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Les applications iPhone de Plus Pharmacie illégales

Publié le 28 janvier 2012
Par Magali Clausener
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Le 3 janvier dernier, le tribunal de grande instance de Paris a jugé que les campagnes de communication de Plus Pharmacie étaient illicites. Il a aussi condamné le groupement pour son application iPhone. Un jugement qui devrait remettre en question certains services proposés par les groupements.

L’Ordre a une nouvelle fois gagné un procès l’opposant à un groupement et visant des campagnes de promotion. Le 3 janvier, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a en effet tranché : les campagnes diffusées en 2009 et 2011 par Plus Pharmacie qui promouvaient l’enseigne PharmaVie, avec le slogan « Experts en pharmacie et en vie moins chère », sont bien publicitaires et, par conséquent, illicites. L’application iPhone, lancée en janvier 2011, est également jugée illicite, car publicitaire. Le TGI relève que cette application « permet de rechercher, non la pharmacie la plus proche, mais uniquement la pharmacie du groupement la plus proche », ce qui constitue une « violation de l’article R. 5125-29 du Code de la santé publique ». Cet article (voir encadré) stipule notamment qu’un groupement ne peut faire de la publicité en faveur des pharmacies adhérentes et qu’aucune publicité ne peut être faite par un groupement auprès du public.

Une frontière ténue entre information et publicité

Plus Pharmacie n’est pas le seul groupement à proposer des applications iPhone ou à inviter la patientèle à se connecter sur Internet. Quelle est alors la frontière entre l’information et la publicité ? Pour Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, « la question est de savoir si c’est à l’avantage du patient ou pas », sachant que les 22 500 officines constituent « un réseau unique, présent sur toute la France, avec des pharmaciens définis par leur diplôme, dont certains peuvent être sous enseigne ». En clair, la géolocalisation proposée par des applications doit comporter l’ensemble des pharmacies mais peut indiquer leur appartenance à un groupement.

En revanche, la réponse est moins évidente en ce qui concerne le suivi vaccinal ou l’observance de traitement. « Si un patient est prévenu de la fin de son traitement, c’est complètement différent d’un message lui disant qu’il doit venir chercher son vaccin à la pharmacie. Il faut que le message soit de l’information », explique Isabelle Adenot. Quant à la possibilité d’envoyer son ordonnance au pharmacien pour qu’il la prépare, on peut penser qu’une telle application tend vers la publicité. En effet, le TGI de Paris cite cette possibilité dans son jugement concernant l’application iPhone de Plus Pharmacie : « les clients pouvaient également scanner leur ordonnance et l’envoyer au pharmacien pour qu’il la prépare ». Autre exemple : la possibilité de créer un dossier personnel de santé sur le site Internet d’une pharmacie spécifique serait de la sollicitation de clientèle, puisqu’elle y oriente la personne ciblée. En outre, certaines applications ou services peuvent mixer à la fois l’information pure et simple et des informations portant uniquement sur une ou des pharmacies définies. La frontière peut donc être ténue. La présidente de l’Ordre ne partage pas cet avis : « Le Code de la santé publique est suffisamment clair. Il ne peut pas préciser des technologies particulières – ce qui serait difficile compte tenu de l’évolution technologique – mais donne des principes ».

Ces millions pour dire qu’X est meilleur qu’Y

Et si l’on aborde la situation économique difficile des pharmacies, qui pourrait expliquer le renforcement de la concurrence au sein du réseau, Isabelle Adenot ne mâche pas ses mots : « Pour faire de la publicité qui passe, il faut un certain temps d’écoute. Cela représente des milliers d’euros. La profession a-t-elle des milliers d’euros pour dire que X est meilleur qu’Y ? Il faut savoir ce que l’on veut. Les pharmaciens veulent-ils être des professionnels de santé ou des commerçants ? »

Publicité

Article 5125-29

« La décision du Conseil d’Etat rendue le 12 juin 1998 nous a éclairés sur cette question de la publicité. On peut faire de la publicité en faveur des officines mais dans des conditions restrictives », commente Olivier Saumon, avocat de l’Ordre. Cette décision fait suite à une demande d’annulation du décret du 14 juin 1996 qui introduisait dans le Code de la santé publique un article fixant les conditions dans lesquelles la publicité en faveur des officines de pharmacie est autorisée. Cette demande émanait de plusieurs groupements: Plus Pharmacie, Giphar et Giropharm. Ils considéraient notamment que cet article violait l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ce qu’a rejeté le Conseil d’Etat, comme il a rejeté la demande d’annulation.