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L’intelligence artificielle s’immisce dans les dispensations
« Dans notre officine, nous sommes passés près de la correctionnelle : une erreur de délivrance aurait pu coûter la vie d’un de mes patients. Nous l’avons rattrapée de justesse. Heureusement, car les conséquences auraient aussi été dramatiques pour mon équipe, psychologiquement et juridiquement », témoigne Étienne Gatignol, titulaire à Thoiry et cofondateur de la SAS Phealing, éditrice d’une IA d’analyse pharmaceutique, immatriculée en novembre 2019, dont Cegedim est devenu actionnaire majoritaire en décembre 2023. Conçus entre 2015 et 2020, parfois pour le milieu hospitalier, ces logiciels d’IA se lancent à la conquête du comptoir.
L’ergonomie
Parmi eux, leur compatibilité ou intégration au logiciel de gestion d’officine (LGO) constituent un premier facteur de différenciation. « S’ils sont intégrés, les données du LGO peuvent être échangées avec les logiciels. S’ils sont seulement compatibles, leur fonctionnement à l’écran sera le même mais sans échange de données », précise Thibault Ozenne, président de Phealing. L’intégration au LGO, donnant accès aux données patients qui y sont enregistrées, permet donc a priori un déploiement plus approfondi des capacités d’analyses. « Pour l’heure, Phealing est intégré à la plupart des LGO du marché sauf à LGPI et Winpharma, ce qui n’empêche pas leurs utilisateurs de nous appeler pour l’installer », indique-t-il. Le déclenchement de l’IA après le scan de l’ordonnance constitue une deuxième différence. Elle évite d’avoir à prendre l’ordonnance en photo et à ouvrir une autre fenêtre pour lancer l’analyse. Son déclenchement automatique, inclus dans le processus de dispensation, n’en altère pas la fluidité. « Suite au scan de l’ordonnance, Phealing l’analyse en trois à quatre secondes », avance Thibault Ozenne.
Une bonne lecture
Reste qu’une bonne analyse dépend d’abord d’une bonne lecture. « Sauf s’il s’agit d’un chiffon ou de hiéroglyphes, toutes les IA destinées aux officines seront capables de lire les ordonnances », assure-t-il. Les différences viendront des modèles et jeux de données utilisés pour leur élaboration. « Si l’IA a été conçue pour de l’hospitalier, elle sera a priori mieux préparée et aura de meilleurs scores sur des documents issus de ce milieu », poursuit-il. Plus concrètement, le scanner et la définition utilisée – 100 ou 300 DPI – joueront aussi sur la lecture de l’IA. Faisant un pas vers l’analyse, une bonne IA se doit d’appréhender la posologie prescrite le plus finement possible (rythmicité, dose, éventuellement taille et poids du patient…).
Vers un nouveau BPM en 2026 ?
La HAS a indiqué fin juillet 2024 avoir été saisie par la délégation ministérielle au numérique en santé et la direction générale de la santé afin de construire un support unique, structuré et interopérable reprenant les éléments du bilan partagé de médication (BPM – ville) et du bilan médicamenteux mené lors de la conciliation des traitements médicamenteux (CTM – hôpital), à savoir un bilan médicamenteux partagé. Ce bilan, harmonisé et unique, représenterait un support numérique d’échanges et de partage d’informations entre professionnels de ville et les établissements de santé. Les documents issus du BPM à l’officine et de la CTM à l’hôpital sont très similaires. La saisine mentionne une convergence à 80 % de champs communs. La mise en œuvre d’un bilan médicamenteux harmonisé permettra d’alimenter et de consulter ce bilan dans le dossier médical partagé (DMP) et dans « Mon espace santé ». Sa validation est prévue entre le second semestre 2025 et le premier de l’année 2026.
Bases de données et variétés des critères
L’analyse elle-même repose pour beaucoup sur la base médicamenteuse dans laquelle elle ira puiser. « Les bases Vidal, Claude Bernard, Thériaque, Thesorimed existent depuis 20 ans. Nous en avons créé une cinquième que nous avons fait homologuer par la Haute Autorité de santé (HAS) en janvier 2024. Fruit de trois ans de travail, l’innovation de la base Posos, certifiée HAS en janvier dernier, repose sur des données médicamenteuses extrêmement précises et structurées à 100 %, ce qui permet une analyse pharmaceutique et une aide à la décision thérapeutique personnalisée selon les pathologies précises et les traitements du patient », explique Goulven de Pontbriand, responsable marketing chez Posos. Avec une photo de l’ordonnance via son téléphone ou sur ordinateur, l’analyse peut identifier les médicaments à l’origine d’effets indésirables remontés par le patient, les interactions et contre-indications selon son profil – enfant, femme enceinte, senior, insuffisant rénal, etc. – et d’après différentes sources de données : résumé des caractéristiques du produit (RCP), mais aussi critères STOPP, CRAT, DDI Predictor pour les interactions cytochromatiques ou en calculant la charge anticholinergique… Plus besoin de consulter différentes sources à différents endroits. Posos les synthétise sur un écran et aide à trouver des alternatives compatibles avec le profil patient à proposer au médecin traitant. « Imaginez une patiente âgée se plaignant de vertiges depuis ses derniers traitements. Normalement, le pharmacien devrait regarder dans son Dorosz [Guide pratique des médicaments, éditions Maloine, NDLR], médicament par médicament pour trouver celui à l’origine de cet effet indésirable. Avec Posos, il lui suffit de taper “vertiges” pour identifier le traitement problématique, puis proposer des alternatives thérapeutiques qui génèrent moins voire aucun vertige », explique-t-il. Dépendante de la base de données et des critères d’analyse, la qualité de l’élaboration des propositions d’alternatives thérapeutiques différenciera les IA entre elles. « Posos dresse un tableau de toutes les alternatives possibles notamment en fonction du terrain du patient ou de ses traitements », indique Goulven de Pontbriand. Pour l’heure, les éditeurs d’IA en officines se comptent sur les doigts d’une main. Peut-être plus pour longtemps. WinPharma a déjà annoncé, pour 2025, une IA « maison », Win Prescription, qui pourra produire des analyses approfondies en s’appuyant sur les données du LGO.
Les Français et le numérique en santé
Selon l’étude réalisée par la délégation du numérique en santé publiée en février 2024, les Français seraient bien au fait des dispositifs e-santé les concernant.
82 % déclarent connaître « Mon espace santé » (MES) et 50 % l’avoir déjà utilisé.
Mais seuls 15 % de la population ont effectivement activé leur profil sur MES (source : Assurance maladie) et 18 % n’en ont jamais entendu parler.
Parmi ceux ayant déclaré connaître MES, 13 % en avaient entendu parler par leur pharmacien ; 93 % estiment avoir un droit d’accès à tous les documents qui sont émis sur eux en matière de santé et souhaitent avoir le choix dans la gestion de leurs données et documents de santé (supprimer des documents, partager des documents).
Enfin, 78 % ont eu recours à un service de prise de rendez-vous en ligne contre 70 % en 2020.Enquête réalisée en ligne du 22 au 27 novembre 2023 par Harris Interactive pour la délégation au numérique en santé sur un échantillon de 2 032 personnes représentatif des Français âgés de 18 ans et plus.
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