible ! Et ce, sur aucun marché. Les produits sont des commodités. àmoins de proposer un produit vraiment unique, tout le monde vend la même chose. La valeur ajoutée porte sur le service. L’enjeu du commerce relève du type de services apporté aux clients. Certains vont choisir de faire évoluer les connaissances du client, d’autres de tisser un lien social, d’autres encore d’être ludiques… Selon sa stratégie, le commerce va organiser des ateliers et mettre en relation les clients entre eux… Tout reste à inventer. Cela représentera 75 % de la marge des entreprises dans dix ans. Par exemple, je suis étonnée qu’à l’hôtel, on ne trouve pas des vêtements dans les placards. Or, au moment de la réservation et sur les réseaux sociaux, ce serait facile de comprendre les goûts du client. Pourquoi l’hôtelier ne deviendrait-il pas vendeur ou loueur de vêtements ? L’idée, c’est de sortir de son métier de base.
P.M. On parle beaucoup d’expérience client. Quel sens donnez-vous à ce concept ?
C.B. Il y a deux sortes d’expériences. Celles utiles, pratiques, immédiates, qui rendent service au consommateur, comme le Click & Collect. Ou encore, Amazon Go, qui prélève directement le montant des achats sur le compte, sans que le client n’ait besoin de sortir sa carte bancaire… Et les expériences, qui relèvent davantage de l’émotion, du rêve, du plaisir ou encore de l’apprentissage. Comment faire vivre au client un moment “comme à la maison” ? Autrement dit, devenir un lieu de vie et pas seulement un endroit où acheter… Et ça, aucun site Web ne pourra jamais l’offrir. Pour l’achat d’une moto, j’ai accompagné mon mari chez The Bike Shed, un concept store où se mêlent des motos, un restaurant, un barbier, etc. Un mélange des genres autour d’un centre d’intérêt : la moto. Je pense qu’à l’avenir, on se dirige vers ce genre de commerces. Tout reste à inventer, d’où l’importance de faire preuve de curiosité, de regarder d’autres univers. Bientôt, j’imagine que la pharmacie, aussi, sera surprenante. C’est valorisant de créer la surprise !
P.M. Que faut-il choisir entre faciliter la venue des clients dans son magasin (webto-store) et stimuler la vente en ligne ?
C.B. L’important est de donner le choix. Vous aimez pouvoir acheter un livre en pleine nuit et vous le faire livrer rapidement. à d’autres moments, vous rendre en librairie et échangez avec un vendeur. Au final, il sera primordial d’orienter les consommateurs vers ce qui rapporte le plus. Si le panier moyen est plus élevé en magasin qu’en ligne, il faut inciter les clients à se déplacer. Il faut connaître le montant des dépenses, le profil des cyber-consommateurs et ceux qui se déplacent, surveiller leurs fréquences d’achat et les taux de conversion. En fait, il faut être obsédé par les chiffres.
P.M. Quelle est votre expérience de la pharmacie française ?
C.B. C’est souvent un bric-à-brac. On a envie de dire : “Range ta chambre !” C’est devenu plus facile d’acheter sur le Net ! Les gammes sont restreintes en officine, alors qu’on a accès à un assortiment infini avec une simple tablette. Les conseils et l’accueil restent aussi aléatoires. Mais, la modernisation ne consiste pas à poser des écrans partout. Il s’agit plutôt de proposer un accès facile et rapide ou une expérience d’inspiration, de plaisir, de conseil, selon le besoin du client. Dernière chose : après un passage en pharmacie, curieusement, on ne me demande jamais, par e-mail ou autres, si j’ai apprécié le produit que j’ai acheté.
P.M. Quels sont les points forts/faibles des petits commerces aux états-Unis ?
C.B. Là-bas, les commerçants vous accueillent avec un immense sourire. Ils ont cette capacité à vous “claquer” la bise, vous appeler par votre prénom, voire s’esclaffer “honey » ou “darling” (chérie…). C’est un peu factice, mais c’est culturel ! Par ailleurs, ils ne disent jamais « non » et trouvent toujours une solution : commander en ligne, se faire réapprovisionner… Ils vous laissent aussi leur carte de visite. Et si vous leur donnez vos coordonnées, certains vous envoient un SMS pour prendre des nouvelles, annoncer une nouveauté… Si vous trouvez ces informations intrusives, il suffit de le signaler et ils arrêtent de vous écrire. Même si, avec cet acte, ils espèrent faire revenir le client.
P.M. En France, les petits commerces ontils raté quelque chose ?
C.B. J’ai rencontré beaucoup de commerçants qui déploraient la concurrence du Net, sans pour autant changer leurs habitudes […] Il faut se mettre à l’heure du client. Internet est rentré dans la vie des clients, il faut qu’il rentre dans la vie des commerces.
FONDATRICE DEPEPS LAB, OBSERVATOIRE DE L’INNOVATION DANS LE COMMERCE
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