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Téléconsultation : une proposition officinale tout-terrain

Publié le 24 juin 2023
Par Yves Rivoal et Matthieu Vandendriessche
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Exit la tentative d’installation en hypermarché. La pharmacie est le lieu tout désigné pour l’implantation de bornes de téléconsultation. Elles montrent leur intérêt tant en zone rurale qu’urbaine, dans un quartier de bureau ou un centre commercial. Témoignages de titulaires convaincus.

Les téléconsultations ont enfin pris leur envol. Celles qui sont assistées à l’officine ont vu leur part multipliée par 2,6 en un an, passant de 6 % à 16 % (cumul fixe à fin novembre 2022 comparé à la même période de 2021, selon le Gers). La tendance est marquée à la concentration : 2 % des pharmacies opèrent la moitié des téléconsultations et 8 % en effectuent 90 %. « Certaines enregistrent des flux qui dépassent le millier par an, rapporte Nathaniel Bern, cofondateur de la société Medadom. En moyenne, une pharmacie réalise une cinquantaine de téléconsultations par mois, soit entre deux et trois par jour. » Un chiffre confirmé par Jordan Cohen. Selon le président fondateur de Tessan, « le développement de la téléconsultation se fera à la pharmacie et au sein de mairies ». Pas vraiment en grande surface comme il l’a escompté un temps. La cabine de téléconsultation installée par Tessan au milieu d’un hypermarché Carrefour à Montesson (Yvelines) n’a pas rencontré son public. Le test lancé en avril 2022 n’aura duré qu’une année. « Des discussions sont également en cours avec Monoprix pour retirer la dizaine de cabines qui ont pris place dans l’espace La Santé au quotidien », confie Jordan Cohen. Il estime que la marche de progression est encore importante dans les pharmacies, de plus en plus nombreuses à s’équiper. Avec des particularités qu’elles ont apprises à connaître. « Les flux d’une officine sont plus importants notamment en fin de journée et le week-end lorsque les cabinets médicaux situés à proximité sont fermés », souligne Nathaniel Bern.

Un élargissement de la clientèle

Quel que soit l’emplacement, en zone rurale ou urbaine, c’est bien sûr de l’environnement médical que dépend le recours à la téléconsultation. Cotitulaire à Sorgues, dans le Vaucluse, Stéphane Mangin a profité du transfert de sa pharmacie dans un centre commercial pour le proposer. Ce n’est pas seulement pour renforcer l’image d’une officine positionnée comme un pôle de soins de premier recours que le titulaire a opté pour ce service. Mais aussi du fait de la pénurie de médecins dans cette ville de près de 20 000 habitants. En un an, près d’un millier de téléconsultations ont été réalisées. « Depuis que nous l’avons installée en décembre 2021, la salle entièrement consacrée aux téléconsultations ne désemplit pas. » Stéphane Mangin travaille en bonne entente avec les deux maisons médicales de Sorgues. « Elles sont souvent saturées et nous envoient régulièrement des patients, assure le titulaire qui n’a pas fait de publicité particulière pour lancer le service. J’ai simplement ouvert un compte sur Doctolib en proposant des créneaux toutes les demi-heures. Le bouche-à-oreille a fait le reste. » Ici, les téléconsultations portent le plus souvent sur des douleurs ou des symptômes aigus. Le service a élargi sa clientèle : 40 % des personnes qui téléconsultent ne fréquentent pas l’officine habituellement. Dans une zone de bureaux, sur les bords de Seine du XIIe arrondissement de Paris, Ayessoro Renard, titulaire de la pharmacie de Bercy, a misé sur la téléconsultation pour les mêmes raisons. « Dans le quartier où je suis installée, il n’y a ni médecin ni centre médical à proximité. Recevant peu de prescriptions, j’ai décidé de proposer ce service en espérant générer des flux d’ordonnances et faire entrer une nouvelle patientèle dans mon officine. » La pharmacie est elle aussi présente sur la plateforme Doctolib, qui génère 80 % de ses flux en matière de téléconsultation. Le reste ne nécessite pas de rendez-vous. « Lorsqu’une patiente au comptoir souffre visiblement d’une infection urinaire, je lui demande si elle a quelques minutes pour téléconsulter. » Dans cette officine parisienne, les pathologies saisonnières tiennent le haut du pavé. « Nous traitons également beaucoup d’allergies et de renouvellement d’ordonnances ». La titulaire réalise entre cinq et six téléconsultations par jour. Et se félicite : « Je bénéficie d’un flux de prescriptions auprès d’une patientèle qui, sans la téléconsultation, n’aurait jamais poussé les portes de ma pharmacie. »

