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La reconstruction mammaire post-mastectomie

Publié le 1 juin 2024
Par Estelle Deniaud Bouet
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La reconstruction mammaire est souvent une étape-clé du parcours de la femme atteinte d’un cancer du sein. Les patientes ont besoin d’informations claires leur permettant de faire un choix éclairé. Après la reconstruction, un accompagnement reste nécessaire.

À qui s’adresse-t-elle ?

En France, environ 22 000 femmes subissent chaque année une mastec-tomie totale (ablation du sein) à la suite d’un cancer du sein(1). Les dernières recommandations de l’Institut national du cancer (Inca) préconisent qu’une reconstruction mammaire doit être proposée à toutes les patientes ayant une indication de mastectomie totale. D’après une enquête de l’Inca publiée en février 2021, seulement 28 % des femmes en bénéficient. Dans le cas d’une mastectomie partielle, on parle plutôt de réparation mammaire, qui est effectuée au moment de la chirurgie d’exérèse tumorale(2).

La reconstruction mammaire n’est pas obligatoire sur le plan médical, car elle n’est pas en elle-même un traitement du cancer du sein. Les femmes peuvent ainsi choisir de conserver un buste plat(3). Néanmoins, la reconstruction mammaire est considérée comme une étape de la prise en charge, remboursée par l’Assurance maladie (mais avec des dépassements possibles), permettant une restauration de l’image corporelle de la femme.

Y a-t-il des contre-indications ?

Il existe certains freins à la reconstruction mammaire, en particulier le tabagisme actif, le diabète de type I ou de type II non contrôlé et l’obésité. Mais, les seules véritables contre-indications médicales sont un âge avancé et une atteinte cutanée.

À quel moment est-elle réalisée ?

Deux cas de figure se présentent : la reconstruction mammaire immédiate, effectuée juste après la mastectomie, au cours de la même intervention chirurgicale, et la reconstruction mammaire secondaire ou différée, réalisée plusieurs mois, voire plusieurs années après la mastectomie, au cours d’une nouvelle intervention chirurgicale. Avant la mastectomie, l’équipe soignante doit informer et proposer la reconstruction mammaire aux patientes qui peuvent en bénéficier.

Une enquête de l’Inca révèle que seulement 14 % des femmes ont eu une reconstruction mammaire immédiate après une mastectomie totale. Historiquement, la reconstruction était effectuée à distance de la mastectomie, après une chimiothérapie et une radiothérapie, par crainte de l’échec de la reconstruction en cas de traitements adjuvants.

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Les dernières recommandations de l’Inca précisent que la chimiothérapie et la radiothérapie ne contre-indiquent pas la réalisation d’une reconstruction mammaire immédiate. Une grande majorité de femmes sont ainsi éligibles.

Mais l’aspect organisationnel de telles interventions, mobilisant parfois deux chirurgiens, l’un pour pratiquer la mastectomie, l’autre pour effectuer la reconstruction du sein, peut constituer un obstacle. Dans tous les cas, la prise en charge oncologique reste l’objectif premier et doit passer devant la prise en charge esthétique. Il est préférable d’opter pour une reconstruction mammaire secondaire, plutôt que d’être contraint de retarder le début de la chimiothérapie en raison d’un retard de cicatrisation. L’équipe pluridisciplinaire détermine avec la patiente la stratégie de prise en charge la plus adaptée à sa situation.

En pratique, comment se déroule la reconstruction ?

La reconstruction mammaire est décidée en réunion de concertation pluridisciplinaire en fonction des choix de la patiente. Elle nécessite généralement plusieurs interventions chirurgicales, espacées chacune de quelques mois. Si pour 41 % des femmes, une seule intervention suffit, pour 28 % d’entre elles deux interventions sont nécessaires, voire trois interventions pour 14 % des femmes (données de l’Inca).

La reconstruction mammaire peut faire intervenir plusieurs techniques chirurgicales choisies en fonction de la patiente, de l’étendue de la chirurgie ou encore des traitements complémentaires envisagés. Les deux principales techniques utilisées sont la mise en place d’une prothèse interne (implant) et la reconstruction par lambeaux avec ou sans prothèse. Des reprises chirurgicales sont ensuite souvent nécessaires, par exemple pour ajouter de la graisse (lipomodelage) ou reconstruire le mamelon et l’aréole (chirurgie réparatrice).

Mamelon et aréole : le tatouage, une alternative à la chirurgie ?

La reconstruction du mamelon et de l’aréole peut être réalisée chirurgicalement. L’intervention nécessite des prélèvements de peau au niveau de l’aine, des petites lèvres de la vulve ou du mamelon du sein controlatéral.

