Un service postal cher payé
Depuis 2010, La Poste propose directement aux pharmaciens un service de portage de médicaments à domicile. Une prestation jugée onéreuse par ceux qui l’ont expérimentée. Le point en Auvergne et dans l’Aveyron.
Lancée en novembre 2010, l’expérimentation de portage de médicaments à domicile dans le Puy-de-Dôme ne suscite pas l’engouement. Le conseil général a, en effet, signé une convention avec La Poste pour six mois afin de prendre en charge le coût du portage pour les personnes les plus fragiles. Cette convention s’appuie sur Facteur Services Plus, une prestation proposée aux pharmaciens depuis l’été 2010 (voir encadré ci-contre).
« C’est une initiative purement locale. Chaque département est maître de sa politique de solidarité sur son territoire. La disparition du service gracieux de La Poste n’avait pas manqué d’inquiéter les personnes les plus isolées. Nous avons donc décidé de mettre en place une expérimentation, entre novembre 2010 et mai 2011, dans deux zones tests, Ambert et Pontaumur, qui comptent 76 communes rurales, souligne Jean-Luc Coupat, conseiller général et… postier de son état. Dans le cas où le pharmacien facturerait les frais d’envoi des médicaments à son client, le conseil général prend en charge ces frais pour les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie ou de la prestation de compensation du handicap. Nous ferons ensuite un bilan afin d’envisager s’il est judicieux d’étendre les zones d’intervention à l’ensemble du département. »
Une convention qui n’emporte pas l’adhésion
Sur les zones d’Ambert et Pontaumur, seulement trois pharmaciens ont jusqu’à présent signé la convention avec La Poste et participent à l’expérimentation du conseil général. Isabelle Zimmer, à Saint-Amant-Roche-Savine, a utilisé quelques-unes des vignettes à 4,20 euros de La Poste pour l’acheminement des médicaments, mais n’a encore fait aucune démarche pour le remboursement des frais d’envoi par le conseil général. Un autre pharmacien, Rachid Bouhloul, à Montel-de-Gelat, n’a pas encore acheté les vignettes : « Ce nouveau service aura certainement son utilité, même si, en montagne, les gens sont rarement pris de court. » Tous les deux pensent cependant que « la tarification mériterait d’être réétudiée » compte tenu de leurs réels besoins, à savoir un dépannage pour une ou deux boîtes de médicaments.
Au niveau régional, on se montre aussi circonspect. « A aucun moment nous n’avons été informés de cette initiative unilatérale de La Poste, regrette Véronique Michot, présidente du conseil régional de l’Ordre d’Auvergne. Je n’ai pris personnellement connaissance de la convention qu’au retour de celle signée par une consœur du Puy-de-Dôme, la seule jusqu’à présent. Je rappelle à cet égard que, selon le Code de la santé publique (article R. 4235-60), tout pharmacien signant une quelconque convention, quelle qu’elle soit, doit en tenir informé le conseil de l’Ordre dont il relève. »
François Maeder, président du syndicat majoritaire dans le Puy-de-Dôme, l’USPO, invite quant à lui les pharmaciens à ne pas se précipiter. « Que La Poste, qui va perdre le monopole de la distribution du courrier, cherche à développer son activité, rien de plus normal, explique-t-il. Cela fait plusieurs années que l’on négocie avec elle, au niveau national, sur cette problématique du portage des médicaments aux personnes isolées. Mais nous n’avons jamais accepté de signer la convention parce que nous la jugions trop contraignante, notamment en ce qui concerne la livraison du colis le matin au centre de tri avant que le facteur ne parte faire sa tournée. Maintenant, La Poste fait le forcing auprès des pharmaciens. Alors prudence ! »
Pour La Poste, l’opération s’avère néanmoins positive. « Le service que nous proposons se révèle pertinent, notamment pour les personnes âgées qui ont des renouvellements d’ordonnance lourds et qui ne peuvent pas se déplacer. Nous n’avons pas le monopole du transport du médicament, mais l’image du facteur, en tant qu’acteur de proximité, et le sentiment de confiance à son égard restent des valeurs sûres, détaille Sylvie Bérodias, responsable de la communication à la Direction du courrier Auvergne. Aussi bien les pharmaciens signataires que les clients n’ont aucun doute sur la sécurisation du process et sur la livraison des colis aux bonnes personnes. Nous avons établi des normes de sécurité comme ne pas laisser des médicaments derrière un pare-brise, etc. »
La Poste n’a pas encore contacté toutes les pharmacies mais, depuis juillet, 22 conventions ont été signées en Auvergne : 11 dans le Cantal, 8 dans le Puy-de-Dôme et le reste dans l’Allier et la Haute-Loire. Reste à convaincre tous les autres pharmaciens.
Rappel
Facteur Services Plus, encadré par une convention entre La Poste et le titulaire, permet au pharmacien d’acheter un carnet de 20 vignettes en port payé d’avance de 84 € TTC. Les produits de la chaîne du froid, les stupéfiants et assimilés ou les médicaments trop urgents sont exclus du service. Cette convention a été proposée à l’Ordre et aux syndicats, mais ces derniers n’ont pas pu négocier de meilleures conditions tarifaires. Cependant, chaque titulaire a la liberté d’y adhérer (voir « Le Moniteur » n° 2836).
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