CoBox, la télépharmacie
En milieu rural, comment assurer l’approvisionnement en médicaments des populations sans recourir à la vente sur Internet ? Comment entretenir à distance le lien de fidélité très étroit qui unit les clients à leur pharmacien ? Michael Schier a trouvé la réponse. Elle s’appelle CoBox et fait 4 mètres carrés.
La scène se passe dans une banque. Le client entre seul dans une petite pièce, sécurisée et capitonnée dans un souci de discrétion. Il appuie sur un bouton. Un écran scintille. Au bout de trente secondes, son pharmacien apparaît à l’image. Ce dernier le salue, lui demande de ses nouvelles. Sa voix à travers le haut-parleur lui semble étrangement proche. Pourtant, Michael Schier se trouve à sept kilomètres de là, dans son officine, la Steinern Apotheke à Kastel (Hesse). Ce qui n’empêche pas le client de l’informer en toute confidentialité de l’évolution de sa maladie et de l’avis de son médecin. Michael Schier l’écoute attentivement et, grâce à la haute définition de l’écran, juge de l’état de santé de son client. Lentement, il lui indique la marche à suivre pour scanner son ordonnance.
Un bouton, à peine une vibration, et la prescription s’affiche à l’autre bout de la connexion sur l’écran de la Steinern Apotheke. Quelques remarques de Michael Schier concernant la posologie, un bref échange, quelques encouragements et le client est invité à glisser sa carte de crédit dans le terminal. En moins de cinq minutes, sans quitter son village, il a ainsi pu commander son traitement. De son côté, Michael Schier pourra exceptionnellement aller lui-même livrer l’antibiotique, comme le lui autorise la loi en cas d’urgence. Pour les cas plus bénins, il doit faire appel à un service de messagerie.
Contrer Internet et les parapharmacies
Il ne s’agit pas d’un cas de téléportation embarquée appliquée au marché pharmaceutique où l’officinal serait déplacé auprès de son patient, atome par atome. Et si vaisseau Enterprise il y a, il s’agit ni plus ni moins de l’entreprise de Michael Schier, lequel conduit ses officines en véritable entrepreneur. Ce titulaire sait que, face à Internet et la montée en puissance des parapharmacies dans le pays, sa survie dépend de son talent entrepreneurial. Il détient ainsi, comme la loi l’y autorise, quatre officines dans un rayon de 20 kilomètres et gère une équipe de 25 salariés.
Michael Schier est aussi conscient que conseil et proximité sont les deux atouts du pharmacien. En témoigne le succès modeste de la vente de médicaments en ligne, autorisée en Allemagne. Aussi quand, en septembre dernier, Ulrich Baudisch vient frapper à sa porte et lui propose son concept de CoBox jusqu’alors réservé aux banques et aux agences de voyage, c’est avec enthousiasme que Michael Schier le suit dans cette nouvelle aventure. Ulrich Baudisch est un architecte doué d’un sens aigu des affaires. Sa CoBox est un savant mélange de vente par Internet et de « B to C » (« business to consumer ») personnalisé. D’une surface de 4 m2 au minimum, cette pièce concentre un système de vidéoconférence (écran, micro et haut-parleur) avec un scanner et un terminal de paiement. La grande qualité de la technologie donne au client le sentiment d’être pris au sérieux et établit une relation dans des conditions réelles. Paradoxalement, cette technologie est vite oubliée car la CoBox crée une ambiance suffisamment chaleureuse pour mettre le client, souvent âgé, en confiance face à un écran.
30 secondes pour répondre au client
« Avec 1 500 habitants, Massenheim dispose de deux médecins mais d’aucune pharmacie. Les malades doivent effectuer au moins 5 kilomètres jusqu’à la prochaine officine », décrit Michael Schier. Aussi, l’implantation de la CoBox dans l’agence de la caisse d’épargne locale représente-t-elle une solution aussi originale que pratique. « Lors de l’inauguration, plus de 500 habitants de la commune ainsi que la presse locale et la télé régionale ont salué notre idée », se souvient-il.