Une alternative non chirurgicale est le tatouage. Le dessin en trompe-l’œil (dit « en 3D ») donne un effet très réaliste. Celui-ci est réalisé par des professionnels du tatouage, spécialisés dans ces techniques, en milieu hospitalier ou non. Il s’adresse à toutes les femmes ayant bénéficié d’une reconstruction mammaire, une fois la cicatrisation complète, à condition que leur peau soit saine et qu’elles ne soient pas allergiques aux produits utilisés. Généralement, il faut compter une année entre la chirurgie et le tatouage, mais ce délai peut considérablement varier d’une patiente à l’autre. L’accord du médecin oncologue est nécessaire avant d’effectuer le tatouage.

Le tatouage du mamelon et de l’aréole se déroule généralement en deux ou trois séances, une première pour choisir la pigmentation de la peau, du mamelon et de l’aréole et en dessiner les contours, une seconde pour le tatouage en lui-même et une dernière pour d’éventuelles retouches. De manière générale, la séance de création des couleurs ainsi que le dessin préalable (prépigmentation) et le tatouage se font dans la continuité et nécessitent entre 4 et 5 heures de travail. Le tatouage peut également être utilisé pour améliorer l’aspect du sein, sa pigmentation et les cicatrices laissées par les interventions. Le tatouage médical fait l’objet d’un forfait de remboursement par l’Assurance maladie et peut entrer dans la prise en charge des soins de support dans les instituts du sein. D’autres solutions, temporaires, peuvent aussi être envisagées : des prothèses externes autoadhésives de mamelon et d’aréole, du maquillage semi-permanent ou des tatouages éphémères.

Pourquoi choisir une reconstruction mammaire ?

Les attentes des femmes sont diverses et personnelles. Il peut s’agir notamment de se réconcilier avec son image corporelle, d’éviter le port d’une prothèse externe ou de se réapproprier son corps en effaçant les séquelles du cancer.

Si les progrès chirurgicaux et les nouvelles générations de prothèses mammaires ont permis d’obtenir de bons résultats, les femmes doivent avoir conscience que leur nouvelle poitrine ne sera jamais strictement identique à leur sein naturel. Au-delà des différences entre le tissu mammaire et la consistance de la prothèse ou du lambeau, la perte de sensibilité cutanée au niveau du sein est souvent très longue à disparaître, et parfois définitive. Les patientes doivent être préparées à ces résultats précocement.

Buste plat ou reconstruction mammaire ?

Une proportion non négligeable de femmes se montre d’emblée réticente à la reconstruction mammaire. Pour les patientes qui choisissent de conserver un buste plat, d’un seul côté ou des deux côtés, des retouches chirurgicales sont parfois nécessaires pour améliorer l’aspect des cicatrices et de la peau après la mastectomie. Là encore, le tatouage peut être une solution intéressante et durable. Des tatouages artistiques sont même possibles ! Les femmes qui choisissent de garder un buste plat temporairement ou définitivement peuvent se tourner, le cas échéant, vers les prothèses mammaires externes.

Quelle posture adopter à l’officine ?

Au comptoir, l’écoute, le conseil et l’orientation des femmes atteintes d’un cancer du sein tout au long de leur parcours de soins et même longtemps après les traitements intensifs sont cruciaux. Un discours cohérent entre les différents soignants qui interviennent auprès de la femme est nécessaire pour lui permettre de faire un choix éclairé et de mieux accepter les changements corporels. Des connaissances solides dans ce domaine constituent un réel avantage. Dans tous les cas, des informations peuvent être remises aux patients au travers de brochures telles que « Que faire en cas de mastectomie ? », conçue par la Haute Autorité de santé et l’Inca. Les associations de patientes sont également des sources d’information et de soutien utiles pour les personnes concernées.

(1) « Reconstruction mammaire : la HAS et l’Inca présentent une plateforme d’aide à la décision partagée », communiqué de presse, mis en ligne le 29 mars 2023.

(2) « Reconstruction mammaire », Inca, mise à jour le 29 mars 2023.

(3) « Reconstruction mammaire : de la réflexion à la décision », Haute Autorité de santé (HAS), mis en ligne le 29 mars 2023.

Docteure Élisabeth Chéreau, chirurgienne, spécialiste en pathologie mammaire et gynécologique à l’Institut de chirurgie de la femme de Marseille (13).

Muriel Verstraete, tatoueuse spécialisée dans les suites de chirurgie mammaire et le tatouage réparateur et esthétique.

Changer de regard

Un film documentaire, intitulé Guérir le regard, a été réalisé sur la reconstruction mammaire après une mastectomie, à l’initiative du groupe Info-Sein de l’Institut Curie. Il aborde le sujet au travers de témoignages de patientes et de leurs proches ainsi que de l’expertise des soignants. Le documentaire est accessible sur YouTube.