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Les médecins montrent l’exemple

Publié le 15 décembre 2001
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Internet a toute sa place dans l’enseignement de la médecine. C’est la devise de l’Université Médicale Virtuelle Francophone, dont le projet a été lancé il y a plus de un an par plusieurs facultés. Un séminaire, organisé à Nice fin novembre, a fait le point sur les dernières avancées…

Ce n’est plus une utopie. L’utilisation de l’Internet dans l’enseignement médical fait l’objet, depuis mars 2000, d’un ambitieux programme : l’Université médicale virtuelle francophone (UMVF), née à la suite d’un appel à projets du ministère de la Recherche. A la tête du chantier, un consortium a regroupé à l’origine une petite dizaine de facultés de médecine et huit industriels (France Télécom, Archimed…). « Aujourd’hui, la totalité des facultés nous a rejoints », se réjouit le Pr Albert-Claude Benhamou (Pitié-Salpêtrière/Paris-VI), coordinateur national de l’UMVF.

Le séminaire « Internet et pédagogie médicale 2001 » (IPM), organisé les 22, 23 et 24 novembre dernier à Nice, a été l’occasion de faire le point : trois jours durant, médecins hospitalo-universitaires, praticiens hospitaliers, chefs de clinique, internes et étudiants en médecine se sont creusé les méninges, oscillant entre bilan des réalisations et réflexions sur le devenir de l’outil.

« L’UMVF est un travail de longue haleine dans un secteur où la formation est longue et sujette à de multiples réformes », justifie le Pr Pascal Staccini de l’université de Nice et coprésident du séminaire. Actuellement, chaque faculté développe son propre programme en ligne, « mais il faut que ce soit une plus-value pour la communauté médicale », renchérit Pascal Staccini. A Nice, par exemple, un atlas d’électrocardiogramme est mis en ligne pour les étudiants ainsi que les illustrations de cours textuels en anatomopathologie, ou encore un site de dermatopédiatrie avec l’ensemble des séminaires annuels et un contenu textuel mis à jour chaque année depuis six ans… Pour le Pr Staccini, « il faut apporter quelque chose qui n’existait pas ailleurs ». Autrement dit, pas la peine que chaque université copie sur l’autre. L’UMVF se donne donc pour objectif, entre autres, de fédérer cet existant.

L’enseignement commun ne peut qu’en être facilité

Mais ce n’est pas son seul objectif. Il lui faut également réfléchir à une bonne utilisation d’Internet. La médecine n’est pas la seule discipline concernée, et lorsqu’on évoque la possibilité d’un tronc commun entre la première année de médecine et celle de pharmacie, la réponse est toute trouvée : « Quel que soit le type d’organisation des études, le campus virtuel est un outil d’apprentissage. L’enseignement commun ne peut qu’en être facilité, explique Albert-Claude Benhamou. D’ailleurs, les facultés de pharmacie devraient se lancer dans le mouvement. Je suis prêt à les aider [NdlR : ce que fait déjà la faculté de Paris-XI, voir encadré]. »

« Internet, poursuit le Pr Benhamou, permet de multiplier les sources. Mais l’enseignant garde le choix de la méthode, précise-t-il. Il choisit de diriger ses étudiants sur tel ou tel site. » Pas question donc de mettre les enseignants de côté ou de créer un enseignement unique. « Bien au contraire, il s’agit d’un millefeuille où chacun continue à pourvoir dans sa discipline », renchérit-il.

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On ne « fera » donc pas médecine sur le Net, mais l’étudiant y trouvera un outil (riche) supplémentaire pour son apprentissage. Ce que Lionel Jospin a appelé un « thesaurus » lors d’un discours dispensé en visioconférence pour l’ouverture du séminaire : « Les facultés de médecine doivent conjuguer leurs efforts pour créer un véritable thesaurus d’outils pédagogiques accessible à l’ensemble de la communauté médicale. Dans cette perspective, votre université médicale virtuelle francophone est un processus exemplaire », a déclaré le Premier ministre.