Faire connaître le service aux médecins

En zone rurale, aussi, on s’investit dans ce service. « 15 % des adhérents ont déjà aménagé une cabine ou une borne de téléconsultation, indique Laurent Filoche, président du groupement Pharmacorp. A la campagne, ce pourcentage double. La nécessité de maintenir une activité de prescription y est plus forte qu’ailleurs. En permettant à leurs patients d’accéder à un médecin en cas d’urgence, ou pour renouveler une ordonnance sans avoir besoin de faire 20 ou 30 km en voiture, les officines rendent un service de santé publique à la population. » Car c’est bien là le principal intérêt de cette mise en œuvre à l’officine : « Apporter une solution aux gens qui n’ont plus de médecin traitant. Cinq millions de Français sont dans ce cas », rappelle Emmanuel Bertrand, vice-président commerce de Cegedim Santé, qui commercialise la plateforme Maiia. Les pharmaciens y voient aussi une opportunité d’être partie prenante dans l’écosystème sanitaire de leur territoire via les communautés professionnelles territoriales de santé. «<0x00A0>Nous invitons d’ailleurs tous les titulaires qui s’équipent à se rapprocher des médecins aux alentours pour les inciter à pratiquer la téléconsultation pour les patients ayant juste besoin d’un renouvellement d’ordonnance ou qui ont du mal à se déplacer », complète Emmanuel Bertrand. Sans oublier « que le véritable atout de la téléconsultation en officine est d’éviter de se rendre inutilement aux urgences car il y a souvent une pharmacie ouverte ou de garde », argumente-t-il.

Principe

Cible

Modalités de réalisation

Matériel

Coordination interprofessionnelle

Exceptions à la règle

Rémunération

Facturation

Un terrain d’innovations

La société Tessan met un huitième outil à disposition des patients, le spiromètre. Par ailleurs, elle a élargi la palette des possibilités de rendez-vous. « Nous l’avons étendue aux pneumologues, aux gastroentérologues, aux diététiciens et aux homéopathes », détaille Jordan Cohen, président fondateur. Entre autres projets en cours, une table d’ophtalmologie pilotable à distance en complément d’un corner d’optique est actuellement testée dans trois pharmacies. Du côté de Medadom, autre leader de l’équipement pour l’assistance à la téléconsultation, une cabine nouvelle version fait son apparition visant à apporter davantage de confidentialité aux patients. L’alcôve est dotée d’un voyant lumineux indiquant si les lieux sont occupés ou vacants. Un système de ventilation est activé en présence d’un patient et six minutes après, et une lumière UVC aux pouvoirs désinfectants s’allume pendant cinq minutes après le départ du client.

L’assistance à la téléconsultation

Les pharmaciens peuvent contribuer à la réalisation d’actes de téléconsultation depuis leur officine. Ils assistent le médecin dans la conduite de l’examen clinique et accompagnent le patient. La proposition de téléconsultation relève de la décision médicale qui doit juger de sa pertinence. Cette prise en charge s’effectue dans le respect du parcours de soins.

La téléconsultation est possible pour l’ensemble des patients en France métropolitaine et dans les départements et régions d’outre-mer. Elle peut être motivée par une pathologie chronique ou aigüe.

La vidéotransmission doit garantir la sécurisation des données transmises et la traçabilité des échanges. La téléconsultation prend place dans un espace permettant de préserver la confidentialité des échanges.

Publicité

Des équipements sont nécessaires à la visiotransmission et à l’installation des patients. Le pharmacien peut transmettre des données complémentaires au médecin lorsqu’il le lui demande. L’officine doit disposer d’un tensiomètre, d’un oxymètre, d’un stéthoscope connecté et d’un otoscope connecté.

La pratique s’inscrit dans le respect du parcours de soins coordonné. Pour y participer, le pharmacien doit avoir intégré une structure d’exercice coordonné (équipe de soins primaires, maison pluriprofessionnelle de santé, communauté professionnelle territoriale de santé, etc.). Le patient doit avoir été initialement orienté par son médecin traitant vers le médecin qui téléconsulte (s’il n’est pas celui-ci). La téléconsultation est réalisée en alternance avec des consultations en présentiel.

La téléconsultation peut avoir lieu en dehors du parcours de soins, ce qui n’exclut pas une prise en charge. C’est le cas en situation d’urgence, lors d’un accès direct à certains médecins spécialistes (gynécologue, ophtalmologue, pédiatre, psychiatre, etc.), pour les patients de moins de 16 ans, lorsque les patients ne disposent pas de médecin traitant ou s’il est indisponible. C’est aussi le cas pour les détenus et les personnes résidant en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou dans un établissement accueillant ou accompagnant des personnes adultes handicapées.

> Une rémunération annuelle est versée et comprend deux volets :

– une participation forfaitaire de 1 225 € TTC pour l’équipement de base et l’abonnement à une solution technique (déclaration en ligne sur amelipro),

– une rémunération forfaitaire en fonction du nombre d’assistances à la téléconsultation réalisées par année civile, soit 25 €<0x00A0>TTC versés pour cinq téléconsultations assistées avec un plafond annuel fixé à 750 € TTC.

> La rémunération est versée dans le cadre de la rémunération sur objectif pour le développement du numérique en santé et l’accès aux soins.

Pour chaque assistance à la téléconsultation qu’il réalise, le pharmacien doit facturer à l’Assurance maladie le code acte traceur TLM et renseigner notamment dans la facture le numéro d’identification du médecin téléconsultant et la date de téléconsultation.

  • Sources : site ameli.fr (consulté le 7 juin 2023) ; arrêté d’approbation de l’avenant n°<0x00A0>15 à la convention pharmaceutique, relatif au déploiement de la téléconsultation dans les pharmacies et paru au Journal officiel du 6 septembre 2019 ; arrêté du 31 mars<0x00A0>2022 portant approbation de la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d’officine et l’Assurance maladie ; avenant n°<0x00A0>6 à la convention médicale sur la télémédecine.