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Revoici la prescription pharmaceutique

Publié le 18 novembre 2006
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Dossier pharmaceutique, traçabilité, déremboursements et MNU ont été évoqués lors de la Journée de l’Ordre. Ce dernier propose de maintenir un remboursement à taux modéré sous la réserve d’une prescription pharmaceutique formalisée.

Jean Parrot est impatient et il ne s’est pas privé de le faire savoir au ministre de la Santé, présent lors de la dernière Journée de l’Ordre, le 9 novembre : « Nous attendons avec impatience qu’une modification du décret du 2 juin 2006 permette l’installation et le fonctionnement effectif des différents conseils spécialisés prévus dans le domaine de la formation pharmaceutique continue obligatoire. » Le président de l’Ordre a réitéré auprès du législateur sa demande d’instituer un principe de « développement professionnel continu » associant évaluation et formation. Il a également pressé le ministre de donner suite aux deux propositions ordinales de décrets d’application de la loi du 2 août 2005 en faveur des PME (SEL regroupant dans une seule entité économique les moyens de deux ou trois officines, et majorité du capital détenu par les pharmaciens qui exercent dans une société exploitant une officine ou un LABM). « Le laisser-faire, ici, ne peut que compromettre, à court terme, une bonne part des atouts dont dispose notre pays avec ses pharmaciens. »

Ecrans solaires remboursés ?

Le président ordinal s’est également voulu force de propositions, en estimant nécessaire d’imposer pour tous les médicaments un principe de traçabilité, depuis leur fabrication jusqu’au patient, comme cela a été introduit pour les produits dérivés du sang et pour les médicaments vétérinaires. Objectif : lutter contre les contrefaçons. « Les outils techniques existent pour cela, ou seront bientôt disponibles, avec la coopération de tous les acteurs pharmaceutiques », a indiqué Jean Parrot. Le ministre a répondu qu’il travaillait avec les industriels et les pharmaciens pour « prendre des mesures efficaces » en ce sens. Autre suggestion, « maintenir le remboursement à un taux modéré des médicaments qui ont été ou qui doivent être déremboursés, sous la réserve d’une prescription pharmaceutique formalisée », afin d’éviter les risques d’une forte augmentation de leurs prix de vente ou de transferts de prescription vers des produits remboursés plus coûteux. Si le ministre n’a pas jugé bon de commenter cette proposition, il a tout de même indiqué que les déremboursements (1 milliard d’euros de plus chaque année) permettaient la prise en charge de nouveaux médicaments, notamment pour des traitements très onéreux. « Cela concernera désormais aussi des produits qui ne sont pas remboursés, mais qui sont indispensables à la survie de certains patients atteints de maladies graves et rares. C’est par exemple le cas des écrans solaires pour les enfants dits « de la lune », qui seront désormais pris en charge. »

Automédication signifie autonomisation du patient.

Qui dit déremboursements dit, normalement, médication familiale, laquelle ne représente que 31 % du marché des médicaments à prescription médicale facultative en France, contre 67 % en Allemagne et 90 % en Italie. « Je veux donner toute sa place à ce mode de prise en charge des troubles les plus courants. Mais cette autonomisation du patient ne peut se faire que dans le cadre de référentiels de bon usage, accompagnée par le conseil des pharmaciens. C’est le sens du groupe de travail sur l’automédication, dont les conclusions doivent m’être remises très prochainement », a indiqué le ministre, qui s’est engagé à travailler avec l’ensemble des professionnels concernés à une modération des prix des produits de santé pour lesquels celui-ci n’est pas fixé.

Enfin, Xavier Bertrand s’est félicité devant les confrères réunis de l’intégration des pharmaciens d’officine au sein des Comités départementaux de l’aide médicale d’urgence (les CODAMUPS), au même titre que les autres professions de santé. « Le décret afférent sera examiné le 14 novembre prochain par le Conseil d’Etat. Je compte sur cette nouveauté pour améliorer la coordination de soins de proximité. »

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Les MNU au menu

La présence du Dr Fodé Oussou Fofana, président de l’Inter-Ordres des pharmaciens d’Afrique, a poussé Xavier Bertrand à évoquer la question du recyclage des médicaments : « Le dispositif actuel, nous le savons, est très perfectible. Nous devons, dans la concertation, trouver le moyen de le faire évoluer afin d’assurer notamment la sécurité de la chaîne de tri et de distribution de ces médicaments, en France comme à l’étranger, mais surtout de continuer à apporter les thérapeutiques à ceux qui ne peuvent les acheter. » Il semble donc que le recyclage humanitaire doive être maintenu contre l’avis de l’Ordre et de l’Inter-Ordres africain ! Son président a d’ailleurs lancé un appel pour que « cessent les envois en Afrique de restes thérapeutiques des pays du Nord. Ces MNU posent beaucoup plus de problèmes, notamment en alimentant le marché illicite, qu’ils n’en résolvent, même si nous reconnaissons la bonne foi des associations ». Pour le Dr Fofana, seuls les médicaments essentiels sont recommandables. « Je prendrai très prochainement une décision sur le sujet », a indiqué laconiquement le ministre.

Le dossier pharmaceutique sera expérimenté en mars 2007 dans six départements

Le dossier pharmaceutique du patient (DP) sera, à terme, intégré au dossier médical personnel (DMP). Xavier Bertrand l’a réaffirmé lors de la dernière Journée de l’Ordre. Le ministre a d’ailleurs déposé au Sénat un amendement au PLFSS afin de lui donner un véritable support juridique. Le texte déposé prévoit que sa mise en oeuvre soit assurée par le Conseil national de l’Ordre et que « tout pharmacien d’officine est tenu d’alimenter le dossier pharmaceutique à l’occasion de la dispensation ». « Cette initiative permettra de réduire l’iatrogénie, d’encourager l’observance et de faciliter le suivi thérapeutique. » L’Ordre débutera les expérimentations au mois de mars 2007. Elles concerneront 600 pharmacies réparties dans six départements : l’Aisne, le Doubs, la Meurthe-et-Moselle, la Nièvre, le Pas-de-Calais et la Seine-Maritime.

La généralisation du dossier pharmaceutique est prévue dès le mois de juillet de la même année, tout comme le dossier médical personnel dont il est une des composantes.

Le DP concernera tous les assurés, toutes les pharmacies et contiendra l’historique des dispensations de tous les médicaments, qu’ils soient remboursables ou non, prescrits ou non. Accessible grâce à la carte CPS et à un identifiant patient, qui n’est pas encore défini, il sera consultable depuis le poste de travail. « Il sera accessible 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et en moins de 3 secondes après la requête du pharmacien », selon Sylvain Demfre, chargé de mission à l’Ordre. Tous les flux de données seront codés et chiffrés et chaque intervention sera horodatée. Les SSII travaillent à la configuration logicielle permettant d’exploiter le DP au comptoir et l’hébergeur du DMP. Le travail doit être bouclé et choisi début 2007.

En ce qui concerne le financement du DP, Jean Parrot a expliqué que, si l’Ordre finançait sur ses propres deniers le développement général, sa mise en place au sein des officines et les mises à jour informatiques qu’elle nécessitera seront supportées par chaque pharmacie. « Cela ne reviendra pas à plus de quelques dizaines d’euros par pharmacie et par an », a toutefois précisé Isabelle Adenot, présidente de la section A. – N.F. et T.P.