Alerte sur les banques de données
Les banques de données sur les médicaments sont un outil précieux pour l’analyse pharmaceutique. Problèmes : leurs fonctionnalités sont loin d’être totalement exploitées (dossiers patients…) et les mises à jour des informations sur les produits ne sont pas assez fréquentes. Voir le feuilleton estival sur la cérivastatine… Il y a urgence à utiliser au mieux les nouvelles technologies.
Initialement intégrées dans les logiciels de pharmacie pour contrôler les interactions médicamenteuses, les banques de données se sont enrichies de nombreux outils… diversement utilisés selon les officinaux. C’est le cas par exemple de la possibilité de créer un dossier patient, avec l’inscription d’informations médicales spécifiques au malade, permettant un contrôle pharmacologique complémentaire de la recherche d’éventuelles interactions.
Si le contrôle des contre-indications constitue un chapitre important de la surveillance des traitements, elle nécessite une collecte d’informations sur le malade (âge, poids, grossesse et allaitement, allergies, profil pathologique, etc.), opération qui n’est pas toujours aisée dans le cadre officinal. « S’il est facile, au travers des traitements en cours, de repérer un patient diabétique ou hypertendu, il s’avère plus ardu de déceler d’autres états pathologiques, souligne Roland Bouvier, pharmacien à Paris. Leur connaissance nécessite en effet un questionnement qui pourrait être perçu par certains patients comme une intrusion dans leur vie privée. » Autre difficulté rencontrée : le manque de temps. « L’entrée des données dans chaque dossier demande un certain temps et nous ne disposons pas toujours, au comptoir, des minutes indispensables pour nous y consacrer », ajoute-t-il. Les évolutions de la carte Vitale devraient permettre de surmonter ces difficultés.
Le contrôle des contre-indications est peu réalisé
Quoi qu’il en soit, lorsque le dossier est complété des données, la recherche sur les contre-indications fonctionne bien, notamment sur les grandes pathologies tels le diabète, l’hypertension (voir encadré ci-contre)…
Cependant, afin que le pharmacien puisse facilement compléter le dossier patient au comptoir et exploiter au mieux les informations, il serait nécessaire d’accroître la convivialité des logiciels. Et d’affiner les données des contre-indications pour rendre les pathologies plus précises. En bref, de rendre l’outil aussi pratique, rapide et pertinent que possible. « Rechercher une contre-indication demande un long cheminement, allant de l’accès à une liste préétablie, hiérarchisée, au choix de la donnée et à son intégration dans le dossier patient », explique Jacques Beaudenon, pharmacien à Paris. Pour le moment, cette possibilité de contrôle est peu utilisée par les pharmaciens (certains l’ont découverte lors de notre enquête !).
L’aide à la dispensation de génériques dans le cadre de la substitution constitue une autre fonction utile. Cette recherche peut entraîner la proposition d’un équivalent strict de la spécialité saisie (même dénomination commune internationale, même dosage et même forme galénique) ou bien la visualisation des médicaments de référence et génériques de l’Afssaps. Elle permet également de comparer les prix et de voir la disponibilité en stock. Pratique et rapide, cette fonction est très appréciée par les pharmaciens. « La recherche est facile et l’on sait très vite si le produit est substituable ou non. Si oui, la liste des génériques s’affiche avec les prix correspondants. C’est pratique et rapide », précise Olivier Auclair, titulaire au Plessis-Robinson.
Autre outil intéressant : le contrôle des posologies. Dans la majeure partie des logiciels, les posologies usuelles sont affichées dès l’appel du produit à l’écran. Mieux : il est parfois possible de vérifier si la posologie prescrite reste dans les limites de l’autorisation de mise sur le marché en fonction de l’âge et du poids du malade et de voir s’afficher à l’écran le nombre de boîtes nécessaires à la durée du traitement prescrit (contrôle automatique avec Alliance Plus et Banque Claude-Bernard option Dexther). « L’âge étant intégré dans le dossier, l’alerte est donnée si un médicament pour adulte est prescrit à un enfant, mais cela, on le sait en principe à la lecture de l’ordonnance… Ce qu’il manque, c’est une vraie gestion des dépassements de posologie, en liaison avec le profil du patient », regrette Roland Bouvier.
Ceci sous-entend, comme pour les contre-indications, une bonne gestion du dossier patient. L’utilisation de ce type d’alerte est donc loin d’être systématique au quotidien.
Concernant le classique contrôle des interactions, leur détection est réalisée lors de chaque saisie de ligne de facturation. Des messages apparaissent alors en cours de saisie ou en fin de saisie, selon le choix de l’utilisateur. Les informations sur les interactions sont conformes aux résumés des caractéristiques du produit (RCP) et reprennent les quatre niveaux de gravité (contre-indiqué, déconseillé, nécessitant des précautions d’emploi et à prendre en compte). Pour la Banque Claude-Bernard et Officialis, la mise à jour est issue du Groupe de travail sur les interactions médicamenteuses (GTIAM) de l’Afssaps retenant et validant les interactions cliniquement significatives (mise à jour en cours pour Vidal-Semp).
Le niveau est automatiquement affiché (on peut choisir de ne faire apparaître que les deux niveaux les plus élevés de gravité) et le pharmacien peut accéder, dans un second temps s’il le désire, au texte d’explication de l’interaction. D’un point de vue pratique, les alertes concernant les interactions sont automatiquement, rapidement et clairement affichées lors de la facturation, et ce quel que soit le logiciel utilisé.
