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Le numérique, l’arme anti-isolement
Téléconsultation, envois d’ordonnances par e-mail, click and collect pour les médicaments… Autant de services que développent de plus en plus les groupements. Ces outils digitaux peuvent-ils aider les officines à se maintenir sur le territoire ? Oui, sans être des sauveurs.
BRETELLE DE SORTIE
La digitalisation est l’un des enjeux en officine. En effet, face à des missions chronophages, à une gestion des pénuries de médicaments très prenante, aux problématiques de recrutement, disposer d’un outil de prise de rendez-vous, en particulier pour la vaccination, d’une messagerie sécurisée pour recevoir des ordonnances à préparer, d’un service de click and collect, voire de livraison à domicile, peut représenter un atout. Proposer la téléconsultation alors que les déserts médicaux gagnent du terrain est aussi un élément potentiellement attractif pour son officine. Sans compter le temps gagné pour le pharmacien et son équipe, les services rendus aux patients et le travail d’image. De fait, les groupements incitent fortement leurs adhérents à se lancer dans la digitalisation.
Digitalisez qu’ils disaient
« Le digital est incontournable pour deux raisons : il permet d’offrir une expérience ominicale au patient-client car, à terme, ses besoins digitaux seront en pharmacie les mêmes qu’ailleurs. C’est un axe de développement ; même si le digital ne va pas représenter à court terme 20 % du chiffre d’affaires (CA), il va apporter un CA complémentaire. Pour ces raisons, nos adhérents ont l’obligation d’intégrer la plateforme digitale Aprium et d’en utiliser les outils digitaux : programme de fidélité, sites web marchand et vitrine, Aprium Express, qui permet au patient de scanner leur ordonnance pour récupérer ensuite ses médicaments en click and collect ou à domicile par coursier, etc. A ce jour, 97 % de notre réseau est équipé de ces outils », détaille ainsi Emmanuel Schoffler, CEO chez Healthy Group, maison mère d’Aprium Pharmacie. Le groupement Giropharm propose aussi à ses 500 adhérents des services numériques : site web, service de « scan ordo », click and collect, prise de rendez-vous. Pas d’obligation cependant. « Nous mettons en place un site pour la totalité de nos adhérents, qui comporte des services de base. 90 % des pharmacies Giropharm optent ensuite pour le “scan ordo” qui permet de préparer les dispensations et aux patients de venir chercher tous leurs médicaments. Ce qui est utile pour organiser leurs journées s’ils travaillent et d’éviter de faire des allers-retours, d’autant plus lorsque l’officine se trouve à plusieurs kilomètres », précise Thierry Miquel, responsable des systèmes d’information du groupement. Et d’ajouter : « En revanche, le click and collect, qui ne concerne chez nous que la parapharmacie, a du mal à se développer. Quant à la livraison de médicaments et de produits de parapharmacie à domicile, qui serait un vrai plus dans les zones rurales – où se situent la majorité de nos adhérents –, elle rencontre aussi des difficultés à se déployer faute de prestataires de services dans ces territoires. »
Limites d’âge et de moyens
Quant à la téléconsultation, elle peut représenter une opportunité dans les zones désertées par les médecins. « C’est un outil intéressant. Nous travaillons avec Medadom. 40 % de nos adhérents étaient équipés à la fin 2023, avec une progression de + 30 % sur 2023. D’ici deux ans, cela devrait concerner 90 % du réseau Aprium », explique Emmanuel Schoffler. Qui nuance la portée de cet outil dans les zones rurales où la population vieillit et où les officines sont parfois « petites » en termes d’effectif, de locaux et de chiffre d’affaires. « Nous réalisons 50 000 téléconsultations par an, mais les statistiques montrent que les utilisateurs sont, dans 60 % des cas, des femmes et que la moyenne d’âge est de 35 ans. Je ne pense pas que l’usage de la téléconsultation par des personnes âgées se développe beaucoup. De plus, les officines qui souhaitent s’y mettre doivent pouvoir investir dans une télécabine, avoir la place pour l’installer, former leurs équipes. Les petites pharmacies en zone rurale n’ont pas forcément les moyens et la place. Et souvent l’équipe est très réduite. » Stéphanie Corre, directrice santé qualité formation de Giropharm, constate cependant une augmentation du nombre de demandes de mise en œuvre de ce service. « Les pharmaciens installés dans les centres-villes de petites ou moyennes communes veulent s’en servir pour faire face à la modification et à la raréfaction de l’offre médicale, remarque-t-elle. Ils nous expliquent que, pour des soins de premier recours, il arrive que la pharmacie ne puisse rien proposer avant 48 heures sauf les urgences qui se trouvent à 20 ou 30 km. La téléconsultation leur apporte une solution. Elle est toutefois plus ou moins mise en avant par les titulaires. Certains ne communiquent pas sur ce sujet et d’autres le font, ce qui peut les aider à acquérir de nouveaux patients. » Stéphanie Corre souligne également que si la taille de l’équipe officinale peut être déterminante dans le choix de ce service, en pratique, il « ne prend pas plus de temps qu’une vaccination ou un dépistage ». En revanche, elle observe que l’installation d’une borne de téléconsultation est le minimum requis pour rassurer les patients, ce qui nécessite de la place dans l’officine. Au total, environ 20 % des adhérents de Giropham réalisent ce type de consultation, via Medadom.
« L’approche digitale par des solutions comme la téléconsultation, le click and collect ou la livraison à domicile n’améliore pas la rentabilité des officines, ce sont des solutions référencées pour étoffer le service rendu aux patients et répondre à leurs attentes en fonction de la typologie de l’officine, observe néanmoins Ludovic Guilbaud, chef de projet santé chez Giphar. La digitalisation est toutefois un véritable atout quand elle apporte des outils de prise de rendez-vous, d’aide à la dispensation, de suivi du lien ville-hôpital, qui guident les entretiens ou favorisent l’interprofessionnalité. Des solutions peu coûteuses, avantageuses en matière de service rendu et de gain de temps. » Un discours partagé par les responsables d’Aprium et de Giropharm.
Internet versus maillage
La digitalisation, si elle peut être un avantage, n’est donc pas la panacée pour les officines « fragiles ». Ce ne sont pas les outils numériques qui pourront sauver les pharmacies situées dans des petites communes et/ou dans des zones rurales dont la population vieillit. Et la perspective d’une réglementation assouplie pour la vente de médicaments, conséquence d’une proposition de loi portée par le député Marc Ferracci, fait craindre un « détricotage » du maillage officinal. « Plus il y a de ventes sur Internet, moins il y a de pharmacies sur le territoire. Et moins il y a d’officines, plus les ventes en ligne prospèrent », résume ainsi Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Pour le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Philippe Besset, pas question d’avoir des « stocks déportés » : « La France dispose du meilleur accès aux médicaments en Europe. Il y a des pharmacies partout, donc l’accès n’est pas un problème. Le vrai sujet, c’est le maintien de ce maillage de qualité ». CQFD.
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