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Des obstacles bloquants pour les pharmaciens

Publié le 30 novembre 2013
Par Stéphanie Bérard
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L’entrée en vigueur des bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique a ouvert la porte de l’e-commerce aux pharmaciens. Pourtant, les verrous sont si nombreux qu’ils peuvent faire obstacle au développement des sites. Analyse critique des textes par Etienne Wéry, avocat associé du cabinet Ulys.

La vente de médicaments, même non soumis à prescription, n’est pas un commerce comme un autre. C’est donc en toute logique, dans un objectif évident de santé publique, que cette nouvelle activité a été rigoureusement encadrée. Mais le mieux n’est-il pas l’ennemi du bien ? Le « Guide des bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique » semble, parfois, en avoir trop fait, mettant en place des verrous de nature à dissuader les pharmaciens les plus enclins à investir le web. C’est ce qu’a tenu à mettre en avant Etienne Wéry, avocat associé du cabinet Ulys, lors d’une conférence, organisée à l’intention des officinaux, intitulée « Pharmacie en ligne, que peut-on faire ».

De nombreux points de blocage

D’abord, le « Guide des bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique » souhaite qu’un « échange interactif » soit mis en place entre le pharmacien et son patient. « C’est un terme confus, analyse Etienne Wéry. Un mail peut-il être considéré comme un échange interactif ? Une telle exigence n’a pas de sens et peut poser problème au pharmacien dans la pratique. » Autre point de blocage : le nom de domaine. En effet, le texte recommande que « l’adresse du site Internet de l’officine comprenne le nom du pharmacien ». Or, « cette précaution est disproportionnée », s’insurge l’avocat. En effet, le nom d’un site est primordial dans sa notoriété sur la Toile. Dans ce cas de figure, il changerait pourtant à chaque nouveau titulaire.

Par ailleurs, Etienne Wéry voit dans l’interdiction de faire de la publicité pour les e-pharmacies un process particulièrement handicapant. « La France est l’un des pays les plus frileux en la matière. L’essai de repenser la relation entre le pharmacien et la publicité a été manqué. Or, promouvoir un site diffère de la publicité sur un médicament. » D’autant que les sites de parapharmacie qui ne sont pas adossés à une officine ainsi que les sites étrangers peuvent, eux, faire la promotion de leur site web.

La confidentialité des échanges fait également partie des obligations inscrites dans le « Guide des bonnes pratiques ». Or, la correspondance entre le pharmacien et le patient doit faire l’objet d’un chiffrement par le biais notamment d’une signature numérique. « Cette obligation est très dissuasive pour le patient. Qui aujourd’hui utilise des signatures électroniques pour ses échanges mails ? » Enfin, il n’est pas possible, comme un autre site d’e-commerce, d’avoir de liens sponsorisés. « La recherche de référencement dans des moteurs de recherche ou des comparateurs de prix contre rémunération est interdite », indique le « Guide des bonnes pratiques ». Et Google veille au grain. « Il est très vigilant sur ce point et refuse tous les référencements qui viennent de sites de pharmacies. »

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La solution viendra des réseaux organisés

Toutes ces limites sont d’autant plus contraignantes qu’en dehors des frontières les verrous sautent. « Le médicament est une marchandise qui dispose, en tant que tel, d’une liberté de circulation sur le marché européen. Par conséquent, on ne peut pas interdire à un site marchand étranger de vendre en dehors de ses propres frontières. » D’autant qu’en matière de publicité, un site étranger est soumis à sa réglementation nationale. Qui, souvent, est plus libérale que dans l’Hexagone.

Face à ces verrous, des solutions existent-elles pour faciliter le développement des e-pharmacies ? Etienne Wéry est plutôt sceptique. « Elles viendront des groupements et des réseaux qui constitueront des sites marchands. Même s’ils ont des contraintes identiques, ils pourront réaliser davantage d’économies d’échelle. » Mais la vraie solution est ailleurs. « Elle viendra d’une pression sur l’Ordre des pharmaciens pour que celui-ci cesse d’être frileux », murmure l’avocat.

Pour le moment, en tout cas, seuls 70 pharmaciens se sont lancés dans l’aventure du web. « Ces contraintes font peur. Il faut préparer le terrain en amont avec l’aide d’un avocat », confie un pharmacien parisien venu assister à la conférence.