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Un jour, m   on appli santé rembours   ée viendra…

Publié le 21 avril 2018
Par Magali Clausener
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En Belgique, 24 applications en santé mobile vont être remboursées de façon expérimentale. En France, alors que l’e-santé ne se développe pas à la vitesse 4 G, un tel projet suscite réflexions et débats. Sans aboutissement immédiat.

C’est en 2013 que le gouvernement belge a lancé son premier « Plan d’action e-Santé ». L’objectif ? Déployer l’e-santé : dossier médical numérique, prescription électronique, accès des patients à leurs données, traçabilité des implants et médicaments. Parmi les 20 points d’action du plan actualisé en 2015, figure également la « mobile health » ou « m-health ». L’idée est d’innover et de développer des applications mobiles de santé (matériel et logiciel) permettant « au patient, à son entourage et aux différents dispensateurs et différentes parties prenantes de collecter, de visualiser, de stocker, de partager et d’utiliser intelligemment, 24 heures sur 24, des informations et données relatives à la santé et au bien-être », peut-on lire dans le document détaillant le « point d’action 19 » consacré à la santé mobile. Celle-ci englobe donc toutes les applications de bien-être et de santé rendues possibles par les services et appareils de communication mobile : smartphones, tablettes, bracelets, podomètres, montres intelligentes, applications intégrées aux vêtements. Pour mener sa politique, la Belgique a lancé un appel à projets fin juin 2016 et en a sélectionné 24 dans cinq domaines précis (cardiovasculaire, diabète, douleurs chroniques, santé mentale, AVC). Leur évaluation finale s’est achevée en février 2018. Le gouvernement va maintenant définir un cadre légal et examiner comment la santé mobile peut être intégrée dans le modèle de remboursement. Aucun calendrier n’a pour l’instant été arrêté mais, pour parvenir à ses objectifs, le gouvernement belge n’a pas hésité à mettre sur la table 3,25 millions d’euros uniquement pour les applis.

Labellisation et bénéfice avéré

Et en France ? Les applications santé « que proposent actuellement l’Assurance maladie renvoient vers des services aux professionnels de santé (informations nomenclatures) et assurés (coaching), elles sont gratuites », précise-t-on à l’Assurance maladie. Seules des applications santé intégrées au sein d’un dispositif médical sont remboursées après évaluation par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la Haute Autorité de santé (HAS). Et la plupart des applis sont liées à de la télésurveillance (pour l’insuffisance cardiaque, respiratoire, rénale et les personnes diabétiques). A l’instar de FreeStyle Libre Link qui permet de remplacer le lecteur simplement en scannant le capteur avec son smartphone. Syntec Numérique, le syndicat qui regroupe les entreprises de services du numérique, va pourtant plus loin en estimant que les applis, sans même l’intervention d’un professionnel de santé, pourraient rentrer dans le champ de l’Assurance maladie, notamment pour la prévention ou le suivi des maladies chroniques. Pour autant, plusieurs conditions seraient nécessaires. « Déjà, si l’on veut de bonnes applis, la gratuité n’est pas de mise. Deuxièmement, on ne peut pas tout rembourser. Une application mobile doit donner un certain nombre de garanties, les personnes doivent avoir confiance », explique Isabelle Zablit, du comité santé de Syntec Numérique. Des réflexions sur ce sujet ont notamment été menées dans le cadre du comité stratégique de filière de la santé. Le groupe de travail 28 (GT 28), auquel participent Syntec Numérique, le Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem) et le Leem (représentant l’industrie pharmaceutique) a été constitué au sein du comité afin de travailler sur la thématique de la santé mobile. Fin 2016, il a diffusé son rapport : « Créer les conditions d’un développement vertueux des objets connectés et des applications mobiles en santé ».

Pour le GT 28, « la prise en compte d’objets connectés ou d’applis (OC/apps) dans le cadre d’une prise en charge – ne serait-ce qu’une simple recommandation d’usage faite à un patient par un professionnel de santé – nécessite de s’assurer de son innocuité ainsi que de la véracité des conseils formulés et des mesures réalisées ». Trois prérequis sont ainsi nécessaires : la fiabilité médicale – qui recouvre une collecte de données justes et précises et des recommandations « au moins non-nocives »–, la protection des données et la cybersécurité (le rapport cite le cas de failles de sécurité pour les pompes à insuline connectées).

Pour s’assurer que ces prérequis sont respectés et que les consommateurs sont protégés, le GT 28 propose plusieurs axes. Le premier consiste à mettre en place un « droit souple » qui doit permettre le développement d’innovations dans le respect des lois, normes, standards, et du droit européen. Le deuxième vise à une labellisation des applis santé avec l’élaboration d’un « référentiel de labellisation facultative sous la forme d’un ensemble d’exigences à satisfaire », sachant que les développeurs devront appliquer le règlement général de protection des données (RGPD) cette année (voir « Repères » p. 16). Ce référentiel permettrait également un contrôle de conformité par des organismes certificateurs. Enfin, le GT 28 propose aussi de travailler sur la notion de « bénéfice avéré » pour le patient, les acteurs du système de santé, les financeurs, et les méthodes pour prouver ce bénéfice avéré. Les applis apportant un bénéfice avéré pourraient ainsi être promues. Trois modalités de promotion sont avancées : les appels d’offre publics, le remboursement, les actions de l’Etat comme le fait de valoriser les technologies françaises.

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Prendre l’exemple des Belges

Qu’en est-il plus d’un an après ? Si la HAS a élaboré 101 règles de bonnes pratiques pour les applis santé en novembre 2016, nous sommes loin, très loin d’une labellisation publique. « Pour l’instant, seules des plate-formes privées évaluent et labellisent des applis santé. Or, une labellisation par l’autorité publique serait un vecteur de confiance pour les applis », souligne Isabelle Zablit. Autre vecteur de confiance : le remboursement de certaines applis. « Cet acte de remboursement signifierait que l’appli répond à des exigences d’éthique, de solidité technique, à une valeur d’usage », observe-t-elle. Et d’ajouter : « Pour aller de l’avant, il faudrait suivre l’initiative belge, que les pouvoirs publics décident de rembourser des applis sélectionnées. Le GT 28 a aussi réfléchi sur un forfait innovation qui permettrait d’évaluer le bénéfice médical, économique et/ou la valeur d’usage sur les patients et sur l’organisation des soins et d’avoir un remboursement adapté aux résultats. Il faut être pragmatique. »

•  En Belgique, 24 applications en santé mobile vont être remboursées de façon expérimentale dans cinq domaines : cardiovasculaire, diabète, douleur, neurologie et psychiatrie. Le gouvernement y consacre 3,25 millions d’euros, uniquement pour les applis.

•  En France, pour l’instant, ne sont remboursées que des applications santé intégrées au sein d’un dispositif médical (DM).

•  Pour envisager un remboursement des applis, indépendamment du DM, trois prérequis sont nécessaires : fiabilité médicale, protection des données et cybersécurité.

•  Des réflexions sur un remboursement adapté aux résultats ont également été menées.

REPÈRES 

PAR MAGALI CLAUSENER – INFOGRAPHIE : FRANCK L’HERMITTE