La présence pendant une semaine d’un salarié délégué dans la CoBox a permis d’initier la population à son utilisation. Très nerveux au départ, le personnel de l’officine s’est lui aussi progressivement familiarisé avec l’appareil. A tel point que, comme s’en amuse leur patron, « dès que le signal sonore de la CoBox retentit, ils se disputent pour aller servir devant l’écran ». Mais Michael Schier et ses employés doivent se dépêcher : en moins de trente secondes, ils doivent dévaler l’escalier de l’officine pour se rendre à la cave où est installé le dispositif de la CoBox. « Si nous attendons plus longtemps, le client s’en va… » Mais l’astreinte est minime. La CoBox étant ouverte aux mêmes horaires que la Steinern Apotheke, le personnel est en nombre suffisant pour servir sur les deux fronts. D’autant que l’affluence n’assaille pas la CoBox. « Nous comptons environ une dizaine de clients par jour, avec 1,3 ligne en moyenne, juste ce qu’il faut pour amortir les coûts », déclare Michael Schier, qui estime le coût de sa CoBox à 2 000 euros par mois (200 € de location, 130 € de connexion haut débit et 1 600 € de leasing). De quoi faire taire les médecins des environs qui, une fois de plus, avaient reproché aux pharmaciens de privilégier les affaires…
Un nouveau modèle de distribution ?
La CoBox n’avait pas davantage suscité l’enthousiasme de l’Ordre. « Mais, comme il s’agit de VPC, ils ne pouvaient pas me l’interdire. Mais j’ai dû demander une autorisation aux autorités du Land. Je ne devrais pas avoir de refus car la VPC est autorisée en Hesse aux pharmaciens dans un rayon de 10 kilomètres autour de l’officine principale. » D’ailleurs, depuis la mise en service de la CoBox à Massenheim, dix autres titulaires de la région l’ont adoptée. Et Ulrich Baudisch en prévoit 200 autres pour cette année.
Convaincu par ce nouveau mode de distribution, Michael Schier lui-même songe à en acquérir trois ou quatre autres. Il veillerait cependant cette fois à ce qu’elles disposent d’une zone de chalandise plus importante. Il suffirait selon lui qu’elles soient implantées dans un lieu plus fréquenté, au bas d’un centre médical ou dans un supermarché. De son côté, Ulrich Baudisch vient de concevoir une CoBox qui peut être installée en extérieur, sur un parking par exemple, et qui permettrait, comme le remarque Michael Schier, de réduire les frais de location.
Envie d’essayer ?
LES AVANTAGES
• Augmenter sa clientèle sans trop d’investissement.
• Etendre sa zone de chalandise à des régions rurales ou difficilement accessibles (montagnes, îles…).
• Etablir et préserver un contact humain et un face-à-face, primordiaux dans la délivrance pharmaceutique.
LES DIFFICULTES
• Les problèmes d’accès à une connexion haut débit assurant une très bonne qualité de transmission du son et de l’image.
• La difficulté d’évaluer a priori la fréquentation de la CoBox et donc le retour sur investissement.
• Les coûts de livraison qui ne peuvent être imputés au client.
LES CONSEILS DE MICHAEL SCHIER
• « Essayez, car cela est vraiment amusant ! »
• « Assurez-vous d’une bonne logistique, le mieux étant de disposer d’un chauffeur et d’un véhicule attitré. »
• « Pour contourner les difficultés d’accès à une connexion haut débit, souvent inexistante dans les zones rurales ou montagneuses, le recours au satellite est possible. Seul problème : son coût, environ deux fois plus cher que la connexion haut débit. »
• « Adjoignez-vous un personnel capable de manipuler la technologie.? »
• « Disposez à l’officine d’un matériel de haute qualité. Par exemple, le scanner doit pouvoir permettre de détecter les documents falsifiés et de vérifier l’authenticité des ordonnances, ou encore le terminal de paiement par carte bancaire doit être opérationnel à distance. »
• « Choisissez bien votre lieu d’implantation. Ce peut être un lieu isolé à condition qu’il soit fréquenté. La zone de chalandise idéale se situe entre 2 500 et 3 000 habitants par CoBox, une fréquentation de 15 clients par jour permet un retour sur investissement acceptable. »