Doctolib veut-il la peau de Mon espace Santé ?

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Doctolib veut-il la peau de Mon espace Santé ?

Publié le 6 décembre 2024
Par Christelle Pangrazzi
La santé numérique pourrait-elle bientôt se retrouver à deux vitesses ? Alors que Doctolib annonce la création d’un carnet de santé privé, les défenseurs de Mon espace santé, l’outil public conçu pour centraliser les données médicales des Français, dénoncent une concurrence inopportune et potentiellement risquée. Associations de patients et usagers du système de santé montent au créneau et appellent l’État à agir pour préserver un modèle public, transparent et sécurisé.

Doctolib, poids lourd des plateformes de rendez-vous médicaux, a dévoilé un projet de carnet de santé numérique intégré à ses services. Baptisée « Santé », cette nouvelle rubrique permettra aux utilisateurs de regrouper leurs informations personnelles (traitements, allergies, etc.) tout en accédant à des recommandations de prévention – dont certaines pourraient être payantes.

Cette initiative intervient alors que Mon espace santé, développé par l’Assurance Maladie et le ministère de la Santé, peine encore à pleinement s’imposer. Lancé en 2022 pour succéder au Dossier médical partagé (DMP), cet outil public gratuit compte actuellement 16 millions d’usagers et traite 30 millions de documents chaque mois. Mais ses fonctionnalités restent méconnues et parfois critiquées, malgré un cadre juridique robuste garantissant la sécurité et la confidentialité des données de santé.

Levée de boucliers des associations

Pour les associations de patients, cette concurrence directe de Doctolib constitue une menace. Dans une tribune collective, France Assos Santé et plusieurs organisations d’usagers dénoncent une initiative « inquiétante » et réclament une réaction immédiate des pouvoirs publics.

Leur principale crainte : une fragmentation de l’accès aux données médicales, au détriment des citoyens. « Pourquoi créer un doublon inutile ? » s’interrogent-elles. Elles alertent également sur le parcours des données collectées et leur potentiel détournement à des fins commerciales.

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Si Doctolib assure respecter le cadre réglementaire, la perspective d’un carnet privé suscite des interrogations sur l’indépendance des contenus et la gratuité de l’accès. Le fait que certaines fonctionnalités soient monétisées alimente encore davantage les doutes.

Un enjeu de souveraineté numérique

Cette polémique dépasse le simple cadre technologique. Elle pose des questions cruciales sur la gestion des données sensibles, la souveraineté numérique et l’équilibre entre innovation privée et service public. En France, le législateur avait précisément créé Mon espace santé pour offrir un accès universel et sécurisé aux informations médicales, en excluant toute marchandisation.

Les associations craignent que l’arrivée d’un acteur privé aussi puissant que Doctolib ne compromette ces acquis. Elles demandent une concertation urgente réunissant tous les acteurs, publics et privés, pour clarifier les règles du jeu. Parallèlement, elles appellent à un soutien renforcé pour Mon espace santé, afin d’en faire l’outil incontournable qu’il était censé devenir.

Quel avenir pour le carnet de santé numérique ?

Doctolib défend son initiative comme une réponse aux attentes de ses utilisateurs, mais son projet soulève de profondes inquiétudes quant à son impact sur le modèle public de santé numérique. Le gouvernement, jusque-là discret, pourrait être contraint de trancher rapidement pour éviter une fracture entre services privés et solutions publiques.

Alors que le numérique redessine les contours du système de santé, cette bataille incarne un dilemme majeur : faut-il privilégier l’innovation portée par des acteurs privés ou préserver la solidarité et l’universalité garanties par un service public ? Une question lourde d’enjeux pour l’avenir de la santé en France.