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Quels usages des nouveaux outils digitaux dans les missions officinales ?

Publié le 22 juin 2024
Par Matthieu Vandendriessche
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Espace numérique de santé, e-prescription, messageries sécurisées : les officinaux intègrent progressivement les outils numériques de santé dans la pratique quotidienne de leurs missions et dans leurs échanges avec patients et professionnels. Témoignages.

 

Laurie Mettavant

Pharmacienne titulaire à Gondreville (Meurthe-et-Moselle)

« Dans notre officine, la mise à jour du logiciel référencé « Ségur » remonte à l’été 2023. Cela s’est fait sans bouleverser notre quotidien au comptoir. Nous procédons à l’alimentation du dossier médical partagé (DMP) des patients pour les médicaments dispensés et les notes de vaccination. Pour les premiers, cela est fait automatiquement par le logiciel officinal. Pour la vaccination, une fenêtre apparaît au moment de la facturation ; on l’enregistre en cliquant dessus. C’est aussi ce qui se passe pour des entretiens courts avec une femme enceinte. Afin de gagner un maximum de temps, cela doit être géré le plus possible par le logiciel. Par ailleurs, nous alimentons le DMP, mais nous aimerions également pouvoir en bénéficier et nous y référer pour sécuriser la dispensation de spécialités dans certaines situations. A l’avenir, nous devrions pouvoir le consulter de manière plus simple qu’en ayant recours à notre carte professionnelle de santé (CPS) ou e-CPS. Il arrive encore que le DMP soit totalement vide. A terme, nous pourrions avoir accès aux bilans biologiques des patients, aux comptes rendus médicaux. Les médecins ne renseignent pas forcément le DMP faute d’avoir une version à jour de leur logiciel. Et les patients n’ont pas tous activé Mon espace santé. Lorsqu’on les vaccine, on en profite pour leur expliquer qu’il s’agit d’un carnet de santé en ligne très sécurisé qui regroupe toutes les informations qui les concernent et qu’ils doivent seulement l’activer puis s’y connecter pour y accéder. »

Thibault Tchilinguirian


Pharmacien titulaire à l’Escarène (Alpes-Maritimes)
« Les médecins commencent à déposer des comptes rendus de consultation dans l’espace numérique de santé (ENS) de leurs patients. Et depuis l’an dernier, les hôpitaux ont obligation d’y mettre les lettres de liaison de sortie. Les laboratoires d’analyses médicales alimentent aussi cet espace avec les résultats biologiques des patients. Cependant, comme les officines, ils se doivent de vérifier l’identité nationale de santé (INS) du patient bénéficiaire. Cela ralentit l’alimentation de l’ENS, mais, avec l’accord de la personne, je peux y trouver des résultats biologiques, ce qui me permet, par exemple, de valider la dispensation de la clozapine. Pour les bilans partagés de médication, je recherche les informations dans l’ENS, notamment le taux d’hémoglobine glyquée. Concernant les vaccins que je scanne et administre, le numéro de lot et la date de péremption s’inscrivent directement dans l’ENS. L’avantage par rapport au dossier pharmaceutique, c’est que l’on peut non seulement retrouver la trace du vaccin délivré, mais aussi de l’acte vaccinal. Pour les entretiens pharmaceutiques et les bilans de médication, une fois le questionnaire de l’Assurance maladie rempli, un pop-up s’affiche et je n’ai qu’à cliquer pour l’envoyer sur l’ENS du bénéficiaire. Dans un avenir proche, les patients seront davantage acteurs de leur ENS. Aujourd’hui, il est peu rempli car l’INS n’a pas encore été qualifiée.

Par ailleurs, nous commençons à voir des e-prescriptions. Il ne s’agit pas de prescriptions médicales scannées et envoyées dans le DMP mais bien d’ordonnances numériques comportant un QR Code. Depuis décembre dernier, les médecins peuvent en rédiger pour des médicaments stupéfiants et assimilés. Cela apporte une sécurisation à la dispensation. Plus généralement, les e-prescriptions, ne sont pas toujours au point. Il peut y avoir des anomalies, donc des étapes supplémentaires si le prescripteur n’a pas indiqué la bonne présentation de médicament ou la marque générique référencée à l’officine


Enfin, nous utilisons une messagerie sécurisée organisationnelle. L’union régionale des professionnels de santé pharmaciens de Provence-Alpes-Côte d’Azur en fournit une gratuitement aux officines. Mais elle n’est pas encore intégrée au logiciel métier, qui en propose une payante. Cela viendra avec la seconde vague du Ségur du numérique en santé. Ainsi, quand je réalise un entretien court pour une femme enceinte, j’aimerais pouvoir lui envoyer une documentation par messagerie sécurisée. Pour le moment, je ne le fais pas car cela nécessiterait d’effectuer plusieurs manipulations. Ces messageries doivent encore se démocratiser. Le prérequis est que les patients les utilisent depuis leur ENS et que les pharmacies soient équipées de messageries organisationnelles. L’un des avantages de ces outils, c’est qu’elles nous permettent de joindre des prescripteurs hospitaliers. Leur retour peut être immédiat. Il m’est arrivé de recevoir rapidement la réponse d’un néphrologue là où auparavant il me fallait passer par l’intermédiaire de sa secrétaire médicale. »

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Fabien Brault-Scaillet



Pharmacien titulaire à Montargis (Loiret)
« Depuis longtemps, j’utilise une messagerie sécurisée de santé pour échanger avec différents professionnels de mon secteur, en particulier des médecins généralistes. Eux-mêmes me font parvenir leurs ordonnances dans la foulée de la consultation sur indication du patient. Je demande aussi aux patients de m’envoyer un scan de leur prescription en amont via une application avec messagerie sécurisée lorsqu’il s’agit par exemple de stomies, d’une longue liste en homéopathie ou de médicaments chers. L’ordonnance est préparée aux heures creuses pour l’officine et elle est facturée. De plus, les patients sont assurés qu’il ne manque rien lorsqu’ils viennent. Le temps passé avec eux doit servir à dispenser les médicaments, pas à s’occuper de l’administratif. Un autre avantage est d’anticiper sa venue et de connaître son besoin en amont. C’est ainsi que nous pourrons préparer, si nécessaire, des traitements à l’unité.

De nos jours, les pharmaciens se distinguent comme les professionnels qui adressent le plus les notes de vaccination dans les espaces numériques de santé via leur logiciel. L’étape d’après consiste à transmettre au médecin un compte rendu de ce qui s’est passé au comptoir. Et si nous sommes amenés à prescrire ou à réajuster un traitement, il faudra aussi en laisser la trace quelque part.


Actuellement, l’implication dans le numérique ne peut pas être totale. D’ailleurs, tous les patients n’y sont pas prêts. Pour avancer, il faut accepter de travailler avec un mix digital-papier. Depuis plusieurs années, je mets en place un entretien sur le sevrage tabagique. Le recrutement de la personne éligible se fait pendant le temps de présence au comptoir en flashant un QR Code et en remplissant le test de Fagerström en ligne. Puis le relais est pris par un formulaire papier pour aller plus loin dans l’entretien. »