Dans mon salon comme à l’officine

C’est l’itinéraire bis des encombrements paperassiers, le Bison futé des tâches administratives. Si certains pharmaciens considèrent qu’ils passent déjà suffisamment d’heures dans leur officine, d’autres estiment que le télétravail, c’est du concentré de liberté. Yann Becker n’est pas pharmacien, mais c’est lui qui remplit les tâches administratives pour l’officine de son épouse, à Paimpol (22). Cela fait six ans qu’il travaille à distance. « La paperasse nous submerge de plus en plus, et comme dans bon nombre de pharmacies exiguës, il se pose un problème d’espace. Notre officine est en plein centre commercial et le local attribué auparavant à la comptabilité et aux travaux administratifs était à l’étage dans une ambiance perpétuelle de lumière artificielle. De quoi déprimer ! Le même local servait aussi à recevoir les délégués commerciaux et ce n’était pas facile d’harmoniser le tout. »

Il y a six ans, les époux Becker ont donc pris la décision de mieux s’organiser. Ils achètent une maison à six kilomètres de là (une proximité étudiée pour réduire le coût de la liaison téléphonique), structurée d’emblée pour permettre le télétravail. Une pièce y est donc entièrement dédiée. En précurseur, Yann Becker avait contacté France Télécom qui lui conseille l’installation d’une ligne analogique spécialisée, à défaut d’une ligne à haut débit pas encore accessible dans ce village. Data Conseil a adapté ensuite le matériel nécessaire, c’est-à-dire un modem spécialisé pour la pharmacie à Paimpol et un autre pour le domicile ainsi qu’un ordinateur et une imprimante.

Immobilisée, mais opérationnelle

Depuis lors, pour un coût d’environ 150 euros forfaitaires par mois, Yann Becker n’est plus du tout à la pharmacie. Les avantages sont incontestables à ses yeux : « Je travaille plus qu’à la pharmacie mais sans stress ; c’est très facile et pourtant je ne suis pas du tout un féru d’informatique. Lorsque j’ai commencé le travail à distance, nos enfants étaient encore jeunes et ma présence permettait de résoudre bien des problèmes. Et la vue est imprenable : en levant les yeux entre deux rangées de statistiques, s’étale, grandeur nature, l’île de Bréhat. »

Autres motivations mais constat identique pour Isabelle Hanriat, pharmacienne à Peynier (13). Chez elle, c’est un problème de santé qui a déclenché la décision. Contrainte en principe a rester totalement allongée pendant dix jours, elle allait quand même à la pharmacie pour prendre les papiers administratifs. Et c’est précisément pendant cette période que sa boîte à lettres lui dévoile une proposition de la société Alliadis : « Voulez-vous travailler de chez vous ? » La décision a été vite prise d’acheter un ordinateur pour le domicile (le même que celui de l’officine – qui n’était pas un multimédia), une imprimante, deux modems, et de demander une ligne téléphonique supplémentaire à France Télécom pour la pharmacie et le domicile. « J’en ai pour seulement trois euros par mois avec le forfait local », se réjouit Isabelle Hanriat. Depuis lors elle s’est équipée d’un multimédia à la maison comme à la pharmacie. « J’ai vite trouvé que c’était agréable de pouvoir consacrer du temps à certaines tâches. Je ne suis jamais à l’officine le lundi et j’en profite, chez moi, pour faire des statistiques et élaborer des stratégies. Mais je ne passe pas non plus ma journée de liberté derrière l’écran. Cela me permet de rester disponible pour les patients et pour l’équipe qui m’entoure. Et je ne ramène pas un seul document papier à la maison. »

Sophie Roussel, directrice marketing chez Alliadis, estime à 1 % de sa clientèle le nombre de pharmaciens adeptes du télétravail et constate une demande croissante. Elle s’est livrée à une enquête auprès de ses clients, et voici leurs motivations : pouvoir suivre leur activité depuis leur domicile ; imprimer des éditions un peu longues ; pouvoir suivre l’activité officinale depuis le lieu de vacances pour les pharmaciens équipés d’un portable relié à Internet. «Inutile pour s’équiper, précise Sophie Roussel, de choisir un gros multimédia. Mais il vaut quand même mieux ne pas choisir le bas de gamme car l’expérience le prouve : une fois le multimédia installé à domicile, il est rare qu’on ne veuille pas se servir du poste pour d’autres activités, surtout s’il est relié à Internet. »

Il faut donc un poste de travail à domicile avec modem et imprimante, et un autre poste à l’officine auquel il faut rajouter un modem sur l’unité centrale et donc une ligne téléphonique séparée. Alliadis propose aussi un petit logiciel, le Twin-New, développé par Prolog, permettant la liaison entre les deux ordinateurs. Chez Data Conseil, Marc Kern observe que le pharmacien peut aussi importer dans son ordinateur portable des données statistiques qu’il peut transcrire sous Windows et faire ensuite un travail de stratégie, avec graphiques, histogrammes, etc.

Le positif et le négatif

Le positif est aisément perceptible : outre les motivations décrites plus haut, le télétravail permet aux pharmaciens de quitter leur pharmacie plus tôt, de partir en vacances tranquilles lorsqu’ils veulent suivre l’activité et éventuellement intervenir, ou de gérer à distance plusieurs points de vente. Les inconvénients semblent mineurs. Sauf si le pharmacien peut être équipé avec une connexion par ADSL ou Numéris ou par câble, se pose un problème de coût de la communication en fonction du temps d’occupation de la ligne, qui peut parfois être long.

Des constats à peu près identiques à ceux de Marc Kern chez Data Conseil. Selon lui, « la révolution vient d’Internet. Imaginez, vous vous trouvez quelque part en vacances, vous allez dans un cybercafé muni de votre code et vous jetez un coup d’oeil sur ce qui se passe dans votre officine ! » Une facilité qui a un coût. Marc Kern l’estime à environ 2000 euros, installation au domicile, poste, imprimante et modem inclus, auxquels il faut rajouter l’abonnement à une nouvelle ligne téléphonique si elle est supplémentaire. En faisant appel à une ligne haut débit, il faut compter environ une trentaine d’euros pour la location d’un modem spécifique.

Les clés du travail à domicile

– Dans la mesure du possible, consacrer une pièce dédiée au télétravail, au pire un espace dans lequel vous pouvez laisser votre ordinateur à disposition.

– Choisir un ordinateur multimédia à la maison comme à l’officine. Sans opter pour le haut de gamme, à domicile, privilégiez un modèle permettant d’assumer les activités de loisir.

– Investir dans une imprimante à domicile.

– Privilégier une connexion ADSL, Numéris ou câble. A défaut, choisir une localisation proche de l’officine.

– Prévoir une ligne téléphonique supplémentaire à domicile et à l’officine.

– Laisser l’ordinateur de l’officine allumé de façon à pouvoir le joindre à tout moment.