Les e-patients, communauté mobile et active
Avec Internet, l’information n’est plus réservée à l’expert. Plus encore, certains patients se sont servis du web comme d’un terrain pour y militer en faveur de la « démocratie sanitaire » et lutter contre l’isolement des malades. Rencontre avec des pionnières.
Elles s’appellent Muriel, Yvanie, Catherine, Giovanna… Elles se sont rendues un jour sur le web santé, comme des millions de citoyens, pour en savoir plus sur leur pathologie. Avec des résultats plus ou moins heureux. Mais avec l’envie d’y retourner, d’y participer, d’y militer via les réseaux sociaux. Elles sont devenues des e-patientes, autrement dit elles occupent le sommet de la pyramide d’une population allant d’une base d’« illectroniques »* à « navigateurs occasionnels », « plus assidus », « micro et blogueurs (Twitter et autres) » et enfin « e-patients ». « Concrètement, détaille Muriel Londres, nous essayons d’être le plus présentes possible dans les réseaux sociaux, nous suivons l’actualité, les posts et billets des patients et spécialistes, nous assistons à des événements (salons, conférences…) où nous prenons la parole ou y faisons du live-tweet [NdlR : couverture d’un événement en publiant des messages courts en temps réel sur les réseaux sociaux ou en incitant les participants à le faire] via notre hashtag (#)ppe, pour “parole de patients experts”, #hcsmeufr, pour “health social media europe” et #doctors2.0. »
Atteinte d’une maladie de la thyroïde, Muriel Londres a un jour « googlé » ses analyses de sang. Elle est arrivée sur le forum de l’association Vivre sans thyroïde (www.forum-thyroide.net/) où elle a reçu « soutien, conseil, ainsi que le nom de sa maladie ». Sa formation de caméraman et son équipement vidéo lui ont permis de filmer la conférence annuelle de l’association, son entrée en e-santé. Depuis, elle est devenue coresponsable de l’antenne Ile-de-France et milite pour la médecine participative, croyant au pouvoir du forum « comme outil d’émancipation des patients et de meilleure gestion des maladies chroniques ».
Le parcours de ses comparses est tout aussi passionnant. Telle Yvanie Caillé, à qui une maladie des reins a été diagnostiquée à 12 ans et qui a été dialysée à 28 ans. Au début des années 2000, elle se tourne vers Internet, où l’on trouvait alors très peu de choses pour les patients. Yvanie met à profit sa convalescence suivant sa greffe pour créer son site. « Ce n’était pas mon métier et, à l’époque, il n’y avait pas de plate-forme de blogs. J’ai développé un site très amateur, Renaloo.com, avec au départ deux témoignages : le mien et celui de ma mère qui m’a donné son rein. » La demande croissant, Renaloo s’est enrichi en forum, contenus, web TV. C’est devenu une importante association de patients qui clôturera en juin prochain les Etats généraux du rein : « Dix-huit mois d’étapes pour livrer un état des lieux consensuel et des propositions aux pouvoirs publics », dont une enquête de grande envergure auprès des malades via le site.
Intelligence collective et solidarité se sont créées sur Internet
Avocate italienne, Giovanna Marsico est responsable de www.cancercontribution.fr, plate-forme collaborative sur le cancer. Elle y réfléchit à l’implication citoyenne dans la santé du futur et décline débats du jour (par exemple, les bienfaits du témoignage, le retour à l’emploi, l’annonce de la maladie, les controverses scientifiques du dépistage…) et forums, autant de « matière reprise puis analysée pour en faire des référentiels de pratiques ou des bases pour des actions politiques ».
Le premier réflexe de Catherine Cerisey, en 2000, a été de taper sur Internet ses résultats d’examens : « carcinome mammaire ». Le terme médical nébuleux a vite trouvé sa traduction dans les premiers résultats de Google : « cancer du sein ». Puis elle y est retournée très vite pour rencontrer ses pairs, « des femmes qui donnaient de l’espoir en allant plus loin que les fameux cinq ans de survie au-delà desquels les médecins ne s’engagent pas… ». En 2009, guérie, elle décide de créer sur Internet ce qu’elle n’y avait pas trouvé à l’époque, « information et espoir », sous forme d’un blog (http://catherinecerisey.wordpress.com), lequel sera très visité pour son expertise acquise par son expérience de malade chronique. Dans le droit sillage, en somme, de l’éducation thérapeutique du patient où le savoir du patient complète celui du médecin : « Je suis une e-patiente convaincue de l’intérêt d’engager la discussion entre professionnels de santé, institutions, malades et citoyens afin d’améliorer la prise en charge et notre système de santé », explique Catherine Cerisey
Toutes ont croisé le chemin de l’Américaine Denise Silber, experte de l’e-santé et infatigable blogueuse (www.denisesilber.com), qui a fondé, en 2001, Basil Strategies, société de conseil dans la communication digitale dans le domaine de la santé, et qui organise depuis trois ans, à Paris, Doctors 2.0 & You. Cette conférence internationale sur la collaboration accrue des acteurs de santé grâce au web et aux réseaux sociaux aborde des sujets tels que « les communautés en ligne, les applications mobiles et accessoires associés aux smartphones et aux tablettes, le quantified self, les notions de big data [NdlR : données massives], le recrutement en ligne pour la recherche clinique, le serious game ou gamification [NdlR : jeux numériques utilisés pour communiquer], les dossiers de santé personnels en ligne, l’e-notation dans la santé (professionnels, établissements, médicaments)… ».
Observatrice des évolutions, Denise Silber souligne combien les patients « cherchent à rencontrer d’autres patients ayant des expériences similaires et des professionnels prêts à sortir de la relation verticale ». Elle fustige les critiques faites à l’utilisation anarchique ou sulfureuse d’Internet par les patients et défend l’idée qu’une intelligence collective, au contraire, s’y est créée. Et aussi une formidable solidarité : « Contrairement à ce que l’on dit parfois, remarque Giovanna Marsico, le web permet de rompre l’isolement. Quand vous êtes seul dans une campagne isolée, ou tout simplement que vous ne pouvez dormir à deux heures du matin… » « Internet a aplani les différences, conclut Muriel Londres. Je peux discuter facilement avec une femme de 75 ans et être au même niveau qu’elle. Je peux trouver une réponse directe, c’est tranquillisant. Et de véritables relations d’entre-aide s’établissent. »
* Mot-valise transposant la notion d’illettrisme au domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Voir aussi : http://bit.ly/14M3b0E et http ://bit.ly/WTgys9
Pour en savoir plus
• (1) Syntec : http://bit.ly/MgNWDv
• (2) ANAP : http://bit.ly/JDw7eZ
• (3) INCa : http://bit.ly/XS2Ulq
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