La fréquence des mises à jour doit être améliorée
La plupart du temps, la banque de données est fournie automatiquement dès l’acquisition du logiciel, et ce gratuitement, avec un système d’abonnement annuel pour les mises à jour. Le pharmacien n’a généralement pas le choix de la banque puisqu’à chaque logiciel correspond une banque de données et une seule. Exception : la société Everys (Winpharma), qui fournit actuellement la banque Officialis, proposera prochainement au pharmacien un accès à Vidal-Semp, en plus ou à la place. Pour bénéficier d’un accès multibanque, il lui faudra alors prendre les abonnements de mises à jour correspondant aux différentes banques.
Quant à la mise à jour proprement dite, elle donne des résultats différents d’un logiciel à l’autre (voir encadré. p 23), même si tous affichent au minimum une mise à jour mensuelle. Il faut en effet compter avec le délai de circulation des informations entre les différents acteurs (Afssaps, banques de données, éditeurs de logiciels, utilisateurs finaux). De plus, en fin de circuit, le pharmacien reçoit les mises à jour (CD-ROM, disquettes) mais il ne les intègre pas forcément dès réception du support (lors des tests, certains pharmaciens n’avaient pas encore intégré la dernière version). Et s’il utilise le téléchargement (modem…), la fréquence d’intégration est très variable d’un utilisateur à l’autre. Des améliorations (raccourcissement du circuit, automatisme des mises à jour…) s’avèrent donc indispensables.
Les pharmaciens ont entre les mains des banques de données de qualité, mais leur exploitation au travers des divers logiciels n’est pas toujours bien adaptée à la pratique officinale. Comme le souligne Jacques Beaudenon, « nous avons à notre disposition des systèmes très complets mais il faut du temps pour découvrir toutes les fonctionnalités et les intégrer à la pratique. Résultat : on n’utilise pas toutes les capacités offertes ».
Quelques tests comparatifs
Nous avons réalisé fin juin trois tests pour comparer les performances des différentes banques, concernant la mise à jour des nouveaux produits, les interactions et les contre-indications récemment connues. Surprise, les résultats diffèrent…
– Présence de nouveaux produits : Sibutral et Uprima – Banque Claude-Bernard : Sibutral : non, Uprima : oui. – Vidal-Semp : Sibutral : non, Uprima : non. – Officialis : Sibutral : oui, Uprima : non.
– Détection d’interactions : -> Ordonnance 1 : Sectral + Cordarone = association déconseillée. -> Ordonnance 2 : Rythmodan + Josacine = précaution d’emploi (GTIAM, octobre 2000). – Banque Claude-Bernard : ordonnance 1, ordonnance 2 : oui. – Vidal-Semp : ordonnance 1 : oui, ordonnance 2 : non. – Officialis : ordonnance 1 : oui, ordonnance 2 : non.
– Recherche de contre-indications : saisie d’Amarel + profil patient = diabète insulinodépendant – Banque Claude-Bernard : alerte « incompatibilité par rapport au profil » – Vidal-Semp : alerte. – Officialis : contre-indication détectée.
Les banques de données sur le Net
Quels sont les avantages du support Internet pour les banques de données ?
La rapidité de recherche, la mise à jour quotidienne ou plurihebdomadaire, la possibilité de croisements de critères (substance, classe, forme, voie, statut, laboratoire, année de commercialisation, taux de remboursement, liste, condition de conservation…), la recherche des génériques, la détection des interactions au sein d’une ordonnance mais aussi des points presse sur l’actualité du médicament, des listes de liens utiles.
Voici une sélection de quelques adresses destinées aux professionnels de santé.
– BIAM (http://www.biam2.org)
Interactions entre différentes substances ou spécialités. Index des laboratoires pharmaceutiques et de leurs produits. Recherche des spécialités pharmaceutiques françaises, des substances actives. Index des spécialités étrangères.
– Thériaque (http://www.theriaque.org)
Contient tous les médicaments disponibles en France, en ville et à l’hôpital, génériques, à prescription restreinte, d’exception, agréés aux collectivités ou non, remboursés ou non. Informations officielles (RCP/AMM et ATU) et informations de référence internationales. Recherche multicritère. Analyse d’ordonnances.
– Vidal (http://www.vidalpro.net)
Consultation des informations sur un médicament (par nom de médicament, par substance active, par laboratoire, par classe thérapeutique). Vérification des interactions médicamenteuses d’une spécialité donnée ou détection des interactions possibles entre médicaments.
– OCP (http://www.ocp.fr)
Une partie du site de l’OCP est dédiée aux professionnels (entrée du nom d’utilisateur et du mot de passe, après avoir reçu une autorisation d’accès) et permet d’accéder, entre autres, à la base de recherche Clickadoc pour tout connaître d’un médicament : le fabricant, les différents conditionnements, les équivalents des produits étrangers…
– Pharmology (http://www.pharmology.com)
Site européen des pharmaciens et des professionnels de la santé (inscription gratuite). Première source européenne d’information sur les produits médicaux et non médicaux. Accès à la fiche détaillée d’une spécialité, identification d’un produit à l’aide de ses caractéristiques, équivalents étrangers, diététique, dermocosmétique, informations sur les plantes.
- Quétiapine en rupture de stock : comment adapter la prise en charge des patients ?
- Les médecins étrangers veulent un contrat pérenne
- Ménopause : qu’attendre des traitements laser contre la sécheresse vaginale ?
- Nature Care, gamme naturelle pour le soin des plaies
- Pharmaciens et IA : l’ère du professionnel augmenté