Les frontières terrestres et techniques sont effacées

Le projet bénéficie d’ailleurs du soutien financier du ministère de l’Education nationale, du ministère de la Santé et du ministère de la Recherche, qui ont accordé sur deux ans un budget de 7 MF en autorisant le consortium à faire appel au monde économique. Et qui dit financement, dit moyens techniques. Nice fut l’occasion d’une démonstration de l’« e-learning » par satellite. Des travaux interactifs menés en direct par le Dr Huenerbein depuis l’hôpital Charité de Berlin et le Dr Graschew et le Pr Benhamou à l’université de Nice. Ce type de liaison par satellite permet non seulement le travail en direct entre étudiants et praticiens réputés (comme cela se fait déjà entre Shanghai et Nice par exemple), mais aussi la transmission de volumes considérables de données permettant d’y associer la vidéo. Les frontières terrestres, matérielles et techniques sont ainsi effacées. Et preuve en est cette coordination entre médicaux francophones (il ne faut pas oublier le « F » de UMVF), la Tunisie, la Belgique, la Suisse, le Canada et même le Mexique étaient représentés soit par la présence d’une délégation (Tunisie), soit par une intervention en visioconférence (le Mexique).

Et les étudiants dans tout ça ? Justement, quelle est leur perception du campus virtuel ? Croisé dans l’université durant l’IPM 2001, ce petit groupe est unanime : pas le temps ! Mais tous ne sont pas de cet avis. Le Pr Larcher, de l’université de Bordeaux-II, est venu présenter les statistiques concernant le campus médical virtuel bordelais. En trois mois d’existence, le site a reçu 286 visiteurs différents pour 731 connexions et 11 400 consultations de modules. Il s’agissait à 69 % d’étudiants, en majorité (89 %) de Bordeaux. Et c’est la biologie cellulaire qui remporte le césar du module le plus consulté, que ce soit par les enseignants, leurs élèves ou les « divers ». Les médecins sont, semble-t-il, plus demandeurs d’informations concernant le droit médical. Le succès du campus virtuel bordelais trouve sa légitimité dans le fait que les enseignants ont été associés au projet. Des séances avec les étudiants ont été organisées afin de ne pas pénaliser ceux qui ne possèdent pas d’ordinateurs et, surtout, les sites ont été ouverts pour les révisions. Comme quoi, bien pensé, un campus virtuel peut devenir un outil complémentaire à l’enseignement magistral.

Adresses Internet de l’UMVF :

http://www.umvftv.org

http://www.ipm2001.org

http://www.ipm3.org

Un DESS en ligne en partenariat avec la faculté de pharmacie de Paris-XI

Depuis un an, l’université de Nice a chargé de mission le Pr Staccini pour l’intégration des nouvelles technologies dans l’enseignement. Parmi les différentes réalisations, le nouveau bébé : la mise en ligne d’un DESS « Enseignement santé, sécurité et qualité à distance ». Un projet baptisé ESSQU@D. Le diplôme existe déjà à la faculté de médecine depuis quatre ans mais touchera désormais un public plus large. Les 380 heures de cours seront entièrement disponibles sur le Net. « Pour cela, il nous faut recréer une université sur le Net, explique Pascal Staccini, cela signifie les inscriptions, le tutorat, l’enseignement et l’évaluation. » Le projet se fait en partenariat avec la faculté de pharmacie de Paris-XI, l’Institut national de transfusion sanguine, l’institut universitaire de Lyon, la faculté de médecine de Montréal et le département audiovisuel de Sophia-Antipolis. Techniquement, la mise en route de l’enseignement en ligne est prévue pour la rentrée 2002. Dès janvier prochain, les premiers modules (normes de qualité et audit interne) seront disponibles. En attendant, les étudiants du DESS « réels » testent le programme car Pascal Staccini a « le souci de pérenniser les choses » et donc « d’impliquer les étudiants ». Parallèlement, trois étudiants réfléchissent sur le rôle d’un tutorat efficace.