« La France dispose de la plus grande base de données de santé du monde »
MARCEL GOLDBERG, PROFESSEUR DE BIOSTATISTIQUE ET D’INFORMATIQUE MÉDICALE, CHERCHEUR À L’INSERM ET MEMBRE DU HAUT CONSEIL DE LA SANTÉ PUBLIQUE
L’ouverture des données de santé publique ouvre-t-elle la voie au big data ?
Nous disposons de la plus grande base de données de santé du monde. Son ouverture dessine des perspectives immenses. Mais il va falloir se retrousser les manches, car le Système national interrégimes de l’assurance maladie est une base de données d’une complexité extraordinaire. Des acteurs plus nombreux vont développer de nouveaux outils pour l’exploiter, dont du big data, qui permet de traiter des masses de données. Nous pourrons déceler des problèmes de santé à des niveaux territoriaux très fins, par exemple à proximité d’une usine d’incinération. Ou encore nous pencher plus précisément sur les inégalités sociales de santé. Et, bien sûr, nous pourrons confirmer ou infirmer très rapidement des soupçons sur un médicament, ou déceler les effets secondaires rares d’un autre. Le vrai enjeu est de savoir si les moyens seront suffisants. L’Assurance maladie va devoir renforcer ses équipes. Nous avons le potentiel pour devenir les meilleurs au monde dans le traitement des données de santé. Nous pourrions attirer toutes les multinationales de la santé. Si j’étais ministre de la Santé ou de l’Economie, j’investirais dans ce sens.
L’article 47 du projet de loi de santé, au moins dans sa première rédaction, est souvent jugé trop restrictif. Partagez-vous cette analyse ?
Non. Est-ce que tout le monde est réellement d’accord pour que son dossier médical soit aisément accessible ? Les données de la CNAMTS réellement anonymes sont déjà en libre accès. Celles qui vont être ouvertes sont facilement réidentifiables : le numéro d’identification de l’assuré est crypté, mais si je connais l’âge d’une personne, le lieu et la date de son hospitalisation, j’ai 99 % de chances de retrouver son dossier médical. Je pense, comme beaucoup, que ce n’est pas une bonne chose. Il faut donc mettre des garde-fous. Mais l’accès à ces données est extrêmement facilité. Le statut du demandeur – public ou privé – n’entre plus en compte. Assureurs, laboratoires, entreprises informatiques ou journalistes pourront avoir accès à ces données à partir du moment où ils présenteront le but de leur recherche, qui doit poursuivre un objectif d’intérêt public (celles poursuivant un but commercial sont interdites).
Une base de données de santé privées ou de bien être est-elle en train de se constituer ?
Nous assistons à une explosion des données. Mais je manque sans doute d’imagination, car je trouve qu’il y a beaucoup de charlatanisme et de fantasmes. C’est un peu prématuré de savoir ce qui va ressortir des données produites par l’e-santé, exploitées par Apple ou Google. Il y a aura sans doute des choses utiles, mais moins que ce que l’on imagine. Quelle est la fiabilité des données produites par une montre connectée ? Selon quels protocoles ont-elles été collectées ? Pour avoir une bonne vision de l’état de santé d’une population, j’aurai toujours plus confiance dans la base de données de l’Assurance maladie.
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